Leptospermum scoparium

Famille : Myrtaceae


Texte © Prof. Pietro Pavone

 


Traduction en français par Jean-Marc Linder

 

Espèce pionnière originaire de Nouvelle-Galles du Sud, Nouvelle-Zélande, Tasmanie et des îles Chatham, Leptospermum scoparium peut coloniser des aires déboisées

Espèce pionnière originaire de Nouvelle-Galles du Sud, Nouvelle-Zélande, Tasmanie et des îles Chatham, Leptospermum scoparium peut coloniser des aires déboisées © Jeremy Wong

Leptospermum scoparium J.R.Forst. & G.Forst. est une espèce de la famille des Myrtaceae, tribu des Leptospermeae, originaire de Nouvelle-Galles du Sud, de Nouvelle-Zélande, de Tasmanie et des îles Chatham.

On la trouve entre plaines et zones alpines, parfois sur les berges des cours d’eau ou encore en sites rocheux. Sur le plan écologique, c’est une espèce pionnière qui joue un rôle primordial dans les environnements stériles et mal drainés dans lesquels elle s’établit, favorisant la croissance ultérieure des autres espèces végétales. Elle contribue aussi à contrôler l’érosion et à la séquestration du carbone, mais elle est aussi une espèce ligneuse envahissante des prairies.

Dans les zones dénudées, les graines de Leptospermum scoparium produisent des sujets à croissance rapide pouvant atteindre 10 m, qui dominent la végétation poussant plus lentement

Dans les zones dénudées, ses graines produisent des sujets à croissance rapide pouvant atteindre 10 m, qui dominent la végétation poussant plus lentement © Svetlana Ilyukhina-Prorok

Le peuple Māori, indigène de Nouvelle-Zélande, l’appelle Mānuka ; on la connaît aussi sous le nom d’Arbre à thé.

Le genre Leptospermum a été décrit en 1786 par le naturaliste allemand Georg Forster (1754-1794) qui, avec son père Johann Reinhold Forster (1729-1798), a accompagné James Cook (1728-1779) lors de son deuxième voyage dans le Pacifique.

Le terme générique est dérivé du grec “leptòs”, gracile, fin, et  “spérma”, graine, en raison de ses très petites graines. L’épithète spécifique scoparium fait référence à la cime de la plante, en forme de balai.

Dans les secteurs perturbés, appauvris ou humides des forêts néo-zélandaises, Leptospermum scoparium peut devenir la végétation climacique dominante

Dans les secteurs perturbés, appauvris ou humides des forêts néo-zélandaises, elle peut devenir la végétation climacique dominante © Anton Wartmann

Leptospermum scoparium est un arbuste ou un petit arbre pouvant atteindre 5 (10) m de haut, à l’écorce compacte et aux jeunes tiges soyeuses et glabres. Les feuilles à disposition alterne mesurent 7 à 15 mm de long et 2 à 6 mm de large ; leur forme peut être étroitement elliptique à étroitement oblancéolée. Leurs marges sont récurvées, pubescentes quand elles sont jeunes, leur apex est souvent aigu et piquant, leur base généralement effilée en un court pétiole qui peut être pratiquement absent.

Les fleurs sont pentamériques, solitaires, de 8 à 12 mm de diamètre, blanches, rarement roses ou rouges. Le réceptacle floral (hypanthium) mesure 2 à 3 mm de long et est généralement glabre. Les sépales sont glabres, leur longueur est de 2 mm contre 4 à 7 mm pour les pétales.

Dans la nature, les fleurs de Leptospermum scoparium sont surtout blanches, mais aussi rouges ou doubles. Les abeilles introduites d'Europe produisent un miel amer mais riche en propriétés médicinales

Dans la nature, les fleurs sont surtout blanches, mais aussi rouges ou doubles. Les abeilles introduites d’Europe produisent un miel amer riche en propriétés médicinales © Arjo Vanderjagt

Les étamines sont nombreuses, libres, plus courtes que les pétales (2,5 à 3,5 mm de long), fixées au bord de l’hypanthium. L’ovaire est généralement 5-loculaire et comporte de nombreux ovules.

Une étude sur les pollinisateurs menée en Nouvelle-Zélande a recensé 45 espèces d’insectes visitant les fleurs de cette espèce. Parmi elles se trouvent des Lépidoptères comme Lycaena salustius (Fabricius, 1793), Ichneutica omoplaca (Meyrick, 1887), Declana junctilinea (Walker, 1865), Sestra flexata (Walker 1862), Austrocidaria similata (Walker 1862), Pasiphila bilineolata (Walker, 1862), Eudonia submarginalis (Walker, 1863), Ditteri Perrissina brunniceps Malloch, 1938 Calliphora icela (Walker) et des Hyménoptères comme Hylaeus relegatus (Smith, 1876).

Floraison longue et abondante : Leptospermum scoparium, taillé court, est aussi une plante des jardins

Taillé court, Leptospermum scoparium est aussi une plante de jardin pour la longueur et l’abondance de sa floraison © Giuseppe Mazza

Le fruit est une capsule persistante généralement ligneuse à 5 valves, de 6-9 mm de diamètre, déhiscente par l’ouverture suivant la ligne de séparation des valves apicales. Les graines sont nombreuses et très petites. Le nombre des chromosomes, diploïdes, est 2n=22. Certains cultivars comme ‘Helen’, ‘Strybing’ et ‘Martinii’ sont triploïdes (2n = 33) et le cultivar ‘Keatleyi’ est tétraploïde (2n= 44).

La séparation du super continent Gondwana au cours du Crétacé (il y a 145 à 66 millions d’années) a isolé géographiquement les taxons qui y vivaient, favorisant ainsi une spéciation rapide. En particulier, de nombreux genres de la famille sont restés isolés en Océanie. On pense donc que Leptospermum scoparium avait eu son origine en Australie avant le début de l’aridité du Miocène, et que, suite à des événements de dispersion à longue distance dus principalement à des vents violents, l’espèce est finalement arrivée en Nouvelle-Zélande au cours des vingt derniers millions d’années.

On dit que l’explorateur James Cook appréciait le thé que les populations locales préparaient à partir des feuilles fraîches de cette plante. De fait, lors de tests gustatifs, ce thé a souvent reçu des notes plus élevées que le thé traditionnel chinois à base de Camellia sinensis (L.) Kuntze. Pour obtenir le meilleur arôme, il est indispensable de laisser infuser les feuilles beaucoup plus longtemps que les thés classiques, de manière à ce que les arômes puissent passer dans l’eau.

Sur le plan économique, cette espèce prodigue des arbustes ornementaux, des huiles essentielles et du miel. Les huiles essentielles présentent des propriétés antimicrobiennes et des études sont en cours pour déterminer les composants pharmacologiques actifs. Le nectar a des propriétés antibactériennes et bioactives, ce qui a motivé des investissements en matière de recherche pour développer et accroître la filière du miel en Nouvelle-Zélande.

Le miel a un goût légèrement amer et est utilisé par le peuple Maori comme aliment énergétique et comme produit médicinal. La partie de la plante qui est intéressante à des fins médicinales est le nectar des fleurs, que les abeilles européennes introduites (Apis mellifera) recueillent avec leurs pièces buccales broyeuses-lécheuses et transforment en miel. Des études récentes ont montré que les propriétés salutaires de ce miel proviennent d’un principe actif unique, le méthylglyoxal, qui le caractérise par rapport à tous les autres miels et dont procèdent les propriétés antibiotiques et antibactériennes.

À l'état sauvage, certaines espèces du genre s'hybrident entre elles, procurant aux horticulteurs de nombreux cultivars ornementaux aux pétales de couleurs vives

À l’état sauvage, certaines espèces du genre s’hybrident entre elles, procurant aux horticulteurs de nombreux cultivars ornementaux aux pétales de couleurs vives © Giuseppe Mazza

Il est donc utilisé dans de nombreuses préparations thérapeutiques. Si les miels dotés de propriétés antibactériennes grâce à la présence de peroxyde d’hydrogène sont nombreux, seul celui de Mānuka présente un niveau élevé d’activité antibactérienne sans ce peroxyde, raison pour laquelle il est commercialisé au niveau international sous le label de qualité UMF™ (Unique Manuka Factor).

Le miel de Mānuka soutient le système immunitaire et améliore le bien-être de l’organisme grâce à son action antioxydante, sa capacité anti-infectieuse contre les bactéries et les virus, ainsi que son action antifongique, antiseptique et anti-inflammatoire.

De ses feuilles, on extrait la précieuse huile essentielle aux propriétés antibactériennes.

À proximité des fleurs de Leptospermum scoparium on observe des fruits à différents stades de maturation. Ce sont des capsules pleines de graines qui restent sur la plante toute l'année

À proximité des fleurs, on observe des fruits à différents stades de maturation. Ce sont des capsules pleines de graines qui restent sur la plante toute l’année © G. Mazza

On a constaté que la présence de mycorhizes à arbuscules améliore la production de cette huile dans les plantations destinées à la production commerciale. Obtenue à partir des feuilles et des rameaux, cette huile est utilisée comme tonique en cosmétologie commerciale. C’est également un ingrédient entrant dans des préparations comme les baumes pour la peau.

Localement, on utilise l’écorce en couverture des habitations indigènes et le bois, de couleur rouge, durable mais tendre, est utilisé en marqueterie, ébénisterie, pour les clôtures, etc.

Des travaux récents ont montré que Leptospermum scoparium est en cours de différenciation évolutive incluant des modifications structurelles par suite de l’isolement de ses populations.

Leptospermum scoparium 'Red Damask' : cet arbuste compact aux fleurs doubles d'un rose éclatant atteint 2,5 m

Leptospermum scoparium ‘Red Damask’ : cet arbuste compact aux fleurs doubles d’un rose éclatant atteint 2,5 m © Robert Combes

Par exemple, la perte du renflement lignotubéreux de la couronne racinaire, situé à la base de la tige et doté de bourgeons à partir desquels repartent de nouvelles tiges en réaction aux incendies, est nette dans les populations situées dans des zones plutôt épargnées par les incendies de l’île du Sud de la Nouvelle-Zélande, les populations australiennes et tasmaniennes conservant à l’inverse leurs lignotubers.

Des travaux biochimiques ont par ailleurs montré que les populations néo-zélandaises sont riches en sérotonines et que les populations australiennes contiennent des niveaux plus élevés de monoterpènes.

Leptospermum scoparium a été introduit dans de nombreux pays, notamment au Royaume-Uni et à Hawaï, où il s’est échappé des cultures et est devenu une menace sérieuse pour les espèces autochtones de ces îles.

C’est une espèce à floraison de longue durée et donc très ornementale, particulièrement adaptée aux jardins paysagers.

La culture de ses pieds est facile et ne nécessite pas de soins particuliers.

Ils demandent des endroits ensoleillés sous les climats plus frais et préfèrent la mi-ombre dans les régions plus chaudes.

Ces plantes tolèrent la forte chaleur, le vent et le sel et peuvent résister à des températures de -10 °C pendant une courte période.

Elles se développent mieux en sol acide ou neutre, sablonneux et bien drainé.

On évitera l’eau stagnante qui peut favoriser le développement de champignons pathogènes, en particulier pour les plantes en pot. Pendant la période de croissance, il est conseillé d’apporter un engrais liquide pour plantes à fleurs ou, après floraison, un engrais à libération lente.

Sous les latitudes nordiques, on peut procéder à une légère taille en février ou après la floraison pour contenir la croissance et conférer une forme ordonnée. Leptospermum scoparium se multiplie au printemps par semis ou en été par bouturage. Pour ces dernières, on prélève de jeunes rameaux (semi-ligneux) de 5 à 8 cm qu’on fait prendre racine dans un mélange à parts égales de tourbe et de sable.

Leptospermum scoparium est assez résistant aux agents pathogènes. Parmi les ravageurs, on citera les cochenilles, notamment les cochenilles farineuses, et les pucerons.

Détail des capsules ligneuses de Leptospermum scoparium remplies des graines minuscules qui, dispersées par le vent, restent vivantes pendant de nombreuses années

Détail des capsules ligneuses remplies des graines minuscules qui, dispersées par le vent, restent vivantes pendant de nombreuses années © Giuseppe Mazza

On peut employer des antiparasitaires biologiques ou chimiques pour limiter les dégâts.

Les cultures intensives en Nouvelle-Zélande ont vu apparaître le champignon Austropuccinia psidii (Beenken 2017), la “rouille de la myrte” : outre les dommages aux cultures néo-zélandaises, ce pathogène pourrait se propager aux plantes indigènes de la forêt ou du bush local, avec d’importantes conséquences sur la ilière du miel mānuka.

Leptospermum scoparium présente normalement, à l’état sauvage, des fleurs petites et blanches, mais elles sont parfois à pétales doubles et rouges. Il arrive aussi que certaines espèces du genre s’hybrident entre elles, ce qui donne aux horticulteurs de nouvelles possibilités de sélection de cultivars ornementaux. Voici quelques-uns des cultivars les plus répandus sur le marché.

Semis au printemps en couvrant à peine les graines, la croissance est d'abord lente. Ici, début de ramification à 8 mois

On sème au printemps en couvrant à peine les graines, la croissance est lente. Ici, début de ramification à 8 mois © Giuseppe Mazza

Leptospermum scoparium ‘Red Damask’ est un arbuste compact, arrondi, densément ramifié, aux petites feuilles vert intense en forme d’aiguille et aux fleurs doubles rouge-rose. Il fleurit à la fin du printemps et au début de l’été.

Leptospermum scoparium ‘Ruby Glow’ est un arbuste érigé, densément ramifié, à petites feuilles en forme d’aiguille, vert foncé, parfois teintées de rose. Les tiges portent de très nombreuses fleurs doubles, rouge rubis. Après la floraison, les petites capsules ligneuses contenant les minuscules graines subsistent sur la plante pendant une longue durée.

Leptospermum scoparium ‘Snow White’ est un arbuste compact et arrondi, aux feuilles gris-vert en forme d’aiguille, parfois teintées de rose, et aux nombreuses fleurs doubles, blanches et verdâtres au coeur.

Leptospermum scoparium ‘Karekare’ est un arbuste à feuilles persistantes aux splendides bouquets de fleurs blanches.

Leptospermum scoparium ‘Princess Anne’ présente des fleurs doubles blanches au cœur marron foncé, qui rendent cette plante très ornementale dans tous les jardins. Se développe bien au plein soleil ou à mi-ombre dans un sol bien drainé. Résistant au gel et au sel.

Leptospermum scoparium ‘Elizabeth Jane’ porte des fleurs simples, roses à étamines rouges et à coeur vert.

Leptospermum scoparium ‘Coral Candy’ possède des feuilles gris-vert et, au printemps, d’abondantes fleurs doubles rose pâle bordées de rose vif avec une partie centrale très foncée. Après la floraison, il convient de la tailler pour perpétuer une belle forme compacte.

Synonymes : Leptospermum bullatum Fitzh., Leptospermum floribundum Salisb., Leptospermum humifusum A.Cunn. ex S.Schauer, Leptospermum linifolium (Sol.) Dum.Cours., Leptospermum multiflorum Cav., Leptospermum nichollsii Dorr.Sm., Leptospermum obliquum Colla, Leptospermum oxycedrus S.Schauer, Leptospermum pungens Otto & A.Dietr., Leptospermum scoparium var. bullatum Rehder, Leptospermum scoparium var. confertifolium S.Schauer, Leptospermum scoparium var. eximea B.L.Burtt, Leptospermum scoparium var. forsteri S.Schauer, Leptospermum scoparium var. linearifolium Otto & A.Dietr., Leptospermum scoparium var. linifolium (Sol.) Dum.Cours., Leptospermum scoparium var. myrtifolium (Aiton) W.T.Aiton, Leptospermum scoparium var. nichollsii (Dorr.Sm.) Ewart, Leptospermum scoparium var. sericeum Regel, Leptospermum scoparium var. vulgare Domin, Melaleuca scoparia (J.R.Forst. & G.Forst.) L.f., Melaleuca tenuifolia J.C.Wendl.

 

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