Famille : Dryophtoridae
Texte © Prof. Santi Longo
Traduction en français par Jean-Marc Linder
Le Charançon de l’Agave, Scyphophorus acupunctatus Gyllenhal, 1838, est un coléoptère de la famille des Dryophtoridae de la superfamille des Curculionoidea, qui, avec plus de 60 000 espèces décrites, est le plus grand groupe systématique d’insectes. Les adultes sont reconnaissables au premier coup d’œil à leur tête plus ou moins allongée en forme de rostre.
Scyphophorus, le nom du genre donné par Gyllenhal dans le protologue de la description de l’espèce, est dérivé de la combinaison des termes grecs “σκύφος” (skyphos), coupe, et “φορος” (phoros), port, référence à la forme légèrement creusée de la massue. Pour sa part, l’épithète spécifique acupunctatus donné par Gyllenhal, renvoie en latin à la minuscule ponctuation sur le tégument des adultes de cette espèce.
Zoogéographie
L’espèce qu’on pense originaire d’Amérique centrale a été introduite à partir du Mexique, dans des zones tropicales arides, probablement avec Agave sisalana cultivé pour la production de fibres.
Scyphophorus acupunctatus est actuellement présent en Amérique du Sud et du Nord, en Asie, en Océanie et en Afrique. En Europe, il a été introduit en 1991 dans des serres néerlandaises avec des plantes ornementales et en 1998 dans le nord de l’Italie. En 2006, on l’a observé en plein champ sur des agaves en Sicile, et il est actuellement également répandu en Sardaigne et dans les régions méridionales de la péninsule italienne. A l’ouest, il est implanté dans de nombreuses localités de la Côte d’Azur et de la péninsule ibérique. On le trouve aussi sur la côte est de la Méditerranée où de nombreuses espèces du genre Agave, spontanées et cultivées, ainsi que les genres Dracena, Dasyliron, Beucarnea, Polianthes, sont naturalisées ou cultivées.
Morphophysiologie
Les mâles et les femelles adultes sont très semblables ; leur corps brun foncé tire sur le noir, avec des reflets métalliques violacés ou bleutés. La différence entre les sexes se remarque à la fois dans la convexité de la partie ventrale du premier segment de l’abdomen et dans la forme du pygidium des mâles. La longueur du corps varie de 10 à 19 mm, avec une moyenne de 18,37 mm chez les mâles et de 17,92 mm chez les femelles. La tête mesure en moyenne 5,22 mm de long chez le mâle contre 5,12 mm chez la femelle. Les yeux sont grands et allongés, en contact inférieurement.
Le prolongement de la tête, improprement appelé rostre, est légèrement incurvé, sillonné ventralement de deux carènes ; les antennes sont insérées sur les côtés ; à l’extrémité du rostre se trouvent les appendices de l’appareil buccal masticatoire. Le pronotum est oblong ; les ailes mésothoraciques, ou élytres, sont sillonnées et finement ponctuées. Elles sont soudées entre elles et l’insecte, qui ne peut pas voler, ne se déplace donc qu’en marchant. Les œufs de Scyphophorus acupunctatus mesurent environ 1,5 mm de long pour un diamètre de 0,7 mm ; à la ponte, ils sont recouverts d’un fin chorion de couleur hyaline.
Les larves fraîchement écloses mesurent environ 3 mm ; elles atteignent en moyenne 25 mm de long aux stades ultimes. Leur corps est blanc crème et incurvé, dépourvu de pattes, apode, avec une tête eucéphale bien développée. Le dos du premier segment du thorax est jaune brillant.
L’abdomen présente trois plis dorsaux. Le bord postérieur du neuvième segment abdominal présente deux protubérances plus longues que larges, portant chacune trois soies allongées. À maturité, ces larves ne se nourrissent plus ; elles s’abritent dans des organes végétaux ou dans le sol et construisent, avec des fibres végétales et d’autres matériaux, des chambres nymphales longues d’environ 25 mm dans lesquelles elles se métamorphosent.
Les pupes de Scyphophorus acupunctatus font environ 20 mm de long, avec leurs appendices libres ; d’abord de couleur isabelline claire, elles deviennent progressivement plus foncées et sont appelées exarates, du latin “exaratus” (labouré, creusé). Elles portent des antennes, des appendices buccaux, des pattes et des ailes individuellement séparées par le tégument nymphal qui adhère comme un gant.
Éthologie-Biologie reproductive
Sous les tropiques, le développement de l’espèce est continu et homodynamique ; elle effectue une génération en 60-90 jours avec superposition des différents stades biologiques. En Sicile, sur des agaves en plein air, une génération a lieu en 120 à 150 jours avec la présence simultanée de tous les stades biologiques tout au long de l’année. Dans les serres chauffées, sur Dracena, Scyphophorus acupunctatus parvient à réaliser jusqu’à 4 générations par an.
Les mâles sont attirés par les composés volatils libérés par les plantes âgées ou fragilisées pour diverses raisons. Une fois sur place, ils émettent une phéromone d’agrégation qui attire les mâles et les femelles vierges qui colonisent le substrat, accélérant ainsi le flétrissement des plantes. Les femelles, pour se nourrir et pondre, perforent les feuilles de petits trous à l’aide de leur rostre.
Les larves néonates se dirigent vers la partie interne des feuilles et vers l’apex végétatif des plantes, se nourrissant sans cesse ; à maturité, leur corps est environ 10 fois plus long.
L’activité trophique des larves cause des dommages directs considérables aux plantes d’ornement hôtes, comme c’est le cas pour certaines espèces de palmiers avec le Charançon rouge des palmiers (Rhynchophorus ferrugineus). Le Charançon de l’Agave est en outre considéré comme un vecteur de pathogènes et notamment de la Pourriture molle de l’Agave, causée par Erwinia carotovora.
Synonymes
Rhyncophorus asperulus Le Conte, 1857; Scyphophorus anthracinus Gyllenhal, 1838; Scyphophorus iterstitialis Gyllenhal, 1838; Scyphophorus robustior Horn, 1873.
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