Famille : Trichiaceae
Texte © Ignacio Barrionuevo
Traduction en français par Michel Olivié
La Trichia decipiens ( Pers. ) T. Macbr. est un étrange organisme mucilagineux connu sous le nom vulgaire d’ œufs de saumon qui appartient au phylum des Mycetozoa, à la classe des myxomycètes ( Myxomicetes ), à l’ordre des Trichiales et à la famille des Trichiaceae.
Le groupe controversé des Mycetozoa, connus sous le nom vulgaire de champignons mucilagineux, était autrefois classé dans le règne des Fungi à cause de leurs corps fructifères qui sont semblables aux véritables champignons que nous avons l’habitude de trouver dans les bois et parce qu’ils se reproduisent grâce à des spores dotés d’une paroi cellulaire rigide.
Aujourd’hui toutefois, vu leurs nettes différences avec les champignons parmi lesquelles on peut citer le type d’alimentation ( ils phagocytent des organismes microscopiques au lieu de prélever leur nourriture dans le milieu ) ou la composition de leurs parois cellulaires qui n’est jamais faite de chitine, celle-ci étant présente seulement dans les spores, ils ont été classés par certains auteurs dans le règne des Protozoa à l’intérieur du phylum des Amoebozoa (le même auquel appartient la bien connue Amoeba proteus) alors que pour d’autres ils forment un phylum à part.
Le nom du genre, Trichia, vient du substantif grec “thrix, thrichos” = cheveu, poil, soie par allusion au capillitium qui ouvre les structures reproductives piriformes tandis que celui de l’espèce, decipiens, vient du verbe latin “decipere” = tromper, décevoir.
La Trichia decipiens, parfois appelée vulgairement œufs de saumon à cause de la ressemblance que ses nombreux corps fructifères marron orangé ont avec les œufs de ce poisson, est une espèce cosmopolite qui vit sur des troncs d’arbres humides et en décomposition, conifères ou feuillus, où elle trouve sa nourriture : des bactéries, des levures et des particules organiques.
Comme tous les myxomycètes la Trichia decipiens présente un cycle de vie et reproductif assez complexe où apparaissent à la fois des phases unicléées ( des spores et d’autres cellules mobiles ) ou plurinucléées ( le plasmode ).
Pendant les périodes les plus douces de l’année la Trichia decipiens vit sous la forme de cellules dotées d’un seul noyau en se nourrissant surtout de bactéries, de levures et des spores d’autres champignons qu’elle phagocyte en les absorbant dans des excroissances de sa membrane cellulaire. Ces cellules, toujours mobiles, peuvent prendre deux formes suivant les conditions du milieu. Quand l’humidité est élevée au point de leur permettre de nager elles prennent une forme flagellée (dite planocyte ou mixoflagellée ) alors que lorsqu’elle est faible elles prennent une forme amiboïde rampante ( myxamibe ). Si l’humidité change les deux formes peuvent s’adapter en se transformant l’une dans l’autre mais elles ne peuvent survivre longtemps à la sécheresse. Dans ce cas elles réduisent leur activité et rendent leur surface plus rigide et imperméable, autrement dit elles s’enkystent (c’est la raison pour laquelle elles sont appelées microkystes ) aussi longtemps que les conditions environnementales ne reviennent pas à des conditions acceptables. Elles peuvent rester dans cet état plusieurs mois, voire un an !
Les myxamibes tout comme les mixoflagellées peuvent se reproduire de façon asexuée par division cellulaire mais, bien que cela les oblige à se cloner sans les avantages d’une variabilité génétique, elles préfèrent ce procédé qui leur permet de se reproduire rapidement quand les conditions environnementales sont favorables et constantes.
Quand le milieu, en général en automne, se fait plus hostile avec des températures et une humidité très basses et qu’il y a donc moins de nourriture à leur disposition les myxamibes émettent des signaux chimiques d’appel qui leur permettent de rencontrer des individus de type différent avec d’autres patrimoines génétiques et de se féconder les unes les autres en formant un amoebozygote.
L’amoebozygote commence par diviser à plusieurs reprises son noyau cellulaire mais au contraire du cas précédent il augmente la taille de son corps sans le diviser. C’est ainsi qu’apparaît la seconde phase du cycle, plurinucléée, dite plasmode. Au plasmode peuvent s’adjoindre d’autres amoebozygotes ou d’autres plasmodes et ainsi, au final, grâce à ces ajouts et à la division du noyau chaque plasmode peut contenir des centaines de noyaux. À la différence de ce qui se produit chez les animaux et les plantes la cellule fécondée ne grandit donc pas en créant de nouvelles cellules mais grossit en augmentant simplement le nombre de noyaux.
Le plasmode de la Trichia decipiens qui est de couleur variable, blanc, rose ou orange a une consistance gélatineuse et se déplace par un mouvement amiboïde sur le bois en décomposition pour capturer non seulement des bactéries ou les levures habituelles mais aussi, vu leurs grandes dimensions, des moisissures et des champignons. En période de sécheresse le plasmode peut aussi s’enkyster en se desséchant et en durcissant pour former un sclérote, une structure dans laquelle il peut rester jusqu’au retour de conditions favorables. Toutefois pour éviter au maximum la déshydratation le plasmode s’efforce de rester à l’ombre ou dans l’obscurité, l’humidité y étant plus élevée.
Lorsqu’il est adulte et que les gelées se font de plus en plus proches le plasmode s’arrête et se transforme de façon surprenante. De l’amas gélatineux et informe de la Trichia decipiens commencent à sortir, sous forme de groupes parfois très nombreux, des excroissances verruqueuses, d’abord de la même couleur que le plasmode, qui deviendront les corps fructifères ( dits sporocarpes ou sporophores ), à savoir les structures où les spores se formeront et viendront s’accumuler.
Au fur et à mesure que les sporocarpes grandissent ils prennent leur forme piriforme définitive, vu qu’ils ont une structure sphérique ou presque ( sporange ou sporocyste ) à l’apex, de 1,1 à 1, 5 mm de diamètre avec habituellement un pédicelle ( stipe ) long jusqu’à 1,5 mm qui l’unit à ce qui reste du plasmode attaché au substrat ( hypothalle )
Au début ce stipe est blanc et translucide avec à l’intérieur des structures granuleuses bien visibles alors que le sporange est de couleur variable, de brunâtre à orange brillant. Le sporange a une couche externe membraneuse jaunâtre et translucide, le péridium, qui en vieillissant devient brun-jaunâtre et qui contient à l’intérieur une grande quantité de noyaux.
Certains d’entre eux s’entoureront d’abord d’une membrane puis d’une paroi cellulaire à la surface légèrement réticulée et deviennent des spores alors que d’autres formeront un réseau de fibres tubulaires non ramifiées ( le capillitium ) de 4,5 à 5,5 microns de diamètre dans la partie médiane mais pointues vers l’extrémité et jusqu’à 150 microns de long. Les noyaux qui ont formé le capillitium meurent et l’intérieur des fibres se dessèche en prenant une couleur jaunâtre-olivacée.
À maturité l’hypothalle, déjà desséché, est de couleur marron foncé, comme la base de la tige, alors que la liaison de cette dernière avec le sporange qui est plissé est de couleur marron-jaunâtre. La masse sporale, avec le capillitium et le péridium déjà desséchés, donnent au sporange une couleur allant du jaune-olivâtre au marron ochracé.
La Trichia decipiens reste ainsi en attente pendant l’hiver et quand les conditions redeviennent favorables l’humidité fournie par les pluies printanières fait que le capillitium, jusqu’alors sec, augmente de taille et pique le péridium. De cette façon, au sommet de celui-ci s’ouvre un trou arrondi par lequel sortent les spores ainsi que, à la manière d’une chevelure, le capillitium. Il reste donc une structure en forme de coupe constituée du stipe et du péridium ouvert.
Les spores sont transportées par le vent ou de petits animaux, habituellement des invertébrés, et là où elles atterrissent, si les conditions sont favorables, elles germent sous la forme de myxamibes ou de mixoflagellés selon l’humidité et achèvent ainsi le cycle.
Synonymes : Arcyria decipiens Pers. (1795); Trichia fallax Pers. (1796); Trichia fallax var. dilutior Alb. & Schwein. (1805); Trichia fallax f. cerina (Ditmar) Rostaf. (1875); Trichia fallax var. cerina (Ditmar) Berl. (1888); Trichia fallax f. minor Rostaf. (1875); Trichia fallax var. minor (Rostaf.) Berl. (1888); Trichia fallax var. gracilis Meyl. (1910); Trichia decipiens var. gracilis (Meyl.) Meyl. (1933); Trichia decipiens f. rubiformis Meyl. (1913); Trichia decipiens var. hemitrichoides Brândza (1914); Lycoperdon pusillum Hedw. (1780); Trichia pusilla (Hedw.) G.W. Martin (1949); Trichia virescens Schumach. (1803); Trichia cerina Ditmar (1814); Trichia fulva Purton (1821); Trichia furcata Wigand (1863); Trichia nana Zukal (1886); Trichia stuhlmannii Eichelb. (1907); Trichia fernbankensis Frederick, R. Simons & I.L. Roth (1984).