Oxyuranus scutellatus

Famille : Elapidae

Texte © Dr. Gianni Olivo

 

Traduction en français par Michel Olivié

 

Le Taïpan commun (Oxyuranus scutellatus Peters, 1867, famille Elapidae), est presque une légende au même titre que le mamba noir et partage avec son lointain parent africain certaines caractéristiques : c’est un serpent élancé de grande taille doté d’un venin mortel à de très petites doses, au tempérament coléreux et toujours prêt à mordre, ce qui, si l’on ajoute sa grande rapidité et sa grande agilité, le rend capable de mordre même la partie haute d’une personne, voire son visage dans certaines circonstances.

Même le nom de cette espèce mortelle a quelque chose de mystérieux et d’ambigu. Certains soutiennent qu’il s’agit d’un nom local des aborigènes de la partie Nord-Est de l’Australie (péninsule d’York et Queensland) et le terme “dhayban” ferait en effet partie de la langue Wik-Mungkan. De plus il existe aussi une langue, toujours dans la péninsule d’York, dont le nom est Gugu-Thaypan.

Selon une autre théorie ce nom proviendrait d’un terme d’origine chinoise ou malaise. En effet, en Chine, Taïpan désigne une personnalité, un chef et cela pourrait avoir un lien avec un fait historique concernant l’Australie : autrefois des travailleurs des plantations venaient de l’Asie et notamment de la Malaisie. C’étaient des gens très pauvres attirés par l’espoir de trouver du travail et d’avoir une vie décente mais parfois ils trouvaient la mort dans les plantations et souvent par la faute des serpents.

Les travailleurs des plantations, partout dans le monde, du moins dans les régions chaudes, sont parmi ceux qui risquent le plus d’avoir des accidents liés à la présence de serpents. Le Taïpan qui existe en grand nombre dans les cultures où il est attiré par des rongeurs a dû très fortement impressionner ces pauvres travailleurs malais quand il semait la mort si rapidement et de façon si soudaine. Étant donné que “taïpan” peut signifier quelque chose comme “patron, monsieur” pour ces gens Oxyuranus scutellatus pouvait passer pour le patron de la brousse et un patron pas particulièrement bienveillant. Le nom scientifique, par contre, vient du grec ancien et du latin et veut dire serpent à la queue pointue et aux écailles en forme d’écus (oxis = aigu, oura = queue et scutum =écu).

Le taïpan compte deux sous-espèces : le Taïpan commun australien (Oxyuranus scutellatus scutellatus) et le Taïpan de la Nouvelle-Guinée-Papouasie (Oxyuranus scutellatus canni) qui est en général de couleur plus foncé. Par contre  tout le monde n’est pas d’accord au sujet de la localisation du taïpan appelé inland taïpan ou taïpan de l’intérieur, le serpent terrestre qui possède le venin de loin le plus puissant mais qui est moins agressif et moins dangereux que les taïpans communs : certains le considèrent comme une sous-espèce de Oxyuranus (Oxyuranus microlepidotus), d’autres lui donnent le nom de  Parademansia microlepidota. Ici, quoi qu’il en soit, je ne parlerai que du Taïpan commun de l’Australie dont j’ai joint des photos. Sa répartition géographique comprend la zone côtière du Nord-Est et du Nord de l’Australie, soit en pratique toute la côte du Queensland de Grafton et à travers la péninsule d’York et le golfe de Carpentarie jusqu’aux Territoires du Nord, au Nord-Ouest, y compris les îles de Melville et de Bathurst.

L’habitat qu’il préfère est en général assez humide et soumis à des précipitations abondantes et à des températures qui ne descendent pas au-dessous de 17° en hiver. Les plantations de canne à sucre du Queensland où abondent les rats (Melomis et Rattus rattus) et les souris sont en particulier un milieu idéal pour le taïpan (et d’autres serpents).

La tête de ce reptile est distincte du cou et de forme rectangulaire. Les yeux rouges ou orange sont caractéristiques. La fente buccale est longue et les yeux placés plus en avant par rapport à la moitié de celle-ci.  Les narines sont bien apparentes et contrastent avec la couleur claire du museau. Le corps est svelte, cylindrique, long jusqu’à 3 m et recouvert d’écailles dorsales légèrement carénées. La partie dorsale du corps a une couleur marron aux différentes graduations qui va jusqu’au noir. Elle peut par contre parfois être rougeâtre, couleur cuivre ou vert olive. Autour de la tête on observe toujours une couleur beaucoup plus claire en général de teinte crème. Les écailles au milieu du corps sont disposées sur 21 à 23 rangées.

Essentiellement diurne le taïpan est un chasseur opiniâtre qui tire parti de sa rapidité, de son agilité et de sa morsure foudroyante. Toutefois, surtout quand le climat est très chaud, il peut devenir crépusculaire ou en partie nocturne. Les heures qu’il préfère pour la chasse sont toujours le matin et la fin de l’après-midi.

Comme c’est le cas pour le mamba noir la réputation de ce reptile est terrible mais parfois exagérée. Comme tous les serpents, y compris les plus agressifs, il préfère, s’il en a la possibilité, se retirer et éviter la confrontation avec l’homme et il n’est pas vrai de dire qu’il s’attaque au randonneur inconscient. Le problème se pose en cas de rencontre imprévue avec un de ces animaux dans la brousse épaisse ou dans une plantation ou quand il n’ a pas été averti suffisamment à l’avance de l’arrivée d’un intrus. Dans ce cas, si l’on a de la chance, le reptile adoptera une posture d’intimidation puis s’en ira si l’individu supposé dangereux se retire en bon ordre ou demeure immobile.

Dans le cas contraire tout mouvement sera interprété comme une menace et aura pour résultat une ou plusieurs morsures foudroyantes souvent à une hauteur appréciable par rapport au sol.

Les crochets sont longs pour un élapidé protéroglyphe, 1 cm en moyenne, mais ils peuvent atteindre 12 mm et injecter jusqu’à 120 à 400 mg d’un venin qui est presque 8 fois plus puissant que celui du Cobra indien (Naja naja). À la différence du venin du mamba qui est purement neurotoxique (voir la fiche du Dendroaspis polylepis) celui du taïpan est complexe et en plus de la paralysie de différents faisceaux musculaires qui culmine avec l’immobilisation des muscles respiratoires il se produit de sérieux problèmes aux dépens de la coagulation et qui entraînent son augmentation.

Sont moins importants mais bien présents les effets liés aux cytotoxines (œdèmes, éventuellement nécroses) et aux myotoxines (destruction des fibres musculaires accompagnée d’une possible rhabdomyolise). Ce reptile possède d’autres caractéristiques marquantes, à savoir une vue supérieure à la moyenne si l’on se réfère au monde des serpents, une intelligence, si l’on veut la désigner ainsi, qui est la plus développée parmi les serpents de l’Australie et du reste du monde et une vitesse et une promptitude qui, par chance, comme c’est aussi le cas pour les mambas noirs, font que les accidents ne sont pas fréquents dans la mesure où, en général, le serpent se rend compte à temps de l’arrivée d’une personne et s’éloigne par conséquent.

La reproduction est de type ovipare. La femelle pond de 6 à 20 œufs d’où éclosent des petits longs de 50 à 60 cm (une autre analogie avec le mamba noir) déjà parfaitement en mesure de tuer une personne. La thérapie de la morsure des taïpans comporte une dose initiale de vaccin monovalent d’au moins 12.000 unités mais il est souvent nécessaire, de toute manière, de recourir à une assistance respiratoire en plus d’autres soins thérapeutiques.

 

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