Famille : Pinaceae
Texte © Eugenio Zanotti
Traduction en français par Claude Leray
Le nom du genre Lárix trouve sa source dans le terme grec “larika”, odeur agréable, doux, par suite de l’odeur balsamique de la résine de cette espèce ; d’après certains il viendrait du celtique “lar”, graisse, riche, abondant, probablement en raison de l’énorme quantité de résine émise par le tronc ; d’après Dioscoride, “larix” est le nom gaulois des résines.
Le nom d’espèce decidua, du latin “deciduus”, indique que c’est une espèce caduque. Arbre alpin par excellence “non seulement parce qu’il a une distribution typiquement alpine, mais parce qu’il est présent dans des endroits et des paysages rocheux les plus lumineux, s’avançant même dans des terrains rocailleux isolés, dans les pentes raides au-delà de la limite des forêts les plus élevées”. (V. Giacomini). Dans les Alpes cette espèce est surpassée en abondance uniquement par le sapin rouge ou épicéa (Picea abies).
Le genre Larix comprend dix espèces (12 d’après certains auteurs) réparties dans les régions froides de l’hémisphère boréal ; Larix sibirica, forme avec l’épinette européenne dans le nord de la Russie et en Sibérie de très grandes forêts boréales qui surpassent en dimension la forêt amazonienne. Larix decidua est un arbre orophyte en Europe Centrale.
Le Mélèze ou Mélèze d’Europe (Larix decidua Miller 1768) est un arbre de première grandeur, élégant et majestueux qui peut vivre plusieurs siècles (de 600 jusqu’à 2 200 ans!), avec un tronc élancé qui peut atteindre 45-50 mètres de hauteur même si en moyenne il se développe sur 15-25 m et 1,5 m de diamètre à la base : parfois légèrement incurvé à proximité du col.
Larix est le seul genre de conifères européens comprenant des espèces caduques (qui perdent leurs feuilles en hiver).
Quand il est jeune, il a une croissance très rapide ; à l’âge adulte le tronc a une écorce très épaisse (qui absorbe les chocs des roches se détachant souvent des pentes), gris-brun, pelant en plaques rougeâtres, avec des rainures de 1,5 cm au maximum ; les branches verticillées irrégulièrement, horizontales ou tombantes forment une couronne légère, pyramidale chez les jeunes spécimens dans les bois, élargie à la base chez les arbres les plus anciens et isolés.
Il développe un fort système racinaire formé par un pivot central robuste et par des racines longues et profondes obliques qui lui permettent d’atteindre l’eau dans les couches de terre inférieures les plus protégées, dominant ainsi d’une manière incontestée les régions les plus élevées.
Les petites branches pendantes d’une année sont rayées longitudinalement, avec une efflorescence bleuâtre et une pubescence clairsemée devenant brun rougeâtre, glabre et lumineuse. Les brachiblastes (très courtes branches avec des distances très réduites entre les nœuds) légèrement cylindriques (3 x 5 mm) avec des bouquets de 30 à 40 feuilles vert pâle, capillaires, tendres, de 1 x 8-18 mm, à section triangulaire, avec deux lignes de stomates inférieures verdâtres. D’autres feuilles en aiguilles éparses sont disposées sur les branches jeunes et allongées.
La reproduction a lieu d’avril à juin.
Les cônes mâles sont globuleux, très petits, jaunâtres, courbés vers le bas ; les cônes femelles (2-3 cm) sont très visibles, érigés, avec des écailles rouge-violacé (gris-brun après la fécondation), murissant durant l’année (novembre-décembre) mais les graines ne sont libérées par les écailles qu’au mois de mars suivant.
Les graines sont brun-brillant, angulaires (3-5 mm), avec une aile membraneuse, semi-ovale, d’environ un cm ; elles restent ainsi jusqu’à trois ans et pour la propagation elles doivent être confiées à un sol meuble et sablonneux. Les plants naissent après 6-8 semaines et doivent être à l’abri du soleil et des vents forts jusqu’à leur quatrième année.
Les graines de mélèze servent de nourriture pour les oiseaux granivores comme les Becs-croisés communs (Loxia curvirostra), un passereau avec un bec croisé capable d’ouvrir les cônes de conifères.
C’est une espèce avide de lumière, pionnière, vivant dans les montagnes et les bois sous-alpins, les pâturages ensoleillés, les pentes sèches, les éboulis, jusqu’à la limite des arbres, de la plaine (comme en Pologne et en Europe centrale et dans les Alpes orientales) jusqu’à 2 400 (2 600) m d’altitude sur tous les substrats mais surtout s’ils sont argileux. A des altitudes plus élevées, il s’associe aux arbustes alpins, au pin suisse et à l’épinette, aux altitudes intermédiaires il cohabite avec l’épinette, le pin sylvestre et le bouleau, tandis qu’à des altitudes plus élevées il s’associe au hêtre, au charme commun, au noisetier commun et à d’autres arbres à grandes feuilles.
Larix kaempferi, originaire du Japon, souvent cultivé pour le reboisement en particulier dans le sud de l’Italie, a de jeunes bourgeons glauques et des aiguilles regroupées par plus de 40, celles-ci ayant deux lignes blanches de stomates à la face inférieure et les écailles des cônes repliés vers l’extérieur.
Il existe aussi des hybrides entre Larix decidua et Larix kaempferi (= Larix x eurolepis) plantés pour leur bois.
Les recherches sur les fossiles ont prouvé que le mélèze était déjà implanté dans toute la région alpine depuis le Pliocène, dernière phase du tertiaire, il y a plus d’un million d’années.
Le bois de mélèze est très apprécié parce qu’il est dur, compact, semi-lourd, résineux, avec un aubier blanchâtre ou jaunâtre et un duramen jaune-fauve à brun-rougeâtre, avec des anneaux de croissance bien visibles et sinueux. Il est doté d’une résistance remarquable aux agents atmosphériques (des tuyaux avec des vannes de mélèze vieilles de plus de 200 ans sont encore en bon état!), à l’humidité et aux vers du bois.
Avec son bois, on fabrique des meubles et des structures externes de maisons ; dans le passé il était largement utilisé pour la construction de revêtements de bateaux, de portes et de fenêtres, de planchers et de poteaux télégraphiques.
Depuis des temps anciens, les longues poutres de 60 mètres réalisées à Rome sur ordre de Tibère ont suscité l’émerveillement et la curiosité de la population, à partir de plus petits troncs on faisait des tuyaux pour le transport de l’eau.
La ville de Venise a été établie sur des poutres de mélèze et d’aulne noir en raison de leur imputrescibilité et de leur durée dans l’eau.
Encore plus, dans le canton du Valais, il a été signalé une maison de paysans construite en mélèze il y a plus de 240 ans et son bois est encore si intact qu’il est presque impossible de le pénétrer avec la pointe d’un couteau!
Les poutres et de planches de mélèze positionnées l’une sur l’autre libèrent sous l’action du soleil une résine qui s’écoule et unit les interstices de telle manière que les maisons deviennent impénétrables à l’air et à l’humidité.
Cependant ce bois n’est pas un combustible apprécié car il brûle rapidement en faisant beaucoup de fumée (à cause des résines qu’il contient) et se consume très rapidement.
A partir du mélèze les bergers obtiennent un matériau pour la construction de leurs abris, il fournit aussi le carburant pour le feu dans les huttes, il donne un abri contre le soleil pour les animaux dans les pâturages d’été, il ralentit les avalanches de neige sur les pentes raides, il conserve et renforce le sol avec ses fortes racines.
Le célèbre forestier Giovanni Sala, auteur d’une importante monographie sur le mélèze, a écrit (1937) :
“Là-haut dans les Alpes, à la limite de la végétation arborescente, le mélèze semble avoir une vie éternelle. Bien que tourmenté par les troupeaux, maltraité par les vents et les tempêtes, il continue de croître, de résister, s’accrochant fermement au sol avec des racines souvent insérées dans les fissures de la roche vivante, et de plus quand une seule branche brisée forme sa couronne, même réduit à un moignon demi-séché, il ne meurt pas”.
Du point de vue de l’adversité, le parasite le plus important est la Lachnellula (alt. Dasyscyphus) wilkommii, champignon pathogène bien connu et agent du chancre du mélèze qui cause des déformations importantes en creux dans le tronc.
Le champignon Ascocalyx laricina cause des dommages aux jeunes pousses, tandis que d’autres espèces appartenant aux genres Armillaria, Polyporus et Rhizina sont cariogènes, et la rouille du mélèze (Melampsora larici-populina) affecte les feuilles en aiguille.
Certains insectes, comme Coleophora varicella et Taeniothrips laricivorus provoquent la chute des aiguilles.
La résine du mélèze, obtenue au moyen d’incisions dans l’écorce ou de trous dans le tronc effectués du printemps à l’automne, est connue comme térébenthine de Venise (Terebinthina Veneta F.U.I.). C’est un liquide dense, non cristallisable, de couleur jaunâtre ou verdâtre-jaune tendant à tourner au jaune-brun, légèrement fluorescente et transparente, avec une odeur balsamique persistante et amère, au goût âcre et aromatique. L’opération d’extraction du mélèze est clairement différente des autres méthodes généralement utilisées pour obtenir la résine des autres conifères ; tandis que pour ces derniers on procède à des incisions superficielles n’intéressant que l’écorce, pour le mélèze on adopte, au printemps, une perforation profonde et cela parce que les canaux résinifères ne sont pas localisés seulement dans l’écorce mais sont distribués dans toute la section du bois. Le trou, d’un diamètre de 2,5-4 cm, est immédiatement obturé avec un bouchon obtenu à partir d’un rameau de mélèze ; la collecte se fait en débouchant les trous à la mi-été et en automne et en les refermant à nouveau lorsque l’opération est terminée.
Autrefois, la térébenthine de Venise était utilisée dans l’industrie pour la production de couleurs, de vernis, des laques, de couches de protection contre le sel et la rouille, mélangée à d’autres ingrédients elle était employée dans la production d’encres spéciales, de cires de greffage, d’adhésifs, etc.
Par distillation on obtient, dans la proportion de 1:4, l’essence de térébenthine ; celle-ci contient une huile essentielle, de l’acide laricinique, des résines, des gommes, de l’acide tannique, de l’alpha-pinène, du delta-3-carène, du bêta-pinène, de la bêta-pyrone, un polysaccharide l’arabinogalactane (qui s’est révélé utile en tant que probiotique et comme modulateur du système immunitaire) ; la partie solide restant après la distillation est connue comme colophane ou poix grecque. L’essence est employée en particulier dans les maladies du système respiratoire et a des propriétés antiseptiques et astringentes, ainsi que dans les cas d’intoxication par le phosphore.
Pour des usages externes on fait des onguents en mélangeant à parts égales de la térébenthine et de la vaseline blanche pour stimuler les défenses naturelles en cas d’infections tendant à s’étendre.
Les feuilles (riches entre autres en vitamine C) et les bourgeons sont utilisés dans les affections rhumatismales et arthritiques.
Si vous visitez la haute montagne en automne, n’oubliez pas de récolter une poignée de résine qui exsude de l’écorce des mélèzes, vous pouvez la conserver à l’abri de la lumière dans un pot de verre et l’utiliser deux fois par jour sous forme d’une cuillère à café dans un récipient avec de l’eau bouillante pour des fumigations favorisant l’expectoration en cas de toux sèche, pour décongestionner et purifier les voies respiratoires.
En été, en raison de l’action d’une abeille migratrice (Apis laricis) les aiguilles de mélèze produisent une substance sucrée qui coagule le matin en granules blancs et visqueux contenant un trisaccharide, le mélézitose, et connus comme la manne de Briançon. Les abeilles les transforment en un excellent miel, avec des propriétés laxatives douces comme pour celui obtenu à partir du frêne à fleurs.
À la fin de l’automne, le vert clair des aiguilles de mélèze tourne en un splendide jaune doré, et en tombant elles couvrent le sol formant un tapis mou cachant toutes les aspérités du terrain rocheux conférant ainsi au paysage un charme indescriptible.
Les forêts de mélèzes sont lumineuses, les plus anciens spécimens généralement rares se couvrant des draperies gris-vert de Usnea barbata, un lichen connu également comme “barbe de mélèze” ou “mousse barbue” donnant au bois une note de mystère féerique.
Nous terminons avec les belles paroles consacrées aux forêts alpines par Valerio Giacomini extraites du petit livre précieux “Italia verde” (1975) où sont décrits les paysages du “Bel Paese“ :
“La solennité tempérée des forêts alpines s’inscrit dans les paysages de grandeur inégalée, créée par la magnificence des montagnes granitiques et dolomitiques, par la splendeur des neiges éternelles et des glaciers, par les bassins émeraude des lacs, par les étendues douces des prairies. Une harmonie extraordinaire et contrastée s’établit entre le ciel, la terre et les eaux particulièrement là où elles s’approchent des plus hauts rochers et des prairies d’altitude, les dernières troupes de cette végétation courageusement constructive qui défie les gelées et les éclairs “.
Synonymes : Pinus larix L. (1753); Pinus larix var. europaea Pall. (1784); Larix europaea DC. (1805); Abies larix Poir. (1805); Peuce larix (L.) Rich. (1810); Larix gracilis A.Dietr. (1824); Larix excelsa Link (1827); Pinus larix var. pendula (P.Lawson) Endl. (1847); Abies larix var. pendula (P.Lawson) Lindl. & Gordon (1850); Larix decidua var. rossica Henk.& W.Hochst. (1865); Larix decidua var. russica (Endl.) Henkel & W. Hochst. (1865); Larix decidua var. pendula (P. Lawson) Henkel & W. Hochst. (1865); Larix europaea var. pendulina Regel (1870); Larix europaea var. pendulina Regel (1870); Larix decidua var. pendulina (Regel) Regel (1871); Larix decidua var. sibirica (Ledeb.) Regel (1871); Larix decidua fo. pendula (P. Lawson) R.E.Fr. (1919); Larix decidua Mill. var. carpatica Domin (1930); Larix decidua var. polonica (Racib. ex Wóycicki) Ostenf. & Syrach (1931); Larix sudetica Domin (1930); Larix decidua subsp. europaea (DC.) Domin (1931); Larix decidua subsp. sibirica (Ledeb.) Domin 1931; Larix decidua subsp. sudetica (Domin) Domin (1931); Larix decidua subsp. polonica (Racib.) A.E. Murray (1982); Larix decidua Mill. subsp. carpatica (Domin) Silba (2008).
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