Famille : Passeridae
Texte © Dr. Gianfranco Colombo
Traduction en français par Catherine Collin
Essayez de planter des primevères jaunes au jardin et rapidement vous saurez s’il y a des moineaux domestiques aux alentours. On ne comprend pas précisément pourquoi, mais dès que ces oiseaux les voient, ils se précipitent aussitôt afin de les picorer et détruire ainsi le travail de celui qui les a planté. Et puis, pourquoi uniquement les jaunes et non les rouges, violettes ou orangé ? Peut-être est-ce la couleur ou la saveur mais toujours est-il que toutes celles présentant cette teinte sont immanquablement mangées ou déchiquetées. Il est très probable que dans l’antiquité la propagation de ce petit oiseau soit allée de pair avec la conquête de nouveaux territoires par l’Homme et quand celui-ci se consacra à l’agriculture le moineau le suivit, créant ainsi entre eux un lien indissoluble.
Au cours des siècles ce petit oiseau a maintenu ce lien profitant de tous les bénéfices qui en découlaient, de la sécurité contre les prédateurs naturels à la disponibilité en nourriture en toutes saisons.
Malheureusement, cette promiscuité a souvent dépassé, de la part des deux parties, les limites tolérées, portant l’homme d’un côté et le moineau de l’autre à deux comportements fortement contrastés.
Le moineau, aidé par les conditions favorables, a pu dans le passé atteindre un très grand nombre d’individus jusqu’à mettre en danger les récoltes de ses hôtes, provoquant des dégâts très importants aux champs de céréales mûres.
En fait, le moineau s’accrochant aux épis de blé pour en prélever ne serait-ce qu’un grain provoquait la rupture de l’épi qui ensuite était abandonné pour s’accrocher aussitôt à un autre. Des zones entières proches des fermes étaient irrémédiablement détruites.
Souvenons-nous de ce qui est arrivé en Italie à l’époque du “Siège économique” ou mieux encore lors des Sanctions d’isolement imposées par la Société des Nations à l’encontre de ce pays en 1935 pour la guerre en Éthiopie. Pendant un certain temps la chasse au moineau fût autorisée, y compris en période de nidification, car les dégâts causés à l’agriculture étaient catastrophiques.
L’Homme avait pourtant su depuis des siècles obtenir réparation du moineau de façon beaucoup plus subtile. Toi, moineau, tu manges mon grain et moi, humain, je mange ta chair. En Lombardie, aujourd’hui encore on voit très bien que ce que l’on appelait localement “passerere” ou “uccellande” étaient très nombreuses et présentes dans toutes les fermes ou exploitations agricoles.
On choisissait un mur du bâtiment, en évitant le nord, dans lequel on creusait un très grand nombre de trous, proches les uns des autres, où les moineaux venaient nicher. Les nids pouvaient être contrôlés de l’intérieur du mur et au bon moment on prélevait une grande partie de la couvée afin de la manger. Des familles entières et parfois des pays ruraux, se sustentaient de cette manière.
Puis soudainement, parallèlement au drastique changement subi par l’agriculture, voilà que le moineau a commencé à perdre sa position jour après jour, de façon préoccupante, jusqu’à ce que ses effectifs se réduisent ces dernières années à un nombre alarmant pour la survie de l’espèce.
Le Moineau domestique ou Moineau ou encore Moineau franc (Passer domesticus Linnaeus, 1758) appartient à l’ordre Passeriformes et à la famille Passeridae Il a été l’un des premiers oiseaux à être classifié dans la taxonomie scientifique moderne.
L’étymologie du nom scientifique est assez simple : Passer du mot latin homonyme pour le moineau et domesticus = di casa. Certains de ses noms communs sont : House Sparrow en anglais, Haussperling en allemand, Gorrión en espagnol, Passero domestico, Passero oltremontano ou simplement Passera en italien et Pardal-comum en portugais.
Zoogéographie
Le Moineau domestique est sûrement l’un des oiseaux les plus répandus sur notre planète. Originaire du Moyen-Orient et d’Europe, il a su conquérir de nouveaux territoires en suivant l’être humain et ses activités agricoles. Du palé-arctique qu’il a largement conquis, il a petit à petit élargi son aire à tous les continents soit par introduction directe de la part de l’homme soit par introduction accidentelle, peut-être aussi par l’intermédiaire de moyens de transports, en particulier les bateaux, sur lesquels il nichait souvent. Il occupe maintenant l’Europe entière, l’Amérique du nord et centrale, l’Amérique du Sud à l’exclusion de la forêt amazonienne, l’Afrique méridionale et la corne de l’Afrique, l’est de l’Australie et la Nouvelle-Zélande et l’Asie à l’exclusion de l’Extrême-Orient, de la Chine et de l’Indonésie.
Là où il a été introduit, il a immédiatement manifesté son impétuosité et sa capacité à conquérir de nouveaux territoires et dès cet instant il est devenu un hôte étranger souvent indésirable. L’audace dont il fait preuve dans ses rapports avec l’être humain, la versatilité qu’il montre dans son alimentation, sa capacité d’adaptation à tout nouvel environnement et son importante prolificité, ont facilité de façon indescriptible l’implantation de ce petit oiseau dans n’importe quel endroit où il peut se trouver.
Il a non seulement su se conquérir un espace dans un habitat modelé par des milliers d’années de sélection naturelle mais a également supplanté les espèces présentes, usurpant leur habitat et perturbant leur façon de vivre. C’est l’exemple typique des nombreuses espèces étrangères introduites pour des motifs variés dans des lieux éloignés et immédiatement montrées du doigt parce que leur établissement dérive d’actes irréfléchis et inconsidérés.
Trois exemples typiques : le Martin triste (Acridotheres tristis) en Australie, le Ragondin (Myocastor coypus) en Italie et l’Écrevisse de Louisiane dans toute l’Europe (Procambarus clarkii). Le Moineau domestique est une espèce sédentaire et une grande partie de sa population passe l’essentiel de sa vie sans s’éloigner, même de quelques kilomètres, de son lieu de naissance.
Écologie-Habitat
Il n’existe pas d’habitat particulier pour cet oiseau. La présence de l’homme et de ses activités est essentielle pour cette espèce, indépendamment du lieu où on le trouve, des situations environnementales et des conditions météo auxquelles est soumise l’aire.
Il n’habite pas la toundra plus septentrionale, les forêts tropicales denses, les déserts très vastes et les cimes des montagnes, milieux qui n’autorisent pas, où rarement, la présence des êtres humains.
Il fréquente de préférence les aires agricoles cultivées, les exploitations agricoles et les fermes avec des animaux, les élevages intensifs, les zones comprenant des hangars industriels, les parcs urbains et les jardins publics ainsi que n’importe quelles autres aires où il peut trouver un lieu pour nicher et de la nourriture toute l’année.
Bien qu’étant un oiseau qui ne craint pas l’être humain, il a quand même un comportement assez prudent et circonspect et cette caractéristique l’a sûrement aidé à se protéger de la présence des animaux de la maison, amis de l’homme mais dans le même temps ses plus grands prédateurs.
Le chat domestique figure parmi ses plus terribles ennemis, animal auquel il a depuis toujours payé un lourd tribut.
Morpho-physiologie
Le Moineau domestique n’est pas un oiseau très voyant. Il a une livrée qui chez la femelle est totalement insignifiante et sans aucune caractéristique digne d’être notée.
Cette livrée est presqu’entièrement brun-grisâtre sur les parties inférieures du corps, couleur légèrement plus accentuée et rayée de marron sur la couverture alaire. Les jeunes ont la même livrée.
Le mâle est en revanche d’un marron-noisette plus accentué sur les parties inférieures, marqué de gouttes noires et d’une bande blanche qui traverse horizontalement les ailes sur les couvertures primaires. La tête montre une calotte de la même couleur qui, partant de la ligne oculaire, rejoint la couverture alaire sur la nuque. La calotte est de couleur gris-cendre, une caractéristique qui, comme nous le verrons, le distingue de la sous-espèce Passer domesticus italiae, propre au territoire italien.
Les joues sont blanchâtres, vraiment blanc pur en période de nidification et sur la gorge, il porte une tache noire plus ou moins étendue qui descend sur la poitrine. La queue est assez accentuée et de couleur brunâtre. Les pattes sont couleur chair et le bec, conique et robuste, est noir chez le mâle et gris bleuâtre chez la femelle.
Un nombre important de sous-espèces, certaines désormais ramenées au rang d’espèces, a été classifié mais la situation évolue sans cesse et on assiste encore à de nouvelles actualisations taxonomiques. En Italie le Moineau domestique a trois congénères se ressemblant et deux d’entre eux ont un territoire se superposant largement.
La sous-espèce Passer domesticus italiae, est autochtone en Italie. Elle est caractérisée par sa calotte marron-noisette et non grise comme celle de l’espèce type. Celle-ci occupe tout le territoire italien et le point de contact avec l’espèce type se situe dans l’extrême partie septentrionale du pays en correspondance avec la ligne de partage des eaux des Alpes, de la côte Ligure au Carso de Trieste.
Dans la partie péninsulaire et insulaire le Moineau cisalpin partage son aire avec le Moineau espagnol (Passer hispaniolensis) qui montre une tache pectorale noire très accentuée et des rayures de même couleur très marquées sur les flancs. Le Moineau friquet (Passer montanus), y est également présent. C’est la plus petite des quatre espèces, la moins anthropisée et la plus facile à identifier aussi bien grâce à sa taille que grâce à son comportement. Le Moineau domestique a une longueur d’environ 17 cm, une envergure de 25 cm et un poids d’à peu près 30 g.
Éthologie-biologie reproductive
Notre moineau niche en n’importe quel endroit pour peu qu’il ait les caractéristiques d’un trou plus ou moins pratique avec un abri sur le dessus et qu’il soit suffisamment grand pour contenir son importante progéniture.
À chaque nouvelle saison de nidification, s’ajoute à la longue liste un nouveau et inimaginable endroit où est retrouvé un nid de ce petit oiseau. On passe d’endroits étranges comme l’intérieur d’un feu de signalisation au choix plus basique d’un vieux nid d’hirondelle, des profondeurs d’une mine de charbon à l’intérieur d’une coquille vide dans un nid de cigogne.
Cependant, il construit aussi son nid dans un trou creusé dans un remblai, coincé parmi des fils électriques, dans le tube d’un système d’aspiration d’une hotte de cuisine, dans les réverbères au bord des routes ou même dans une carcasse de voiture.
A part dans ces lieux étranges, désormais devenus banals, le Moineau domestique installe le plus souvent son nid sous les tuiles des toits, dans les anfractuosités des murs, dans les granges, dans les nids boîtes, dans les interstices des gouttières, les hangars industriels et assez rarement dans les troncs des arbres.
Avec cette capacité d’adaptation il est clair qu’il s’accommode de tout habitat, où qu’il se trouve.
Le Moineau domestique est monogame pour la totalité de la saison de nidification et bien que territorial, il se contente de défendre une portion très réduite de son territoire puisque c’est une espèce très sociable qui vit avec ses semblables même durant la période de nidification. Ces oiseaux deviennent encore plus sociables hors de cette période quand ils se réunissent en volées pouvant comprendre un grand nombre d’oiseaux à la recherche de nourriture, mais aussi durant la nuit dans des dortoirs très bruyants.
Le nid est construit avec des herbes sèches et de la paille, en forme d’œuf avec une ouverture latérale et il est rendu douillet à l’intérieur par l’ajout de plumes d’autres oiseaux, de laine et de poils d’animaux. La femelle y pond en moyenne 5-6 œufs blanc-grisâtre largement tachetés de noir qui sont couvés par les deux partenaires pendant une très brève période qui va de 11 à 15 jours.
Les petits qui naissent aveugles et sans plumes, resteront au nid pendant encore 2/3 semaines et seront dépendants de leurs parents durant encore une dizaine de jours. A certains moments et quand la nourriture à disposition est abondante, le Moineau domestique est très prolifique et peut pondre plus de trois fois par an. Granivore pendant une grande partie de l’année, il devient insectivore en période de nourrissage de sa progéniture et aussi frugivore durant la mauvaise saison.
On connaît son habitude consistant à sautiller sur le seuil des maisons ou entre les tables des terrasses des bars, à la recherche de miettes et de restes qu’il cherche à conquérir en luttant avec les inévitables et envahissants Pigeons bisets (Columba livia).
L’espèce a subi dans les dernières décennies une baisse drastique et généralisée de ses effectifs pour des motifs non encore bien éclaircis mais certainement liés aux changements dans l’agriculture et à une plus large utilisation des pesticides.
La disparition des prairies permanentes avec leurs essences et la microfaune qui y est liée, peut sûrement avoir influé de manière négative sur les populations existantes qui avaient atteint leur sommet dans les années 70. L’espèce souffre dans toutes ses populations palé-arctiques bien que grâce à la vastitude des territoires occupés et au nombre total d’individus encore élevé, elle ne soit pas considérée à risque. Dernièrement, on note une sensible reprise dans toutes les populations européennes. On a remarqué que dans les campagnes de la vallée du Pô, la réhabilitation d’anciennes “niches à moineaux” devenues impraticables, a conduit en peu de temps à la création de nouveaux noyaux de population qui se sont consolidés avec le temps.
Il s’avère donc comme déterminant et souvent essentiel que l’installation de ces passereaux soit située dans des lieux habités et cela a démontré l’indissolubilité du lien avec l’être humain. Une curiosité. Le Moineau est un oiseau qui consacre beaucoup de temps à la propreté de son corps et il fait partie des rares oiseaux qui utilisent divers moyens pour garantir au plumage le maximum d’efficacité. On le voit souvent gratter et se rouler dans des nuages de poussière au sol, les fameux “bains de poussière” typiques des galliformes, mais également faire de vrais plongeons dans l’eau dans les flaques et les fontaines. Il ne manque pas non plus de prendre des “bains de soleil” pour se désinfecter les plumes. Un véritable adepte du culte de la propreté parce que ses plus terribles ennemis sont les acariens, les puces et en général les insectes mallophages qui souvent attaquent et détruisent ses nichées.
Une anecdote qui concerne l’incapacité montrée par le moineau quand il s’agit de marcher. Tout a commencé avec la crucifixion du Christ, déjà objet de légendes dont celle qui, en Espagne, explique la tache rouge sur la poitrine de l’Hirondelle rustique (Hirundo rustica) et en Angleterre sur celle du Rouge-gorge familier (Erithacus rubecula) pour avoir arraché une épine de la couronne posée sur la tête du condamné, se tachant ainsi avec son sang. En Russie, on dit qu’un petit oiseau, en fait le moineau, par dépit, la remit à sa place. Pour le punir, on lui lia les pattes ensemble et c’est pourquoi lorsqu’il est à terre il ne peut que sautiller, pieds joints, pour se déplacer.
Synonymes
Fringilla domestica Linnaeus, 1758.
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