Text © Prof. Giancarlo Castello
Traduction en français par Michel Olivié
Le tristement célèbre Charançon rouge des palmiers (Rhinchophorus ferrugineus Olivier, 1790) est un insecte appartenant à l’ordre des Coleoptera, à la super-famille des Curculionoidea et à la famille des Dryophthoridae, Carl Johann Schönherr (1772-1848), qui comprend cinq sous-familles.
Le nom du genre Rynchophorus vient du grec “rynchos” = bec et “phoro” = porter tandis que celui de l’espèce ferrugineus veut dire en latin = de couleur rouille.
Zoogéographie
La première fois où le Charançon rouge des palmiers attira l’attention de quelqu’un ce fut pour des motifs purement scientifiques. Puis un rapport fut publié dans les premiers mois de 1891 par les soins de la Indian Museum Notes.
L’intérêt s’est accru à cause des énormes dégâts occasionnés au cocotier (Cocos nucifera). En 1906 Lefroy a approfondi la question et l’a finalement déclaré comme étant un parasite mortel pour tous les cocotiers de l’Inde.
Son expansion irrésistible a eu probablement pour point de départ des régions chaudes de la Terre, à savoir le Sud-Est de l’Inde et la Mélanésie.
Les changements climatiques mais aussi le manque de sagesse des hommes sont souvent la cause à plus ou moins long terme de nombreux déséquilibres naturels.
Certaines réflexions concernant le comportement du Charançon rouge ne devraient pas se référer seulement à un territoire donné mais plutôt aux habitudes réelles du parasite telles qu’il les a dévoilées en de multiples occasions.
Alors qu’en Inde les dégâts ont tout de suite été subis presque exclusivement par les cocotiers l’insecte a trouvé en Europe de nombreuses autres sources de nourriture beaucoup plus vulnérables et bien plus attirantes.
C’est ainsi que le palmier des Canaries (Phoenix canariensis), une espèce appréciée dans nos paysages mais aussi du Charançon rouge, a débuté la triste histoire de sa fin.
Ce serait une erreur fatale de se limiter à combattre ce fléau localement en feignant d’ignorer que la dénomination exacte de cet insecte est Charançon rouge des palmiers et non d’un certain palmier. La succession des destructions qui suit le prouve. En 1920, en Irak, le palmier dattier (Phoenix dactylifera) a été anéanti. Il en fut de même en 1985 dans les Émirats arabes unis où toutes les cultures ont été touchées . À partir de 1992 l’insecte a complètement envahi les territoires allant du Maroc puis à l’Algérie, à la Libye, ensuite à Israël, à la Jordanie et jusqu’à la Syrie. Dans ces zones ses goûts ont commencé à se porter sur différentes espèces ornementales.
Tout de suite près il a atteint l’Europe, d’abord les Canaries (en1993) où il a trouvé une espèce plus fragile mais aussi appréciée, à savoir précisément le palmier des Canaries (Phoenix canariensis). Cela prouve peut-être son arrêt surprenant de quelques années après son apparition en Espagne (en 1994).
L’invasion finale des territoires de l’aire méditerranéenne a eu lieu à partir de 2004 où l’on a découvert sa présence sournoise et désastreuse presque au même moment au Portugal, en France (y compris la Corse) et en Italie où de 2005 à 2012 son invasion lui a permis de traverser toute la péninsule depuis la Sicile puis de remonter de la Campanie à la Ligurie et de s’étendre un peu en taches de léopard dans les Pouilles, la Calabre, la Sardaigne puis la Basilicate, la Vénétie et la Toscane avec plus d’un millier de communes concernées.
Mais ce n’est pas tout. Le parasite s’en est allé beaucoup plus loin jusqu’en Grèce et en Turquie et même à Malte et à Chypre. On peut désormais affirmer que toutes les régions du monde où sont répandus les différents types de palmiers ont été définitivement atteintes.
Écologie-Habitat
Il vit aux dépens des palmiers. En pratique toutes les espèces alimentaires et ornementales des Arecaceaeles plus connues ont subi des dégâts dont : Areca catechu L. – Arenga pinnata (Wurmb.) Merrill – Bismarckia nobilis Hildebr. & H.Wendl. – Brahea armata S.Watson – Brahea edulis H.Wendl. ex S.Watson – Borassus flabellifer L. – Caryota cumingii Lodd. ex Mart. – Caryota maxima Blume – Caryota urens L. – Chamaerops humilis L. – Cocos nucifera L. – Corypha utan Lam. – Elaeis guineensis Jacq. – Jubaea chilensis (Molina) Baill. – Livistona decora (W.Bull) Dowe – Metroxylon sagu Rottb. – Phoenix canariensis H.Wildpret – Phoenix dactylifera L. – Phoenix roebelenii O’Brien – Phoenix sylvestris (L.) Roxb. – Ravenea rivularis Jum. & H.Perrier – Roystonea regia (Kunth) O.F.Cook – Sabal palmetto (Walter) Lodd. ex Schult. & Schult.f. – Trachycarpus fortunei (Hook.) H.Wendl. – Washingtonia filifera (Rafarin) H.Wendl. ex de Bary et Washingtonia robusta H.Wendl..
L’état apparent en bonne santé d’individus en réalité attaqués depuis un certain temps n’a cessé d’induire en erreur des importateurs peu avisés, ce qui a provoqué des déplacements vers de nouveaux territoires.
Reconnaître une plante infestée s’avère en fait très difficile avant que certains symptômes importants apparaissent après plusieurs mois.D’abord le jaunissement des feuilles, souvent les feuilles apicales, puis leur perte d’aplomb jusqu’à ce qu’avant leur dessèchement final qui leur donne un aspect flasque qui les fait ressembler à une perruque les branches les plus basses commencent à s’incliner vers le tronc. La phase terminale est tristement visible quand le sommet, pratiquement décapité, présente une couronne de palmes desséchées sur le point de se détacher.
À partir de là le palmier devient une sorte de pouponnière d’où des centaines d’insectes partent la nuit à la recherche des individus les plus fragiles afin de se reproduire sans pour autant dédaigner ceux qui sont plus résistants.
La durée de vie d’un insecte adulte, qui est en moyenne de six mois, n’est pas à considérer comme courte. Il ne faut pas d’autre part sous-estimer sa force et sa capacité de vol qui le rend capable de parcourir une distance de plusieurs kilomètres sans se poser.
Après que le parasite s’est installé durablement sur la plante il n’existe pas de traitement véritablement efficace et quand on parle d’utiliser des techniques prometteuses on raisonne seulement en désespoir de cause. L’utilisation récente du champignon endophyte Beauveria bassiana (Bals. Criv. ) Vuill ou de ses équivalents et de pièges à phéromones n’ont pas du tout donné de résultats et sont plus coûteux qu’utiles.
Morphophysiologie
Sous nos latitudes les dimensions des adultes sont pour le mâle de 3 cm de long pour un centimètre de large. Elles sont un peu plus élevées chez la femelle : environ 3,4 cm de long pour 1,3 cm de large.
En général sa couleur de fond est une teinte rouille ou brun rougeâtre avec de petites taches noires sur le pronotum, une couleur que l’on retrouve sur les pattes. Une caractéristique de cette famille est la présence du “bec”, un organe qui prolonge la tête en formant une sorte de bec pointu sur lequel se trouvent également les antennes. Ce rostre a pour fonction de pénétrer dans les substances ligneuses. Son apex constitue l’appareil masticatoire.
Sur le rostre du mâle on remarque la présence d’une rangée de soies épaisses qui sont de couleur plus foncée à l’extrémité. Ce duvet que l’on observe aussi sur les tibias antérieurs est absent chez la femelle.
Éthologie-Biologie reproductive
Du fait que le Charançon rouge ne suit pas un rythme saisonnier précis mais se reproduit en cycle continu sous réserve que la température soit convenable il achève son développement depuis l’oeuf jusqu’au stade adulte en trois ou quatre mois.
Le fait que les femelles soient polygames ne fait qu’accroître sa prolificité. Elles pondent en moyenne 300 oeufs qu’elles introduisent dans les interstices du tronc ou dans les parties souples correspondant au point de cassure des feuilles. Au bout de seulement 4 à 5 jours les petites larves naissent déjà et deviennent des mineurs affamés accomplis. Des galeries et de larges espaces qui se croisent profondément dans le tronc servent d’itinéraires pour de très nombreuses larves et finissent par atteindre le collet du palmier.
Au bout de trois mois au maximum les larves se recouvrent d’un cocon résistant constitué de fibres. Sa largeur peut atteindre 6 cm pour 2,5 cm de large. La nymphe, à l’intérieur, qui est l’ébauche de l’insecte définitif, est de couleur brun rougeâtre. Pour devenir adulte elle doit laisser passer environ trente jours.
Pour profiter à fond du festin une substance d’agrégation apparaît, produite par le mâle, le “ferruginéol”, qui incite les individus encore isolés à rejoindre la nouvelle colonie. De nombreux individus des deux sexes améliorent en se regroupant leur efficacité et même leur durée de vie.
Les espèces de Washingtonia que l’on a considérées pendant quelque temps comme immunisées se sont à leur tour avérées vulnérables. La difficulté qu’il y a à les attaquer n’est pas due , comme cela a été supposé, à des substances de défense spéciales mais plus probablement à leur revêtement foliaire qui ne facilite pas le passage de l’insecte.
Celui-ci montre des préférences particulières en ce qui concerne la Phoenix canariensis dont la plante mâle est attaquée un an au moins avant la plante femelle et dont les individus envahis par le charançon rouge doivent être hauts d’au moins sept mètres.
Le nettoyage et les tailles périodiques de la Phoenix canariensis provoquent l’émission de substances attractives qui ont rendu cette espèce plus attirante. On peut ajouter que la présence du rat noir (Rattus rattus) peut, à cause des dégâts qu’il occasionne aux branches sur lesquelles il niche, favoriser fortement l’infestation.
Il est bon de rappeler qu’il existe aussi d’autres espèces apparentées au Rynchophorus ferrugineus qui pourraient se répandre de la même façon selon d’autres modalités tout aussi néfastes.
C’est le cas par exemple de l’insecte américain Rynchophorus palmarum qui est également le vecteur de nématodes très nuisibles. Tout cela devrait susciter davantage d’intérêt pour la prévention. En laissant de côté certains raisonnements encore en usage l’établissement un an au moins avant l’arrivée de notre prédateur des palmiers d’un plan précis de prévention aurait été décisif. En traitant les plantes avec des produits adéquats à dispersion lente injectés dans le tronc beaucoup de palmiers seraient encore en vie.
→ Pour des notions générales sur les Coleoptera voir ici.
→ Pour apprécier la biodiversité au sein des COLÉOPTÈRES cliquez ici.