Famille : Lutjanidae
Texte © Giuseppe Mazza
Traduction en français par Michel Olivié
Le Vivaneau dents-de-chien, Lutjanus apodus (Walbaum,1792), connu aussi en anglais sous le nom de Snapper schoolmaster, c’est a dire Denté Maître d’école, n’est pas un denté zoologiquement parlant, bien qu’il lui ressemble de prime abord.
Il appartient en effet comme tous les snappers à la famille des Lutjanidae. Ils doivent leur nom issu de l’anglais snap, briser, casser à leurs canines saillantes et à leur voracité comparable à celle des vrais dentés comme Dentex dentex qui sont toutefois classés sur le plan taxonomique dans la famille des Sparidae.
Les Lutjanidae, qui sont présents dans les mers tropicales et subtropicales du monde entier et comprennent 17 genres et 113 espèces, sont cependant apparentées aux Sparidae dans le sous-ordre des Percoidei en raison de leurs similitudes en tant qu’espèces prédatrices et du fait qu’ils jouent tous un rôle important pour l’alimentation humaine.
Le genre Lutjanus, qui a été créé par Bloch en 1791 pour Lutjanus lutjanus et qui compte aujourd’hui environ 70 espèces, vient du nom que les pêcheurs indonésiens ont donné à ce poisson.
Le nom de l’espèce apodus, sans pieds en grec, donné par le naturaliste et taxonomiste allemand Johann Julius Walbaum, provient curieusement, quant à lui, d’une erreur d’un dessinateur qui avait oublié de représenter les nageoires de ce poisson.
Walbaum, qui n’avait pas cet animal à sa disposition, l’a donc décrit en se basant sur le dessin et l’a baptisé apodus à cause de l’absence insolite de ses nageoires pectorales dont il croyait qu’elles assuraient la force motrice du poisson comme le feraient des pieds.
En ce qui concerne l’étrange nom vulgaire de maître d’école il se pourrait qu’il se réfère à la façon dont ces poissons se déplacent en bancs ou peut-être aussi au fait qu’aux États-Unis les bus qui amènent les enfants à l’école sont peints en jaune.
Zoogéographie
Lutjanus apodus est présent dans l’Ouest de l’Atlantique depuis le Massachusetts, où ne se trouvent cependant que les juvéniles qui en général ne survivent pas aux froidures hivernales, jusqu’au Nord du Brésil.
Il est commun dans la mer des Caraïbes, en particulier dans les Antilles dont les Antilles néerlandaises, abondant dans les récifs de Mahahual et du Quintana Roo au Mexique mais rare dans le Nord de la Floride.
Écologie-Habitat
On rencontre le Vivaneau dents-de-chien parmi les formations madréporiques dans des eaux relativement peu profondes entre 1 et 50 m, le record s’établissant à 89 m.
C’est un poisson qui chasse surtout la nuit et se repose le jour à l’abri des ramifications coralliennes d’Acropora palmata, d’Ellisella elongata et même à l’intérieur de grandes éponges comme Xestospongia muta mais il peut aussi se camoufler en bancs dans les prairies sous-marines de phanérogames.
On a découvert qu’il se repose à peine 3 heures par jour et qu’il passe le reste du temps à nager à la recherche de nourriture.
Les juvéniles, de leur côté, grandissent parmi les racines des mangroves et fréquentent parfois aussi les eaux saumâtres où ils se cachent parmi les plantes aquatiques.
Morphophysiologie
Lutjanus apodus peut vivre jusqu’à 42 ans et atteindre 79 cm de long pour un poids maximal attesté de 10,8 kg mais sa taille habituelle se situe autour de 35 cm.
Son corps est relativement haut et comprimé sur les côtés. Il a un museau pointu et dépourvu d’écailles et deux trous sur les côtés pour les narines.
Sa grande bouche est dotée à la mâchoire supérieure qui est légèrement protractile de deux canines saillantes de vampire qui sont visibles même quand elle est fermée.
Les dents coniques et pointues de la mâchoire inférieure sont nettement plus modestes. On observe sur le palais, comme chez d’autres Lutjanidae, de minuscules dents rapprochées qui forment une tache en forme d’ancre à la hampe allongée.
Le pré-opercule est dentelé et a un bord inférieur denté. La nageoire dorsale a 10 rayons épineux et 14 rayons mous. La nageoire anale a 3 rayons épineux et 8 rayons inermes.Les nageoires pectorales, pointues et inermes tout comme les nageoires pelviennes, comportent 16 à 18 rayons et parviennent presque à la hauteur de l’anus. La nageoire caudale est légèrement échancrée.
Les écailles sont également présentes sur les joues et sur l’opercule.
Les nageoires des adultes sont jaunes. Le corps, gris olivâtre-brunâtre sur le dos, est argenté sur les côtés et a souvent de légers reflets orange doré.
La livrée des juvéniles est très différente. Ils ont sur les côtés 8 barres verticales foncées semblables à la barre en diagonale qui traverse l’oeil à partir de la lèvre supérieure. Sous cette ligne qui est horizontale s’étend une fine ligne bleue qui rejoint la pointe de l’opercule en longeant la base de l’oeil.
Tous ces motifs s’effacent au fur et à mesure que le poisson grandit. La maturité sexuelle est atteinte chez les deux sexes vers 25 cm de long et 1 à 2 ans après la naissance.
La ligne bleue, coupée en formant un léger pointillé, peut être parfois aussi présente chez les adultes alors la barre noire en diagonale de l’oeil disparaît complètement. Les barres verticales s’éclaircissent mais peuvent aussi prendre une couleur grisâtre chez les adultes.
Éthologie-Biologie reproductive
Les juvéniles de Lutjanus apodus se nourrissent essentiellement les premiers temps de minuscules crabes du genre Aratus qui ne se trouvent que sur les racines des mangroves alors que les subadultes étoffent leur régime alimentaire avec d’autres espèces et des vers qu’ils trouvent dans les prairies sous-marines. Mais quand leur bouche s’agrandit leur plat de résistance, sans que les crustacés soient écartés, s’enrichit de poissons et de céphalopodes.
Il n’ y a pas chez Lutjanus apodus de rassemblements reproductifs. Les oeufs qui sont fécondés pendant la nage au milieu des courants ne flottent pas comme c’est en général le cas pour les Lutjanidae mais se posent sur les fonds sans surveillance. La résilience de cette espèce est moyenne vu que le temps minimal nécessaire au doublement de ses effectifs est de 1,4 à 4,4 ans. Sa vulnérabilité à la pêche est modérée et s’établit à 37 sur une échelle de 100.
Le Vivaneau dents-de-chien que l’on peut également pêcher avec une canne à moulinet est apprécié pour sa chair et est souvent présent sur les marchés locaux malgré le risque de ciguatera, une grave intoxication alimentaire théoriquement possible chez les très grands individus qui ont capturé pendant des années des animaux qui ont accumulé dans leurs tissus la toxine produite par le dinoflagellé Gambierdiscus toxicus.
Lutjanus apodus figure cependant depuis 2015 en tant que “LC, Least Concern”, c’est-à-dire “Préoccupation mineure”, dans la Liste Rouge de l’UICN des espèces menacées.
Synonymes
Mesoprion canis Buettikofer, 1890; Perca apoda Walbaum, 1792; Neomaneis apodus (Walbaum, 1792), Sparus caxis Bloch & Schneider, 180; Lutjanus caxi (Bloch & Schneider, 1801); Mesoprion caxis (Bloch & Schneider, 1801); Bodianus striatus Bloch & Schneider, 1801; Bodianus fasciatus Bloch & Schneider, 1801; Holocentrus albostriatum Bloch & Schneider, 1801; Bodianus albostriatus (Bloch & Schneider, 1801); Lutjanus acutirostris Desmarest, 1823; Mesoprion cynodon Cuvier, 1828; Mesoprion linea Cuvier, 1828; Mesoprion flavescens Cuvier, 1828.