Famille : Juglandaceae
Texte © Eugenio Zanotti
Traduction en français par Michel Olivié
Le genre Juglans comprend de 15 à 20 (<30 espèces) selon divers auteurs, répandues surtout dans l’Amérique du Nord et l’ Amérique du Sud, le Japon et la zone Asie Pacifique, plus de nombreux hybrides.
On ne connaît pas avec précision le pays d’origine du noyer commun : quelques auteurs soutiennent l’hypothèse qu’il se situe en Perse, d’autres en Grèce, sur le Caucase et dans la péninsule balkanique, d’autres encore, de façon générale, dans le Sud-Ouest de l’Asie.
Dès l’ Antiquité il a été introduit et cultivé en Europe et dans d’autres continents où il s’est souvent naturalisé.
Le nom Juglans est une abréviation des termes latins “Jovis”, génitif de Jupiter, et “glans”, gland, c’est-à-dire gland de Jupiter, en raison de son goût agréable en comparaison de celui des glands de chêne consommés par les peuples primitifs. Le nom de l’espèce “regia” vient du latin “regius”, royal, c’est-à-dire arbre des rois, à cause de l’estime dont jouissent les fruits et le bois produits par cet arbre.
Le Noyer commun (Juglans regia L. 1753) est un arbre dont la hauteur peut atteindre 16 à 22 m (moins de 28 m), qui atteint son plein développement entre 60 et 80 ans et qui vit jusqu’à 300 à 400 ans. Il a un tronc robuste (il peut atteindre 1,40 à 1,60 m de diamètre) ; il est droit ou presque et a de grosses branches très apparentes implantées à une hauteur de 4 à 8 m et formant une cime vaste (de 7 à 10 m) et arrondie. L’écorce est lisse, blanchâtre ou gris clair-gris argenté, et se fissure longitudinalement avec l’âge.
Le système racinaire est plutôt superficiel. Les rameaux, bruns et robustes, comportent à l’intérieur une moelle cloisonnée et ont de grandes cicatrices foliaires cordiformes et un gros bourgeon apical. Les feuilles, qui ont une odeur aromatique, sont alternes, imparipennées et composées de 5 à 9 segments sessiles, sauf le segment apical qui a un court pétiole, et elliptiques ou oblancéolés. Les trois segments apicaux ont de 2 à 5 x 5 à 10 cm, les segments basilaires se rétrécissent progressivement et sont entiers et légèrement acuminés. Les feuilles sont caduques et atteignent 35 cm de long ; leurs limbes sont verts et brillants sur le dessus et de couleur vert pâle en partie basse. Le pétiole est robuste, dépourvu de stipule et élargi à sa base.
Les fleurs , en avril-mai, sont monoïques, petites et peu apparentes ; les fleurs mâles, qui mesurent de 5 à 15 x 1 cm, sont sessiles, pendantes, en forme de chatons multiflores de couleur vert-brun, et se développent sur les branches de l’année précédente ; les fleurs femelles, en groupes de 1 à 5 et terminales, se forment sur les rameaux de l’année et ont de gros stigmates blancs repliés vers l’extérieur. Les fruits (les noix) sont des drupes ovales-sphériques de 4 à 5 cm (3 au minimum et 6 au maximum) doté d’un épicarpe (le brou) charnu, vert, glabre et parsemé de glandes et un endocarpe ligneux (la coquille) ovoïde, effilé et plissé qui peut être facilement coupé en deux et qui protège la graine (le cerneau) qui a 4 lobes cérébriformes à la pulpe blanchâtre riche en huile et comestible.
Le noyer est un arbre plutôt héliophile qui grandit rapidement quand il est jeune et qui pousse depuis la plaine jusqu’à environ 1.000 à 1.200 m d’altitude. Il préfère les terrains moyennement meubles, frais, profonds et fertiles et évite tant ceux qui sont acides, lourds , compacts ou comportant de l’eau stagnante que ceux qui sont très arides. Il ne tolère pas non plus la concurrence de la végétation herbacée que les arbres adultes tiennent éloignée au moyen de l’action allélopathique des feuilles tombées au sol et des racines.
Cet arbre a toujours eu une notable importance économique tant pour son bois que pour ses fruits qui ont ôté la faim, de même que ceux des châtaigniers, aux populations des collines et des montagnes. Le bois dont l’aubier est gris et le duramen marron foncé ou grisâtre est demi dur, facile à travailler et durable, mais sujet aux attaques des vers. Il est apprécié pour sa couleur et sa marbrure et est recherché pour les meubles, les lattes de parquet, les travaux d’ébénisterie, la marqueterie, le tournage et aussi pour les crosses de fusil, les queues de billard, etc…, en particulier les racines veinurées. Cependant ce n’est pas un bon combustible. Dans les régions de colline et de montagne il était de tradition, à la naissance de chaque enfant, de planter un noyer près de la ferme pour qu’il serve de dot au moment de son mariage.
Le noyer commun est soumis à divers aléas, en particulier quand il pousse dans des conditions non optimales (terrains avec présence d’eau stagnante, zones à l’ombre, quand il subit des blessures au niveau des racines ou du collet, etc…). Il est sujet en particulier aux attaques des champignons tels que l’ Armillaria mellea le champignon couleur de miel, à la maladie de l’encre ou mal noir du collet (Phytophthora cactorum), aux anthracnoses (Gnomonia juglandis), aux chancres des branches (Diplodia juglandis), aux attaques de bactéries (Agrobacterium tumefaciens, Xanthomonas juglandis) d’insectes dont les larves creusent des galeries dans le bois (Zeuzera pyrina, Cossus cossus), de larves défoliatrices (Lymantria dispar), du ver du noyer (Carpocapsa pomonella), etc.
On le reproduit en conservant en hiver les fruits mûrs débarrassés de leur brou dans du sable sec et en les semant à partir de la mi-mars dans un terrain que l’on aura labouré pour l’ameublir. Trois mois après les plants sortent de terre et on peut les transplanter après la seconde année.
Grâce à des sélections et à des croisements on a obtenu de nombreux cultivars à partir de fruits qui sont habituellement greffés sur l’espèce “sauvage” comme la “Sorrento” qui est adaptée aux zones méditerranéennes peu sujettes à des gelées tardives, la Hartley et la Serr, qui sont californiennes, la Franquette et la Gustine, qui est française et adaptée aux zones plus fraîches ou froides, ou encore l’Eureka, la Lompoc, la Midland, etc…
Les fruits, qui mûrissent entre août et septembre, en plus d’être vendus et consommés frais ou secs, sont utilisés en cuisine pour les sauces et en pâtisserie pour les nougats, les tartes, les pâtes et les décorations. On en extrait une huile (à 25 %) riche en acides gras oméga-3, alimentaire, médicinale et industrielle (quand elle est vieille et concentrée).
De l’écorce et du bois on extrait des tannins et le principe actif, la juglandine, qui, sous l’action de l’eau et de l’humidité, se transforme en une substance noire, insoluble et dépourvue de goût qui peut être utilisée pour teindre les tissus et les cheveux. La décoction de feuilles est conseillée pour les gargarismes antiseptiques et le mal de gorge et comme astringent vaginal contre les leucorrhées et les ulcères du col de l’utérus. Appliquée sur la peau des animaux c’est un bon répulsif contre les taons et autres insectes incommodants. Le brou, les bourgeons et les feuilles ont des propriétés astringentes, dépuratives, hypotensives, hypoglycémiantes, antibiotiques, virustatiques sur les herpès virus, digestives, vermifuges, antiseptiques et anti-inflammatoires en cas d’infections gastro-intestinales et des voies uro-génitales.
Des études cliniques ont prouvé que la consommation de noix peut abaisser le risque de cardiopathie et a une action anti-dégénérative, anti-oxydante et nutritive sur le cerveau car elle réduit la concentration de cholestérol LDL et aide à conserver une bonne élasticité des vaisseaux sanguins.
Les feuilles récoltées en été contiennent une huile volatile, le juglon, qui est anti-bactérienne et fongicide, des inosites, des tannins, de l’acide ellagique, de l’acide gallique et de l’acide ascorbique, c’est-à-dire de la vitamine C.
En phytothérapie les feuilles, que l’on récolte en éliminant le pétiole et que l’on fait dessécher à l’ombre dans des lieux aérés, et les bourgeons sont employés pour le traitement symptomatique de l’insuffisance veineuse, dans la symptomatologie hémorroïdaire et dans les formes diarrhéiques légères.
Ils servent aussi, pour un usage topique, dans les préparations contre le prurit et la desquamation furfuracée du cuir chevelu.
Préparations:
Infusion anti-diarrhéique
Verser quatre cuillerées de feuilles fraîches ou deux cuillerées de feuilles sèches dans un litre d’eau froide. Faire bouillir à feu doux pendant un quart d’heure. Boire 4 à 5 verres au cours de la journée en ajoutant du jus de citron et un peu de miel.
Décoction pour les gargarismes
Faire bouillir 30 grammes de feuilles sèches dans un litre d’eau. Passer en pressant le résidu, filtrer et laisser refroidir. Il faut se gargariser toutes les trois heures.
Nocino, liqueur digestive et salutaire
Prendre 250 grammes de noix avec le brou que l’on coupe en quatre morceaux et que l’on place dans un récipient en verre refermable avec un mélange de 350 grammes d’alcool alimentaire à 95 ° et de 250 cl d’eau (ou de vin blanc sec) que l’on expose au soleil pendant 40 jours, en agitant tous les 3 à 4 jours. Ajouter ensuite 2 grammes d’écorce de cannelle, 10 grains de fenouil, 10 pétales frais de rose et 5 clous de girofle. On laisse ensuite reposer une semaine à l’ombre et on filtre avec une gaze fine ou un papier buvard. On ajoute 150 grammes de sucre en remuant jusqu’à ce qu’il soit totalement dissous. Laisser à nouveau reposer à l’ombre où on doit laisser la liqueur “s’affiner” pendant un an.
Liqueur de noix : recette traditionnelle de Modène
Récolter 33 noix avec le brou vers la fin du mois de juin (la tradition veut quelles soient récoltées le 24 juin, à la St-Jean, par des mains de femme et coupées en quatre avec un outil non métallique pour éviter l’oxydation) et déposer les quartiers ainsi obtenus dans un récipient en verre ou muni d’un couvercle avec 800 à 900 grammes de sucre. Laisser fermé, après avoir remué de temps en temps, pendant deux jours. Ajouter ensuite un litre d’alcool alimentaire à 95°, mettre de 3 à 5 clous de girofle selon les goûts, un petit morceau de cannelle et le zeste externe jaune d’un demi-citron biologique.. Laisser le récipient dans un endroit ensoleillé pendant 60 jours et remuer 2 à 3 fois par semaine. Filtrer soigneusement et verser dans une bouteille en verre foncé. Boucher et garder au frai s et dans l’obscurité au moins deux mois avant de consommer.
Synonymes : Juglans regia var. pyriformis Lieb. (1850) ; Juglans regia L. var. intermedia (Jacques) C. DC. (1862) ; Juglans regia var. kamaonica C. DC. ex DC.(1864) ; Juglans regia subsp. fallax (Dode) Popov (1929) ; Juglans regia subsp. turcomanica Popov (1929) ; Juglans regia subsp. kamaonica (C. DC.) Mansf. (1959) ; Juglans regia L. subsp. sinensis (C.DC.) Ohle (1986).