Famille : Lauraceae
Texte © Eugenio Zanotti
Traduction en français par Jean-Marc Linder
Cette espèce est probablement originaire de l’Asie Mineure ; elle est peut-être aussi une relique du climat plus chaud et plus humide de l’ère tertiaire. Aujourd’hui son aire naturelle est sténo-méditerranéenne, c’est-à-dire limitée aux côtes méditerranéennes, de Gibraltar à la mer Noire. Elle a été largement diffusée, est cultivée dans de nombreuses régions, et naturalisée en particulier dans la zone de l’Olivier et des grands lacs insubriques. Aux Açores et dans les îles Canaries vit également Laurus azorica (Seub.) Franco (1960), unique autre espèce du genre Laurus à venir spontanément en Europe.
Le nom du genre “Laurus” remonte au terme latin “laus” = louange : on se souvient qu’autrefois, on plaçait des couronnes de ses rameaux tressés sur la tête de ceux qu’on voulait honorer. D’autres avancent qu’il est ainsi fait références aux nombreuses louanges dont faisait l’objet cette espèce sacrée dédiée à Apollon. Certains auteurs encore font dériver ce nom du “blaur” celtique qui signifie vert. L’épithète spécifique dérive du latin “nobilis” = noble, en raison de ce qui a été dit ci-dessus, et de ses nombreuses vertus.
Le Laurier-sauce (Laurus nobilis L. 1753) est un petit arbre ou un arbuste de moins de 20 m de hauteur, généralement 3 à 10 mètres. Il est peu longévif et dioïque. Ses branches minces et glabres sont vertes à l’état jeune, avec de petites lenticelles étirées longitudinalement.
Le tronc se divise ou se ramifie souvent, donnant à la plante un aspect touffu. L’écorce du tronc est d’abord verdâtre, puis gris foncé ou gris brunâtre. Ses racines très ramifiées et noueuses s’enfoncent profondément dans le sol et aussi obliquement, et produisent des rejets. La couronne est dense, généralement pyramidale plus ou moins étroite. Les bourgeons sont allongés et teintés de rouge ; les feuilles alternes et simples sont coriaces, persistantes, brièvement caulinaires, au limbe de forme strictement elliptique à oblongue-lancéolée de 2-4,5 x 5-10 (14) cm, cunéiformes à la base, aux marges entières et légèrement ondulées, aiguës ou acuminées à l’apex. La face supérieure est brillante, glabre, vert foncé, plus claire à la face inférieure.
La floraison a lieu de mars à mai. Cette plante est dioïque : les fleurs mâles et les fleurs femelles sont portées par des pieds séparés ; mais cette unisexualité apparente est due en réalité à des phénomènes évolutifs d’avortement d’un des deux sexes, les fleurs étant initialement complètes. Elles sont rassemblées par 4-6 en petites ombelles axillaires, avec des bractées basales ; elles sont petites, jaunâtres ou jaune verdâtre, les mâles comptent 8 à 12 étamines d’or jaune en verticille, les femelles portent 4 staminoïdes (étamines stériles), un ovaire supère et un style portant un stigmate trifide.
Les fruits sont des baies ovoïdes de 10 à 12 mm (moins de 15), d’abord vertes puis noires à maturité, à la peau brillante et un peu craquante, qui contiennent une seule graine sphérique, lisse et marbrée.
On trouve le Laurier-sauce depuis le niveau de la mer jusqu’à 600 ou 800 m d’altitude. C’est une espèce méditerranéenne qui aime les stations de transition plus fraîches et plus humides, intermédiaires entre celles qui conviennent aux sclérophylles à feuilles persistantes et celles qui conviennent aux caducifoliées héliophiles qui forment, dans la nature, des boisements purs ou mélangés aux chênes à feuilles caduques.
De couleur blanc-rosé, le bois de ce laurier est légèrement odorant, brillant, semi-dur à grain fin et compact ; il est utilisé en tournerie ou en sculpture. A une époque où il était très abondant, on en faisait aussi des piquets de vignes.
C’est l’une des espèces les plus propres à former des rideaux et des haies ; il supporte très bien la taille et était largement utilisé pour l’art topiaire des jardins italiens, avec le buis, l’if et la charmille.
Le laurier est un symbole de savoir, de vie et de gloire ; on tresse encore ses rameaux pour en faire des couronnes de cérémonie, comme c’était le cas par le passé pour couronner les empereurs, les triomphateurs et les poètes. Et aujourd’hui encore, les universités désignent leurs “lauréats”.
On le multiplie en utilisant les drageons (plus rarement par marcottage et bouturage semi-ligneux ou des pointes), ou en semant des graines préalablement trempées ou scarifiées avec des abrasifs pour éliminer une partie du revêtement ligneux. Les semis sont effectués dans des pots avec un sol léger (1/3 de sable, 1/3 de terre, 1/3 de tourbe).
Des cultivars d’ornement ont été sélectionnés, comme ‘Angustifolia’, robuste, dont le limbe est étroit et lancéolé, et ‘Aurea‘, plus délicat et sensible au froid et à la forte insolation, aux feuilles dorées et pointues.
Les feuilles sont récoltées de préférence en juillet et sont séchées dans des locaux frais et ventilés ; elles contiennent une huile essentielle jaune-verdâtre très aromatique, ainsi que des tanins, des résines, des mucilages, des substances amères, etc..
Elles possèdent des propriétés digestives, apéritives, antiseptiques, expectorantes, carminatives, antirhumatismales, diaphorétiques et toniques. En usage externe, elles sont utilisées pour des bains stimulants et les bains de pieds déodorants. Elles peuvent également être utilisées pour éloigner les mites des vêtements remisés dans les placards, et pour repousser les mouches et les cafards.
On les emploie largement en cuisine pour aromatiser des plats de viande, des abats et du gibier (dont elles facilitent la digestion) ou du poisson ; elles parfument également l’huile et les cornichons, et on les trouve encore dans des emballages de figues sèches et de réglisse.
Les fruits mûrs sont récoltés à l’automne sur les pieds femelles et sont séchés au soleil ou au four ; ils contiennent de la laurine, de la laurostéarine, des sucres et des gommes.
On en extrait l’huile de laurier, constituant de base de la pommade de laurier, couramment utilisée en médecine vétérinaire mais aussi comme antirhumatismal et anti-goutte, et qui était obtenue autrefois en cuisant les baies au saindoux.
Avec les fruits, on prépare une excellente liqueur en région d’Emilie, également appelée Laurino.
Dans la tradition populaire, le laurier entre dans diverses préparations contre le météorisme, la fermentation intestinale, la diarrhée, les dépressions nerveuses et psychiques, les rhumatismes et les douleurs rhumatismales, l’insuffisance hépatobiliaire et l’empoisonnement du foie et, en utilisation externe, contre les parasites cutanés.
Préparations :
Infusion sudorale antigrippale
Faire infuser pendant cinq minutes une cuillerée à thé de feuilles de laurier fraîches et hachées dans une tasse d’eau bouillante retirée de la flamme. Passer au tamis, laisser refroidir un peu et ajouter une cuillère à café de miel. A prendre le soir une heure avant de se coucher.
Laurino de Sant’Elpidio (Liqueur des Marches)
Pour obtenir cette liqueur digestive et tonifiante, préparer un sirop avec 1 kg de sucre et un litre d’eau. Dans le sirop encore chaud, verser 1 kg de baies de laurier mûres, laisser refroidir, puis ajouter un litre d’eau de vie. Laisser reposer un mois dans un récipient en verre dans un local frais et à l’abri de la lumière, puis filtrer avec un papier fin ou du papier absorbant et mettre en bouteille. Laisser vieillir encore un an avant de déguster.
Synonymes : Laurus vulgaris Duhamel (1755) ; Laurus ondulata Miller (1768)
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