Famille : Numididae
Texte © Dr Davide Guadagnini
Traduction en français par Catherine Collin
La Pintade de Numidie, dite aussi Pintade casquée (Numida meleagris Linnaeus, 1758) appartient à l’ordre des Galliformes (Galliformes) et est l’unique espèce du genre Numida.
Elle fait sans conteste partie des oiseaux les plus connus, surtout pour avoir donné naissance aux formes domestiques élevées à travers le monde, appartenant à la famille des Numididés (Numididae) qui regroupent des espèces connues sous le terme générique de “pintades”.
On en reconnaît généralement 9 sous-espèces avec plus de 30 formes différentes : Numida meleagris meleagris Linnaeus, 1758, de l’est du Tchad, à l’est de l’Éthiopie, Zaïre, Ouganda et au nord du Kenya ; Numida meleagris mitrata Pallas, 1767, en Tanzanie, Mozambique, à l’Ouest à travers la Zambie et le Zimbabwe, au sud de l’Angola et au nord du Botswana, à Zanzibar et Tumbatu ; Numida meleagris galeata Pallas, 1767, dans le sud-est du Tchad, centre-sud du Zaïre et nord de l’Angola ; Numida meleagris coronata Gurney, 1868, à l’est de l’Afrique du Sud ; Numida meleagris marungensisv Schalow, 1884, dans certaines zones du bassin du Congo, Angola, Zambesi et Zambie ; Numida meleagris reichenowi Olgivie-Grant, 1894, au Kenya et centre Tanzanie ; Numida meleagris somaliensis Neumann, 1899, au nord-est de l’Éthiopie et en Somalie ; Numida meleagris damarensis Roberts, 1917, 1917 de l’Angola du sud au Botswana et à la Namibie ; Numida meleagris sabyi Hartert, 1919, dans le nord-ouest du Maroc.
Le nom de genre “numida” vient du latin et fait référence à l’ancien peuple des Numides, qui habitaient la Numidie, région du nord-ouest de l’Afrique ; le nom de genre se réfère donc au lieu d’origine de l’espèce. Le terme indiquant l’espèce “meleagris” vient du latin et est le nom que, d’après les écrits de Pline l’Ancien, les Romains donnaient à la pintade. Le même nom a été donné à la dind ( Meleagris gallopavo ) avec laquelle la pintade a été initialement confondue, parce qu’elles provenaient toutes deux de terres lointaines, pas bien spécifiées, mais en réalité complètement différentes.
Zoogéographie
La Pintade casquée, comme toutes les pintades, est originaire du continent africain. Elle est distribuée, avec ses différentes sous-espèces et formes, dans une grande partie de l’Afrique subsaharienne et avec une sous-espèce (sabyi, qui est peut-être éteinte) au nord du désert du Sahara, au Maroc, entre les rivières Oum er Rbia (centre du Maroc) et Sebou (Nord du Maroc). La Pintade casquée a été introduite dans les Îles du Cap-Vert, dans certaines zones d’Arabie, à Madagascar et dans certaines zones d’Inde. Des formes domestiques retournées à l’état sauvage sont présentes en Amérique et dans d’autres pays, étant les formes sélectionnées pour l’élevage les plus répandues.
Écologie-Habitat
Les Pintades de Numidie vivent dans une grande variété d’habitats : des bords de forêts à la savane pouvant être arborée, dans les forêts avec broussailles, dans les steppes, dans les milieux subdésertiques et dans les bocages, dans les maquis avec des buissons épineux, particulièrement communs dans les savanes entrecoupées d’aires cultivées. La distribution locale des espèces est liée à la disponibilité en eau pour s’abreuver et à la disponibilité en sites convenant pour se percher (en général des arbres et des buissons).
Dans son aire, la Pintade de Numidie, est présente du niveau de la mer jusqu’à plus de 3 000 mètres d’altitude. Souvent, on peut en observer de grands groupes à proximité des points d’eau. Des groupes de pintades se sont acclimatées à la vie urbaine au Cap, en Afrique du Sud.
Morpho-physiologie
Elle a un corps trapu avec un profil dorsal plutôt courbé-voûté (typique des pintades), la tête (et la première portion du cou), en grande partie sans plume, plutôt petite, avec ce caractéristique “petit casque” osseux placé sur le sommet de la tête, des ailes courtes et arrondies, une queue courte portée plutôt sous le corps.
Elle mesure entre 53-63 cm et a un poids moyen entre 1 150-1 600 g. La peau nue de la tête-cou est bleue ou blanche-bleuâtre avec d’éventuelles zones rouges. La protubérance osseuse “en forme de casque” est très caractéristique et permet l’identification du genre et de l’espèce ; la tête présente aussi des appendices faciaux (caroncules) principalement de couleur rouge et des filoplumes noires disposées en sens inverse par rapport aux plumes normales et placées principalement au niveau de la nuque-haut du cou. La couleur de la livrée est principalement gris ardoise-noirâtre avec des taches “en forme de petites balles” blanches très régulières et bien réparties sur toute la livrée (queue incluse), il peut aussi y avoir de minces vermiculures blanches-blanchâtres.
Le cou et la poitrine peuvent présenter, chez certaines sous-espèces, des nuances lilas. Les rémiges sont brunâtres et les vexilles externes sont rayés de blanc. Les femelles sont semblables aux mâles mais généralement plus petites et avec des caroncules et des “casques” légèrement plus petits. Les jeunes ont une livrée mate marron foncé avec des parties couleur crème-roussâtre, des caroncules et des petits casques de plus petite taille et présentent un duvet qui leur recouvre la tête jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge subadulte.
Les différentes sous-espèces se distinguent principalement par les différentes formes des appendices de la tête et du cou ; par la quantité, la disposition et l’allongement des filoplumes du cou et de la tête, par la forme et la couleur de la cire et par l’éventuelle présence de filoplumes soyeuses au niveau de la base du bec ; par la taille, la forme et la couleur des caroncules ; par la forme et la taille du casque osseux ; par la couleur du cou-poitrine. Les yeux sont brun plus ou moins foncé. Les pattes, robustes et dotées de puissantes griffes mais privées d’ergot, sont gris lave-foncé-noir.
Le casque est marron-corne avec la base et le sommet de la tête pouvant être rouges ; le casque corné a une base osseuse et un aspect sec et légèrement squameux. Le bec, plutôt trapu et robuste, est gris-brun-corné avec une base qui peut être roussâtre, une pointe qui peut être jaunâtre et une cire éventuellement colorée.
Éthologie-Biologie reproductive
Cette espèce a des habitudes sédentaires et les déplacements locaux qu’elle effectue semblent être étroitement influencés et dépendants de la présence ou non de sources d’eau et de sites où se percher, surtout la nuit. Les pintades se déplacent en marchant et en courant, parcourant plusieurs kilomètres par jour, ne volant que contraintes et forcées, effectuant un vol quasi vertical “type faisan de chasse”. Elles forment de grands groupes en dehors de la période de reproduction. Les pintades émettent des vocalises très fortes et tapageuses, presque assourdissantes.
La Pintade de Numidie est omnivore même si les aliments d’origine végétale prévalent, en particulier : graines, tubercules, bulbes, racines, baies, fleurs et feuilles. Se nourrissant aussi dans les champs cultivés, la pintade n’a pas bonne réputation auprès des agriculteurs. Les aliments d’origine animale, généralement des invertébrés, ne constituent en moyenne que 12 % de la nourriture totale mais sont préférés si disponibles. Les pintades capturent surtout des insectes, en particulier des sauterelles, des criquets et des termites, mais aussi des limaces, des lézards, des tiques, des mille-pattes, des grenouilles, et d’autres petits animaux variés. Ces galliformes se nourrissent généralement au sol, grattant avec leurs robustes pattes ou bien arrachant directement les graines des épis, des panicules etc, des herbes.
Les tiques peuvent être décrochées directement du corps de leurs hôtes phacochères (Phacochoerus aethiopicus) ; l’aptitude de ces oiseaux à trouver et chasser les tiques (Ixodida) pourrait être exploitée afin de contenir ces arthropodes porteurs de graves maladies.
Les Pintades de Numidie se reproduisent en pratiquement toute période de l’année ou juste après la saison des pluies ; principalement en novembre-janvier en Afrique du Sud, principalement en mai-juillet en Afrique de l’ouest, en mars-mai pour la population du Maroc. L’espèce est monogame mais les liens de couple ne sont pas maintenus hors de la période de reproduction ; au début de la saison des amours, les mâles peuvent tenter de s’accoupler avec plusieurs femelles.
Les mâles peuvent se montrer querelleurs entre eux, se disputant en courant ailes soulevées et bec ouvert. Le nid est un simple trou creusé dans le sol et garni avec un peu d’herbe et quelques plumes. Il est généralement bâti dans l’herbe haute, caché sous une touffe d’herbe, sous un buisson, dans des champs cultivés ou dans l’épaisseur de la végétation.
La couvée est habituellement constituée de 6-13 (jusqu’à 20) œufs ; des nids comprenant plus d’œufs (20-50) sont le fait de plusieurs femelles pondant dans le même nid. Les œufs ont une coloration qui va du jaunâtre au rosé et au brun-clair jusqu’au presque blanc. L’œuf est de dimensions moyennes : 44-58 x 36-42 mm.
La couvée, qui débute à la ponte du dernier œuf, dure environ 27 (26-28) jours et est effectuée par la femelle pendant que le mâle monte la garde. Les œufs de pintades ont une coquille épaisse et lors de l’éclosion, les premiers coups de bec des poussins à naître (pioupiou), détériorent la coquille en créant des fissures plutôt étendues (vue la rigidité de la coquille) ; les petits éclosent sans “ouvrir” un véritable opercule du côté pointu (comme le font beaucoup d’oiseaux) mais plutôt “en démolissant” cette partie.
Les poussins sont cannelle-cuir-roussâtre-brun avec des rayures variées sombres et les parties ventrales sont un peu plus claires, le bec et les pattes sont orangé, ce qui les rend assez cryptiques. Ils sont capables d’accomplir de petits vols à environ une semaine ; les jeunes atteignent l’âge de l’envol vers un mois et se regroupent en volées plus importantes vers 1-3 mois. Le taux de survie des jeunes est plutôt bas.
Pourtant l’espèce ne semble pas être particulièrement menacée au niveau global, sauf la sous-espèce du Maroc qui est en danger, ou peut-être même déjà éteinte, mais peut être localement grandement touchée par la chasse et par la récolte des œufs. La dégradation de son habitat et l’utilisation massive de pesticides constituent également de graves menaces pour cet oiseau. Les pintades furent introduites en Europe, comme animaux d’élevage, dans l’Antiquité et ensuite à travers le monde entier grâce à leur viande savoureuse.
Les formes domestiques, qui ont généralement les pattes tachetées de jaune, ont été sélectionnées en différentes variétés de couleurs : tachetées de blanc, gris clair (bleues), beige isabelle (chamoisées), bleues violacée uniformes (lilas), gris foncé avec des taches presque absentes etc. La sélection ayant principalement agi sur la couleur et dans une moindre mesure sur la taille et le comportement, la pintade n’a pas subi les grands changements de taille et de forme qui caractérisent les autres animaux domestiques.
Les formes domestiques sont élevées en abondance mais à l’inverse, et c’est regrettable, les splendides et très intéressantes formes sauvages ne le sont que peu. Les sous-espèces sauvages de Pintades de Numidie devraient, évidemment pures, être davantage élevées et propagées parmi les éleveurs amateurs et dans les parcs zoologiques.
L’espérance de vie de cette espèce est d’environ 10-12 ans dans la nature, plus en captivité.
Depuis 2018, Numida meleagris est classée “LC, Least Concern”, c’est-à-dire “Préoccupation mineure” dans la Liste Rouge de l’UICN des espèces menacées.
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