Famille : Acanthuridae
Texte © Giuseppe Mazza
Traduction en français par Michel Olivié
Naso unicornis (Forsskal, 1775), ordinairement connu sous le nom de Nason à éperons bleus, appartient à la classe des Actinopterygii, les poissons aux nageoires rayonnées, à l’ordre des Perciformes et à la famille des Acanthuridae qui a été attribuée aux poissons-chirurgiens et qui compte 6 genres et 84 espèces caractérisées, bien que chez cette espèce l’organe défensif soit un peu différent, par une lame tranchante et extractible qui est présente des deux côtés du pédoncule caudal.
Une vingtaine environ de ces poissons a été regroupée dans la sous-famille des Nasinae appelés poissons unicornes à cause de l’étrange protubérance osseuse allongée située sur leur museau.
Ils ont tous été rangés dans le genre Naso dont le nom vient du terme latin “nasus” = nez, par allusion à cette curieuse bosse qui pousse, à côté des narines, à la place du nez. Le nom de l’espèce unicornis indique, également en latin, que la corne est unique.
Zoogéographie
Naso unicornis possède une très grande aire de répartition dans le bassin Indo-Pacifique tropical. À titre d’exemple, à partir de la mer Rouge, on le trouve le long de la côte africaine jusqu’à l’Afrique du Sud, à Madagascar, aux Comores, à l’île de la Réunion, à l’île Maurice, aux Seychelles et aux Maldives. Il est présent le long des côtes de l’Inde, au Sri-Lanka, en Thaïlande, en Malaisie et en Indonésie puis côté Nord au Vietnam, aux Philippines, à Taïwan, en Chine, au Japon et en Corée du Sud. En Océanie, après l’Australie et la Papouasie-Nouvelle-Guinée, il atteint la Nouvelle-Calédonie et plus au Sud l’île Lord Howe. En avançant vers l’Est il a colonisé les Fidji, les Tonga, les Samoa, les îles Cook , Hawaï et enfin la Polynésie française et les îles Pitcairn.
Écologie-Habitat
C’est un poisson bentho-pélagique diurne qui évolue aussi dans les chenaux des lagons et au large, sans se soucier des courants, sur le bord extérieur des récifs jusqu’à 180 m de profondeur mais on peut le rencontrer également à 1 m de profondeur au milieu des formations madréporiques et des écueils où prospèrent les algues dont il se nourrit. Les juvéniles, pour leur part, préfèrent les eaux tranquilles et grandissent souvent sur les fonds sablonneux et détritiques des lagons.
Morphophysiologie
Le Nason à éperons bleus peut atteindre 70 cm de long mais en général il dépasse de peu 50 cm. Son corps est ovale et très plat au point que dans des cas d’urgence extrême, bien qu’il ait deux griffes tranchantes nettement visibles de couleur bleue de chaque côté du pédoncule caudal, s’il voit que son adversaire est de grande taille, il se colle parfaitement, en s’aplatissant, à la base de gros rochers ou de madrépores, ce qui empêche le maraudeur de l’avaler. Il adopte aussi cette stratégie, parfois avec une tenue de nuit mimétique, pendant le repos nocturne.
Le profil de sa tête est concave. La corne osseuse, longue d’environ 12 cm, ne dépasse presque jamais la verticale de la bouche. Celle-ci est petite et a des lèvres charnues de couleur claire ou bleuâtre et des dents dentelées qui permettent au poisson de couper les algues dont il se nourrit. L’oeil est proéminent et situé loin de la bouche et à la base de la corne. Il est grand et a un iris argenté et un contour doré qui s’élargit vers le haut à la façon d’un sourcil.
Il n’existe qu’une seule et longue nageoire dorsale qui compte 6 rayons épineux et 27 à 30 rayons mous. Grise ou beige elle a des rayures obliques bleues et un liseré turquoise. La nageoire anale, dont l’aspect est similaire, est symétrique et a 2 rayons épineux et 27 à 30 rayons inermes.
Les nageoires pectorales sont transparentes et ont 17 à 18 rayons mous de couleur grise ou beige et les nageoires pelviennes, qui sont pointues, possèdent un rayon épineux et 3 rayons inermes. La nageoire caudale, en forme de croissant de lune, possède des lobes filamenteux bordés de bleu qui grandissent de façon démesurée avec l’âge et sont légèrement plus longs chez les mâles, comme c’est aussi le cas pour la corne.
Le corps, recouvert d’écailles très petites, semble presque lisse. Il peut changer rapidement de couleur sous l’action des chromatophores en fonction de l’humeur du poisson et des besoins de camouflage. En général il est gris argenté ou bleuâtre mais peut être aussi verdâtre ou couleur bronze. On remarque souvent une zone de couleur bleue à côté de la nageoire pectorale.
Éthologie-Biologie reproductive
Naso unicornis se nourrit principalement d’algues brunes et rouges appartenant pour la plupart aux genres Dictyota, Sargassum, Padina, Turbinaria et Jania mais il ne dédaigne pas les restes organiques et la pellicule de diatomées et d’algues microscopiques qu’il trouve sur les fonds.
Il est utile aux récifs car il débarrasse les madrépores des algues filamenteuses envahissantes mais quand il mange des dinoflagellés venimeux comme le Gambierdiscus toxicus sa chair peut devenir dangereuse pour l’homme : les cas de ciguatera, une intoxication alimentaire pour laquelle il n’existe pas d’antidotes et qui se manifeste par des troubles digestifs, neurologiques et cardiovasculaires qui peuvent durer des mois ne sont pas rares.
Parfois solitaire le Nason à éperons bleus vit souvent au sein de groupes qui sont plus importants pendant la période reproductive.
Il atteint la maturité sexuelle quand sa taille est d’environ 35 cm. Les accouplements, liés au cycle lunaire, ont lieu en général vers le soir. Les couples alors montent et descendent de façon saccadée près de la surface en libérant leurs gamètes. Les oeufs sont confiés aux courants.
La phase larvaire dure presque deux mois. Les juvéniles de ce fait grandissent dans des endroits souvent éloignés en colonisant d’autres récifs ce qui explique l’énorme diffusion de cette espèce.
Les petits sont dépourvus de corne et ont un profil arrondi et des bandes horizontales bleues qui se superposent aux rayures obliques de la nageoire anale.
De tempérament pacifique Naso unicornis est souvent l’hôte, comme Naso elegans, des grands aquariums publics, les seuls capables de lui assurer, compte tenu de son alimentation et de sa taille, une vie décente. L’âge maximal qui a été rapporté est de 58 ans.
La résilience du Nason à éperons bleus est faible car il faut de 4,5 à 14 ans pour que les populations décimées par des catastrophes se reconstituent mais son indice de vulnérabilité aussi est faible et s’établissait en 2020 à 32 sur une échelle de 100. Ce qui joue en effet en faveur de cette espèce de poisson c’est son énorme aire de répartition et le fait que de toute manière il ne risque pas dans la nature de mourir de faim.
Synonymes
Chaetodon unicornis Forsskål, 1775; Acanthurus unicornis (Forsskål, 1775).