Famille : Pythonidae
Texte © Dr. Gianni Olivo
Traduction en français par Virginie Thiriaud
Les êtres humains n’ont jamais été indifférents aux serpents. Ils les ont admirés ou détestés, ils ont ressenti de la peur ou du respect pour eux, mais ils ne les ont jamais ignorés comme de simples figurants du monde naturel qui les entoure.
Le fait de se déplacer sans appendices ni jambes, presque caressant le sol, sans faire de bruit, le fait de se déplacer sans effort tant sur terre que dans l’eau ou sur les plantes et les buissons, la peau apparemment froide, la possibilité d’apparaître de nulle part ou de disparaître dans les crevasses les plus étroites comme des fantômes, une peau qui peut paraître visqueuse au premier abord, l’absence de paupières, caractéristique qui donne à leur œil une fixité qui semble malveillante et, surtout, le fait que certains d’entre eux possèdent du venin, a contribué à les rendre légendaires.
Cependant, c’est surtout dans la religion chrétienne que ces reptiles ont été classés parmi les “méchants”, alors que dans de nombreuses autres religions ou civilisations, la place qu’ils ont occupée est beaucoup moins négative, voire positive.
Ainsi, pour de nombreuses civilisations asiatiques, le Cobra à lunettes (Naja naja) est un animal sacré, car il protège le Bouddha du soleil grâce à son cou dilaté en forme de parasol. Pour les civilisations d’Amérique centrale, le serpent Quetzacoatl, couvert de plumes comme un oiseau, était un dieu. Et pour les Grecs et les Romains de l’Antiquité, le serpent était un symbole de sagesse et un simulacre de l’art de la médecine, à tel point que la célèbre Zamenis longissimus porte le nom pittoresque et évocateur de couleuvre d’Esculape.
En Afrique, berceau de l’humanité, il existe des milliers de légendes à propos des serpents. L’une d’elles parle du python blanc de Funduzi, un lac solitaire perdu parmi les collines, sacré pour le peuple Venda qui lui consacre chaque année la Domba, la danse du python.
Les pythons tuent leur proie par constriction et non pas en la broyant, comme certains le croient. La proie est saisie en un mouvement éclair, qui projette la bouche grande ouverte du prédateur vers l’avant. Les dents, tournées vers l’arrière comme des crochets, s’arriment à la victime que le corps musclé du reptile entoure alors en un instant.
Le prédateur tente d’encercler la cavité thoracique, probablement guidé par les battements du cœur qui augmentent en raison de la peur et du stress. La pression exercée est très forte mais ne fracture presque jamais les os. Le reptile exploite le moment de l’expiration pour augmenter la compression, ce qui empêche la victime d’inhaler. La proie succombe finalement par asphyxie et arrêt cardiaque.
Les constricteurs ne sont pas tous d’énormes serpents potentiellement capables de tuer un homme, et il n’y a pas que les pythons et les boas qui chassent de cette façon. De nombreuses espèces utilisent ce système, dont certaines de petite taille, comme le serpent d’eau brun d’Afrique (Lycodonomorphus rufulus), qui tue par constriction les batraciens dont il se nourrit, après les avoir saisis avec ses petites dents pointues et recourbées vers l’arrière qui lui ont valu son nom scientifique signifiant “dents de loup” (Lycodonomorphus).
Si l’on exclut Madagascar, une île qui possède une faune à part entière rappelant l’Asie, les représentants africains de la famille des Pythonidae sont peu nombreux : deux espèces de taille assez réduite (Python regius et Python anchietae), et une de grande taille, le fameux Python de Seba (Python sebae Gmelin, 1788), qui compte deux sous-espèces.
La première est Python sebae sebae, commune dans la partie du continent africain située au nord d’une ligne imaginaire qui, d’ouest en est, suit d’abord la frontière entre l’Angola et la Namibie, en incluant la bande de Caprivi, puis longe la frontière entre la Zambie et le Zimbabwe (vallée du Zambèze), et continue enfin jusqu’à l’océan Indien le long du fleuve Zambèze.
La seconde sous-espèce, Python sebae natalensis, peuple les régions au sud de cette frontière (Zimbabwe, Namibie, Botswana, Afrique du Sud, sud du Mozambique) et tire son nom de la région du Natal, en Afrique du Sud.
Cependant, d’après mes observations personnelles, les pythons examinés au nord et au sud de cette frontière n’étaient pas très différents. Les différences de coloration me semblaient plus liées aux différents habitats. Quant aux dimensions, généralement indiquées comme étant plus importantes pour la première sous-espèce, elles me semblaient plus déterminées par des facteurs tels que la densité de la population humaine, etc.
En Afrique du Sud, par exemple, il est assez rare de voir des pythons de plus de 4,5 mètres de long (sous-espèce natalensis), mais je pense que cela est davantage dû à une plus forte anthropisation. En d’autres termes, malgré la protection légale dont il bénéficie, un python vivant à proximité d’une ferme et s’attaquant à des animaux domestiques a peu de chances de vieillir, sans compter que les morts accidentelles le long des routes sont courantes, surtout la nuit. Au contraire, dans des régions reculées de l’Afrique centrale, au nord de la fameuse ligne de démarcation, notamment en Tanzanie, j’ai vu des pythons de dimensions énormes, loin d’être plus petits que ceux que observés au sud.
Du fait de ses grandes dimensions, il n’est pas étrange que le python de Seba ait une telle importance dans la mythologie des peuples qui partagent la brousse avec lui. Les Zoulous l’appellent “Inhlwati” (qui se prononce Insciuaati), ou “Umonya”. Il existe des légendes sur les grands serpents volants et un de mes traceurs pense que le terme “u.monya” vient de “u.moya” (air, vent, mais aussi âme ou esprit). C’est le serpent africain le plus imposant et le plus lourd, avec une longueur moyenne de 4 mètres, mais qui peut atteindre plus de 6 mètres. Dans la région où j’habite, des individus de 5 mètres et plus ont été observés, mais la trace de l’un d’entre eux, sur la voie principale, m’a fait penser à un spécimen de taille encore plus imposante.
La trace que j’ai trouvée était rectiligne car, comme c’est le cas pour les grandes vipères (Bitis arietans et Bitis gabonica), un python qui se déplace lentement se meut en ligne droite, par des contractions des muscles ventraux, comme une chenille. La première fois que nous avons vu cette trace d’une largeur impressionnante, j’ai pensé que le reptile venait d’avaler une grosse proie, mais les fois suivantes (nous n’avons jamais vu l’animal, ni pu suivre sa trace qui se perdait parmi les rochers), la largeur était toujours identique. En la comparant avec d’autres traces et spécimens observés, j’en ai conclu que l’individu en question devait dépasser 6 mètres de long.
La livrée du python de Seba est magnifique, avec une teinte de fond allant du brun foncé au rouille, sur laquelle se détache un motif complexe formé de taches qui rendent le reptile voyant s’il est à découvert, mais qui le camouflent parfaitement lorsqu’il est dans les buissons ou dans les hautes herbes. La partie dorsale de la tête porte une tache en forme de V ou en pointe de flèche. Il a des pupilles verticales et elliptiques.
Ce prédateur préfère chasser de nuit mais on le rencontre aussi pendant la journée, surtout près de l’eau, élément dans lequel il reste volontiers immergé pour des périodes parfois prolongées. Il utilise la technique de l’embuscade et, lorsque la proie passe à proximité, il se lance sur elle avec la bouche grande ouverte, la saisit puis s’enroule autour d’elle, la tuant par constriction comme mentionné précédemment.
Ses proies habituelles sont des animaux de petite ou moyenne dimensions, depuis le rat des roseaux (ou aulacode, Thryonomys swinderianus) jusqu’aux antilopes de la taille de l’impala (Aepyceros melampus) et du guib (Tragelaphus scriptus), en passant par les singes, babouins inclus, les reptiles, dont les varans et les crocodiles, les oiseaux, les batraciens et les poissons. Dans des cas rares mais avérés, il peut s’attaquer à l’être humain, principalement des enfants ou des femmes.
Le python de Seba vit longtemps et la femelle atteint la maturité et n’est capable de procréer que vers l’âge de 8 ans. C’est un reptile ovipare dont la femelle pond entre 25 et 100 œufs qui mesurent 10 cm en moyenne. Les œufs sont pondus dans un endroit caché et à l’abri des intempéries, du froid de la nuit et de la chaleur excessive du soleil direct. Ce site peut être un nid de termites, un trou d’oryctérope (ou cochon de terre, Orycteropus afer), le creux d’un arbre ou même l’une des grandes cavernes que les baobabs ont souvent dans leur tronc. La femelle couve en s’enroulant autour d’eux jusqu’à l’éclosion qui a lieu environ 60 à 90 jours après la ponte.
Pendant tout ce temps, la femelle laissera le moins possible les œufs sans surveillance, uniquement pour boire ou pour réguler sa propre température par “basking”, c’est-à-dire en absorbant la chaleur des rayons du soleil ou d’une roche chaude. Les nouveau-nés mesurent en moyenne 50 à 80 cm, avec un diamètre déjà appréciable et ils sont rapidement capables de subvenir à leurs besoins, même si, dans un premier temps, les proies seront limitées à de petits batraciens, des têtards et même des insectes.
Noms communs. Anglais : Rock Python ; allemand : Felsenpython ; espagnol : Pitòn de Seba ; italien : Pitone di Seba, Pitone delle rocce africano ; portugais : Piton-africana, Pitão-africana ; isiZulu : Inhlwathi, Umonya.
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