Famille : Hirundinidae
Texte © Dr. Gianfranco Colombo
Traduction en français par Michel Olivié
Peu de gens savent que la fête d’Halloween est probablement issue d’un ancien rite grec de l’île de Rhodes.
Il semble que l’on y célébrait jadis le rite du Kelidonismos (de Khelidon = hirondelle) qui s’accompagnait d’ une procession de jeunes garçons déguisés en hirondelles qui allaient de maison en maison en chantant des comptines et en quémandant des cadeaux.
Celui qui donnait des gâteaux et du pain aux “hirondelles” échappait aux terribles menaces auxquelles il se serait exposé s’il ne donnait rien. Il y a là un rapport très net avec le “bonbons ou farce” de la fête anglo-saxonne.
L’Hirondelle (Hirundo rustica Linnaeus, 1758) est peut-être l’oiseau le plus populaire au monde et dans l’imaginaire collectif il est la représentation parfaite de l’amour d’un être pour sa propre maison. Pour cette raison, dans toutes les traditions populaires y compris les plus anciennes, ses hauts faits de migrateur sont sans cesse répétés et racontés à travers l’histoire des peuples et des anciennes civilisations.
Il n’est pas simple de dresser la liste de tout ce qui se rapporte à l’hirondelle. L’histoire, la littérature, la musique, les légendes et les cultures semblent avoir noué un lien très fort avec cet oiseau minuscule qui a conquis notre monde.
Dans la Grèce antique une fois encore l’hirondelle était associée au culte du renouveau annuel du fait que son arrivée coïncidait avec le réveil de la nature.
Le proverbe actuel “une hirondelle ne fait pas le printemps” ou, comme disent les Anglais et les Allemands peut-être à cause de leur latitude différente, “une hirondelle ne fait pas l’été” (en anglais “one swallow does not mak a summer” et en allemand “eine Schwalbe macht noch keinen Sommer”) a été lui- même emprunté à Aristote qui a formulé avec d’autres termes la même idée : “de même qu’une hirondelle ne fait pas le printemps un instant de bonheur ne rend pas un homme heureux”.
Mais Homère, Anacréon, Hésiode, Aristophane et Pline ont également apporté leur contribution dans leurs oeuvres tout comme les musiciens classiques des siècles derniers. La Bible elle-même en fait état en citant dans le Psaume 84 le moineau tout comme l’hirondelle qui ont trouvé …”dans nos maisons l’endroit où élever leurs petits”…Très souvent aussi nous mentionnons des citations célèbres des comédies de Shakespeare en nous limitant aux paroles que nous connaissons sans fournir la suite de celles qui en complètent le sens. Dans Richard III où l’on cite le célèbre “mon royaume pour un cheval” ce roi rêve aussi de pouvoir s’envoler avec les ailes d’une hirondelle.
Dans les périodes plus récentes qui ne se souvient de la Rondinella (l’hirondelle) du poète Tommaso Grossi apprise à l’école primaire comme si c’était de la musique vu qu’elle été composée en vers : “petite Hirondelle voyageuse, toi qui te pose sur le balcon en récitant chaque matin cette chanson fluette…” ou encore Pascoli avec”… une hirondelle retournait sur le toit, ils la tuèrent, elle tomba parmi les épines…”.
Des traditions plus récentes ont fait de l’hirondelle un emblème national en Autriche et en Estonie où cet oiseau est vu dans ces pays comme la personnification de leur ciel bleu, symbole de liberté et de bonheur éternel.
Toujours selon les traditions de l’Estonie celui qui tue une hirondelle devient aveugle, ce qui ressemble beaucoup à certaines légendes régionales italiennes qui mettaient même en danger la vie des parents ou des personnes aimées.
Une tradition des vieux marins anglais consistait à se faire tatouer une hirondelle sur le bras après avoir franchi le cap des 5.000 milles de navigation et une seconde après 10.000 milles.
Porter sur soi une hirondelle tatouée voulait dire être assuré d’un bon retour à la maison.
Dans le monde anglo-saxon également le fait d’endommager un nid d’hirondelle situé dans sa ferme faisait que les vaches ne produisaient plus de lait ou même que les poules cessaient de pondre. On comprend l’anxiété avec laquelle on attendait son retour au printemps et le souhait de la voir nicher sous son toit. Il ne fait aucun doute que cet esprit de tolérance et de bienveillance dans les rapports avec cet oiseau, probablement pratiqué par tous les peuples du monde antique, a incité l’hirondelle à être particulièrement fidèle à son site de nidification et à assurer son entretien sur de très longues périodes.
Comme nous le verrons Hirundo rustica n’abandonne jamais son nid sauf si l’endroit où il se trouve a été détruit ou quand un des partenaires perd la vie.
À ce propos les cas de nidification dans le même nid durant de très nombreuses années de suite ne sont pas rares. On cite le cas d’une occupation continue pendant au moins 48 ans.
De petites anecdotes sur cet oiseau se sont ajoutées par la suite afin de fournir des explications techniques à des comportements que l’on a souvent constatés.
Quand une hirondelle vole bas la pluie est proche, quand elle vole lentement il fera beau et quand elle vole vite en virevoltant le temps change.
Il y a ensuite l’histoire de l’hirondelle porteuse de messages, à la manière du pigeon voyageur durant les deux conflits du siècle passé. On raconte que les anciens Romains auraient déjà utilisé les hirondelles comme messagères.
Quintus Fabius Pictor, pendant la seconde guerre punique, se serait servi d’une hirondelle qu’il aurait emportée en cachette depuis un camp romain occupé par les Carthaginois et qu’il aurait renvoyée avec un message indiquant aux amis de la garnison occupée le moment où débuterait l’attaque destinée à les libérer. Encore plus amusante est l’histoire de ce joueur de la Rome antique qui, habitant à une certaine distance de l’Urbs, libérait, dès la fin des courses au Cirque Maxime, les hirondelles qui vivaient à son domicile et qu’il apportait avec lui durant les manifestations sportives après les avoir teintes de la couleur du vainqueur, ce qui lui permettait de communiquer les résultats en très peu de temps. Ce sont des légendes, des histoires ou des fables qui ne s’écartent pas de la principale caractéristique de cet oiseau, à savoir son attachement à son lieu de naissance. “Home sweet home” disent les anglo-saxons ou en Italie “Bentornata a casa rondinella” (bon retour à la maison petite hirondelle).
Il s’avère aujourd’hui que l’arrivée des hirondelles ne coïncide plus parfaitement avec le début du printemps étant donné le changement subit des conditions climatiques mais, que ce soit un jour ou un autre, tout le monde à l’approche de l’équinoxe de mars attend l’arrivée de ce gai petit oiseau qui retourne chez lui. Linné, plus en naturaliste savant qu’en bon observateur, avait bien entendu observé la soudaine arrivée printanière et le subit départ automnal de l’hirondelle mais n’en a jamais donné une explication plausible et logique et a emmêlé étrangement l’écheveau de la migration de cet oiseau si proche de nous. On avait remarqué qu’à l’approche de l’automne les hirondelles semblaient abandonner subitement leurs lieux habituels et se rassemblaient dans des roselières ou au bord de cours d’eau en formant des bandes immenses pour y passer la nuit.
Ensuite au matin elles avaient subitement toutes disparu et, comme il est normal que cela se produise, il restait parfois des cadavres d’individus épuisés ou sans force flottant sur l’eau. En se basant sur ces faits et sur les témoignages de pêcheurs Linné affirma que les hirondelles passaient l’hiver en hibernation sur le fond des lacs et des mers et qu’elles réapparaissaient aussi subitement qu’elles étaient apparues à l’approche de la belle saison de sorte qu’il était possible que des gens pendant les printemps froids ramassent des oiseaux transis et trempés, les premiers individus de la migration, ce qui faisait penser qu’ils sortaient réellement de l’eau après l’hivernage.
Il est incroyable qu’un naturaliste d’un tel niveau parvienne à soutenir cette thèse. Toujours est-il qu’encore en 1835 L’Académie Royale des Sciences de Stockholm qui n’a jamais partagé son point de vue offrait une récompense à celui qui réussirait à amener une hirondelle en hiver. Naturellement personne ne se présenta pour toucher la substantielle prime.
En 1856 Svil Nellson dans son traité mit finalement fin à cette légende et c’est seulement en 1912 que l’on réussit à avoir la confirmation du long voyage de ce petit oiseau grâce à la capture en Afrique du Sud d’une hirondelle baguée en Angleterre.
Avant que l’homme existe les oiseaux migrateurs volaient déjà depuis des temps immémoriaux sur les terres et les mers.
Depuis l’Antiquité le problème de la migration a ainsi fait naître les légendes et les interprétations les plus diverses de sorte qu’ à l’époque d’Aristote et de Pline, même si ce dernier était plus brillant dans ce domaine, on croyait à un changement morphologique de l’espèce plutôt qu’ à l’idée d’un simple déplacement. C’est ainsi que le Rouge-queue à front blanc (Phoenicurus phoenicurus) devenait l’hiver un Rouge-gorge familier (Erithacus rubecula) et le coucou (Cuculus canorus) un épervier (Accipiter nisus).
On a réussi finalement à donner une interprétation plus sensée à l’arrivée soudaine de certains oiseaux qui disparaissaient ensuite sans préavis.
Une distinction fut établie entre les oiseaux de bon augure et ceux de mauvais présage.
Le jaseur boréal (Bombycilla garrulus) figure ainsi parmi les pires vu qu’en allemand on l’appelle Kriegvogel, l’oiseau de guerre, et aux Pays-Bas Pestvogel, l’oiseau de la peste. D’autres figurent parmi les marqueurs météorologiques comme le plongeon catmarin (Gavia stellata) appelé en anglais Rain goose, l’oie de la pluie, alors que notre hirondelle a eu droit à plus de considération vu qu’elle n’annonce que des choses positives.
Une dernière anecdote sur l’histoire de cet oiseau.
Elle est racontée par le zoologue suédois Kai Curry-Lindahl dans son livre des années 70 “Les oiseaux à travers les mers et les terres”. Il mentionne une hirondelle qu’il avait baguée pendant sa jeunesse dans le nid situé sous le porche de sa maison de vacances d’été en Finlande, qu’il avait observée durant plusieurs années et qui avait ensuite disparu. Elle a été retrouvée des années plus tard, mourante, dans le parc du Tsavo au Kenya. Elle est aujourd’hui préservée, dans de mauvaises conditions de conservation, au Musée National de Nairobi. Ce petit oiseau de 20 g avait volé chaque année sur des dizaines de milliers de kilomètres en tous sens à travers cieux.
La destinée et l’activité de ce naturaliste l’amenèrent souvent et pendant de nombreuses années au même endroit si bien qu’il collabora étroitement avec les institutions du Kenya à partir de 1974 et qu’il a passé la fin de sa vie près de l’hirondelle qu’il avait vue dans sa jeunesse.
Hirundo rustica appartient à l’ordre des Passeriformes et à la famille des Hirundinidae et elle est de loin l’hirondelle la plus commune et la plus connue au monde.
Nous disons la plus commune et la plus connue parce qu’elle a conquis notre monde et que quand elle revient sous nos balcons ou nos porches elle devient soudain familière et intégrée au milieu urbain. En Afrique ou dans d’autres zones d’hivernage il est néanmoins impossible de la voir se percher paisiblement sur la rambarde d’un balcon ni même sur une charrette arrêtée dans la rue.
Là bas l’hirondelle est sauvage. Elle vit avec les éléphants et les girafes et fuit, peut-être avec profit, notre agitation occidentale pour la remplacer par la proximité et la protection de ces animaux. On pense qu’il y a plus de 200 millions d’individus qui migrent chaque année.
Son nom scientifique a pour étymologie le latin “hirundo” = hirondelle et “rustica” = rustique.
Étant connu dans une grande partie du monde cet oiseau est peut-être l’espèce qui a reçu le plus grand nombre de noms vernaculaires. Ces noms lui ont été attribués de façon appropriée à la différence d’autres espèces qui ont été affublées d’un nom uniquement pour les besoins de la littérature scientifique, y compris par des peuples qui n’ont jamais eu l’occasion de les voir dans leur milieu.
Quelques noms européens : en anglais Barn Swallow, en allemand Rauchschwalbe, en espagnol Golondrina Comun, en français Hirondelle rustique, en portugais Andorinha-das-chaminés et en italien Rondine comune.
Zoogéographie
Hirundo rustica est cosmopolite et présente sur tous les continents. En Europe elle parvient à occuper au Nord la totalité de la péninsule scandinave et en Asie elle évite seulement la toundra arctique.
Au Sud elle nidifie sur les côtes africaines de la Méditerranée, au Moyen-Orient et en suivant la bande au Nord des grandes chaînes de montagne de l’Inde elle descend ensuite pour occuper la Chine en totalité et rejoindre enfin l’île de Taïwan et le Japon. En Amérique elle occupe une partie du Canada, des États-Unis et le Nord du Mexique.
L’hirondelle passe en pratique six mois dans l’hémisphère boréal et l’hiver dans l’hémisphère austral en effectuant une des migrations les massives de notre planète.
Les lieux d’hivernage sont multiples et il semble que sa fidélité au retour dans son lieu de naissance se retrouve dans celle du choix de ses quartiers d’hivernage.
Les hirondelles européennes et une partie des hirondelles asiatiques hivernent dans toute l’Afrique subsaharienne alors que la majorité des populations asiatiques hiverne dans le sous-continent indien, la péninsule indochinoise, en Indonésie et sur les côtes Nord de l’Australie. Les hirondelles américaines quittent l’Amérique centrale pour aller hiberner dans la pampa argentine. Ces grandes traversées réunissent de grandes bandes parfois immenses, précédées par des rassemblements sur les lieux de départ qui ont toujours émerveillé tous ceux qui ont eu l’occasion de les observer.
Ces rassemblements se forment en quelques jours et dans des endroits habituels comme si un rendez-vous avait été pris en un certain lieu et à un certain jour avant qu’elles entreprennent leur grande traversée. Cette précision se traduit par des arrivées presque simultanées dans des zones déterminées et par une même exactitude au moment du jour du départ.
“À St-Benoît l’hirondelle sous le toit” dit un vieil adage italien et le fait est que dans presque toute l’Europe continentale la grande précision de cette date a été confirmée et ce depuis des milliers d’années.
Le retour automnal, pour la zone tempérée de l’Europe, a lieu le 20 septembre, date à laquelle, presque subitement et toutes ensemble, les hirondelles disparaissent de nos cieux.
On a observé que la remontée vers les quartiers d’été de l’hémisphère boréal est plus lente et plus progressive que celle vers les quartiers d’hivernage, en particulier chez les populations africaines qui lentement et déjà dès janvier entament leur remontée vers le Nord en traversant en totalité le continent africain et en s’arrêtant dans le secteur de la vallée du Rift et le bassin du Nil dans sa partie Est et dans les grands bassins de l’Afrique centrale et occidentale dans sa partie Ouest.
À une date choisie en fonction des conditions climatiques la grande épopée commence. Soit en longeant l’Atlantique ou l’Océan indien, soit en traversant le Sahara, soit pour les populations américaines le long de l’Amérique centrale toutes s’élancent dans cette course éperdue vers le Nord. Cette migration de masse, malheureusement, donne parfois lieu à de très grandes tragédies qui se soldent par l’extermination de groupes entiers de ces oiseaux.
Les mois du printemps sont dans les zones tempérées des périodes de changements importants et subits des conditions climatiques avec de brusques retours de l’hiver, de rapides changements de vent, des pluies inattendues et violentes accompagnées de fortes chutes des températures, soit une série d’épreuves qui pour un petit oiseau de quelques grammes déjà confronté à un effort violent s’avère fatale. On comprend alors qu’un groupe de dizaines de milliers d’individus puisse se trouver catapulté au milieu de l’océan à la merci du vent ou même obligé de faire halte au beau milieu d’un désert comme le Sahara sans pouvoir se nourrir. Néanmoins le grand nombre et la persévérance d’une population entière fait que la survie de l’espèce est toujours assurée.
Écologie-Habitat
Hirundo rustica pendant la période de nidification est l’hôte caractéristique des zones urbanisées, des campagnes cultivées, des fermes, des vergers, des endroits où l’eau est abondante et de tous les autres lieux où il lui est facile de trouver sa nourriture essentielle, les insectes. Elle aime les endroits où la végétation est basse, les prairies et les champs mais comportant en même temps des constructions ouvertes où elles peuvent s’abriter et nicher, comme des porches, des étables ou des greniers. L’existence de fils électriques, de supports artificiels ou de branches d’arbres sèches situées en saillie dans leur environnement ont pour leur présence une extrême importance.
La cohabitation avec les humains semble s’être renforcée depuis des milliers d’années dès le moment où l’homme a commencé à s’adonner à l’agriculture. Tout comme lui elle a tiré parti des continuelles innovations apportées à la construction de ses habitations mais aussi du développement des activités agricoles et du déboisement qui l’ont nettement favorisée du fait d’une abondance inattendue de nourriture et de lieux de nidification. Malheureusement elles l’ont rendue dangereusement dépendante.
À l’origine les hirondelles nichaient dans des grottes, des anfractuosités rocheuses et sur des parois abruptes. Aujourd’hui elle nidifie uniquement en étroit contact avec l’espèce humaine ce qui fait qu’elle a subit un très fort déclin quand on a procédé à de nouvelles formes d’agriculture ou à des urbanisations brutales. Les hirondelles aiment les hommes mais elles le suivent rarement dans les villes où elle laisse place à deux autres espèces insectivores, l’hirondelle de fenêtre (Delichon urbicum) et le martinet noir (Apus apus).
L’habitat de l’hirondelle est en fait extrêmement vaste et variable. Il va des rivages à la haute montagne , soit jusqu’à plus de 3.000 m d’altitude dans les grandes chaînes de l’Asie, au Caucase et en Amérique du Nord. Elle n’aime pas par contre les forêts ou les zones fortement arborées, même si elles aiment les survoler à la recherche de leur nourriture, ni les déserts notoirement pauvres en insectes.
Pendant la période hivernale et durant ses migrations l’hirondelle modifie totalement son comportement vis-à-vis des hommes. On sait que pendant ses quartiers d’hiver elle fréquente les savanes, les marais, les grands lacs intérieurs et les zones de steppe en optimisant au maximum la recherche de nourriture et en faisant front à la très forte pression alimentaire causée par sa coexistence avec les populations locales d’hirundinidés.
Dans les zones d’hivernage la vie sociale de l’hirondelle est beaucoup plus forte et résolument vouée à une défense collective contre ses agresseurs. Sa présence se matérialise toujours sous la forme de grandes bandes qui vont et viennent sans cesse à travers le territoire qu’elles occupent et se réunissent ensuite la nuit en d’immenses rassemblements, généralement près de roselières ou de maquis arbustifs. On a trouvé au Nigeria un site qui abritait 1,5 millions d’individus. Un autre site encore plus célèbre et historique est celui d’une petite roselière près de la ville de Durban en Afrique du Sud où séjournent l’hiver environ 3 millions d’hirondelles, soit environ 8 % de leur nombre total en Europe.
Pendant la nidification, comme nous le verrons, Hirundo rustica conserve toujours une forte socialité à l’intérieur de l’espèce bien que plus agressive et limitée aux membres de la colonie et des populations voisines.
L’hirondelle est purement insectivore et se nourrit de tous les insectes aériens vu qu’elle passe presque toute sa vie en volant. Elle s’alimente en attrapant les insectes au vol avec des virevoltes et une légèreté incroyable. Elle boit en effleurant la surface de l’eau et en planant avec adresse. Elle se lave parfois en plongeant de quelques centimètres sous la surface bien qu’elle préfère glisser littéralement sur l’eau. Elle s’accouple souvent en vol et nourrit ses petits déjà capables de voler en volant sur place. Elle ne met pied à terre que pour ramasser les matériaux nécessaires à la construction de son nid et elle montre à cette occasion combien ses pattes très courtes sont petites et inadaptées à la vie terrestre.
Morphophysiologie
Hirundo rustica est un petit oiseau d’environ 20 g, long de moins de 20 cm dont jusqu’à 7 cm pour la queue et doté d’une envergure alaire qui atteint 35 cm.
Ses ailes, typiques de celles des oiseaux migrateurs à long parcours, sont longues, étroites et nettement falciformes.
La livrée de la partie supérieure de son corps est de couleur noire avec des reflets bleuâtres et de teinte bronze alors que la partie inférieure est entièrement blanche. Le front et la gorge sont de couleur rougeâtre et bordés par une ligne noire en forme de collier et bien distincte. Le dessous des ailes fait ressortir la couleur blanche des ailes tectrices inférieures par contraste avec les plumes du haut qui sont noires. La queue, très fourchue, comporte deux plumes extérieures très allongées et minces et présente dans sa partie inférieure des taches blanches rectilignes et transversales.
Son bec est court et large. Il dissimule une bouche très large adaptée à la capture des insectes en vol. Il n’y a pas de dimorphisme sexuel bien marqué si ce n’est que la queue est légèrement plus courte chez la femelle et que les couleurs sont légèrement plus vives et brillantes chez le mâle.
Les juvéniles se différencient des adultes par leur queue fourchue qui est presque absente pendant leurs premiers mois d’existence et par les contours de leur bouche qui sont grisâtres.
S’agissant de la longueur de la queue il semblerait que celle des hirondelles nordiques soit de plus grandes dimensions que celle des hirondelles qui vivent dans les zones plus tempérées. Toutefois cette longueur est significative de l’âge : en général plus la queue est longue et plus l’individu est âgé.
Il vaut la peine de rappeler la énième légende concernant la tache rougeâtre que l’hirondelle a sur la tête et la gorge. Jésus crucifié avait une épine de la couronne posée sur sa tête par ses bourreaux qui lui piquait douloureusement un oeil. Il demanda alors à une chauve-souris qui passait par là de lui enlever cette épine mais l’animal fit semblant de ne pas comprendre. D’autres petits oiseaux passèrent et c’est seulement notre hirondelle qui accepta de l’aider. Elle arracha l’épine avec force mais tacha alors sa gorge de façon indélébile avec une goutte de sang. “Puisses-tu être bénie ! À compter de ce jour personne ne te fera plus de mal !” s’est écrié le Christ.
Comme c’est l’habitude pour les oiseaux qui ont une vaste aire de répartition les hirondelles ont elles aussi été classées en différentes sous-espèces qui font souvent l’objet de toutes sortes de controverses et de différentes interprétations. Actuellement on distingue six sous-espèces qui présentent quelques différences quant à leur livrée et aux différentes zones qu’elles occupent.
Hirundo rustica rustica l’espèce typique de l’Europe présente depuis les rivages de la Méditerranée et de l’Asie jusqu’aux chaînes himalayennes.
Hirundo rustica savignii qui vit dans la vallée du Nil.
Hirundo rustica gutturalis de l’Himalaya au Japon et au Sud jusqu’à l’Indonésie et la Nouvelle-Guinée.
Hirundo rustica tytleri de la Sibérie, de la Mongolie et du Nord de la Chine.
Hirundo rustica transitiva particulière à la Turquie, au Liban et à Israël et à la livrée beaucoup plus rougeâtre.
Hirundo rustica erythrogaster de l’Amérique du Nord.
L’hirondelle est très babillarde en particulier pendant la période de nidification où elle répète sans cesse son chant en commençant bien avant le lever du soleil et en continuant souvent jusqu’à la fin du crépuscule. Au cours des autres périodes aussi et pendant la migration elle émet habituellement pour garder le contact avec ses congénères un bref gazouillis qui est encore plus marqué quand il concerne l’avertissement annonçant l’approche d’un danger.
Comme elles est très attentive et curieuse cet avertissement est utile également aux autres oiseaux qui vivent avec elles. Elle sait aussi imiter facilement les chants des autres passériformes.
Le chant de Hirundo rustica n’est pas mélodieux mais au contraire confus et dépourvu de toute espèce d’harmonie.
Autrefois il y avait toutes sortes de légendes et de contes qui essayaient de donner une explication plausible à cette imperfection comme s’il y avait quelque chose d’essentiel dans le fait que cet oiseau si cher à nous humains n’ a pas été doté d’un beau chant en plus de sa beauté et de son élégance.
C’est ainsi qu’une légende allemande raconte que l’hirondelle était jadis mélodieuse mais que comme personne ne l’écoutait elle jugea inutile de continuer ses vocalises.
Une autre qui est racontée dans les Flandres et au Tyrol parle des hirondelles qui pendant l’agonie du Christ se posèrent sur la barre transversale de la croix et continuèrent à chanter si fort et si gaiement qu’elles devinrent insupportable pour le Christ mourant. C’est ainsi que depuis ce jour elles furent condamnées à se contenter de babiller et à se procurer leur nourriture en volant.
Une autre légende anglo-saxonne dit que l’ hirondelle qui avait l’habitude de se percher sur les palissades situées près des femmes qui filaient la laine s’est mise par la suite à les taquiner en répétant sans cesse cette phrase : “My mistress has lost, my mistress has lost, her-spool of red thread, her-spool of red thread and her scissors” (ma femme a perdu, ma femme a perdu, sa bobine de fil rouge, sa bobine de fil rouge et ses ciseaux).
Répété rapidement ce n’est rien d’autre que l’imitation onomatopéique de son chant confus.
Biologie reproductive
Les hirondelles ont de fait l’obsession innée de retourner aux lieux qui les ont vu naître et ce sont seulement des accidents imprévisibles qui peuvent faire obstacle à leur désir. Les mâles de Hirundo rustica précèdent de peu les femelles sur les lieux de nidification qu’ils occupent et défendent en attendant l’arrivée de la femelle. C’est une espèce monogame dont les couples restent unis pendant la période de nidification mais on a observé des cas de polygamie sans que cela modifie les rapports entre les partenaires. Une fois que l’endroit et le nid ont été choisis plusieurs semaines s’écoulent avant la ponte des oeufs. Pendant ce temps le couple reste sur place en occupant et en défendant son territoire avec acharnement. Le nid, s’il existe déjà, est chaque année restauré par les oiseaux qui le complètent et le consolident avec de la boue fraîche et qui recouvrent ensuite l’intérieur de plumes et de matériaux duveteux qu’ils attrapent en vol. Le nid est une coupe ouverte en demi-cercle construite avec de la boue mélangée à des brins de paille et adossée à une paroi verticale presque en contact avec le plafond ou la poutre situés en surplomb de façon à créer un abri très sûr et inaccessible.
Après des années de transformation le nid devient parfois un empilement sans cesse plus élevé au point qu’il doit être abandonné à cause du manque d’espace en hauteur. L’hirondelle niche au sein de colonies qui peuvent être très peuplées mais elle n’a pas, si tel est le cas, de relation conflictuelle avec les couples voisins et s’appuie sur l’aide de la communauté pour assurer une défense collective. Souvent dans de vieilles étables on peut voir à des hauteurs parfois inférieures à deux mètres et à peine quelques dizaines de centimètres de la tête du bétail des rangées de nids alignés à moins de 50 cm de distance l’un de l’autre et coexistant parfaitement.
Hirundo rustica pond deux fois par an mais dans les périodes favorables on peut observer trois nichées. 3 à 6 oeufs sont pondus, 4 à 5 en moyenne, et sont couvés uniquement par la femelle pendant 16 à 18 jours. Les oeufs sont de forme oblongue et de couleur crème et portent des taches rougeâtres bien visibles dans leur partie la plus large. La construction du nid et les soins prodigués aux jeunes sont répartis entre les partenaires.
Les petits s’envolent au bout d’environ trois semaines mais demeurent dépendants de leurs parents même quand le couple a déjà commencé à effectuer une nouvelle ponte. L’indépendance totale est relativement rapide bien que les jeunes vivent avec leur famille jusqu’à la migration. L’hirondelle est exposée à de nombreux dangers et connaît une forte mortalité au cours de sa première année d’existence quand elle affronte pour la première fois une migration aussi longue et aussi dangereuse. Une fois passé cette première étape de son existence l’hirondelle peut vivre plusieurs années mais à cause des grandes difficultés que présente sa vie d’itinérance on ne peut la considérer comme une espèce longévive.
Au cours des dernières années toutes les populations de Hirundo rustica ont subi un déclin qui est parfois préoccupant. Après la fin de la période d’utilisation du DDT durant laquelle la diminution des populations a été particulièrement grave et importante la situation est malheureusement toujours celle de niveaux de peuplement constamment en baisse du fait des modifications rapides et spectaculaires apportées à l’agriculture dans le monde occidental.
La disparition des herbages extensifs au profit d’une monoculture intensive, l’abandon des habitations rurales et la modernisation de l’élevage du bétail accompagnée de modifications structurelles des constructions immobilières ont désormais modifié irrémédiablement l’habitat de notre hirondelle qui est souvent devenu pour elle inhospitalier . À cela s’ajoute le changement climatique en cours qui rend encore plus difficile l’adaptation de cet oiseau aux nouvelles conditions. Nombreux sont les paramètres qui contribuent ou font obstacle à la croissance de cette espèce.
On espérait que l’élargissement des saisons dans l’hémisphère boréal pourrait laisser plus de temps à la nidification de ces oiseaux et augmenter le nombre des nouveau-nés mais il s’est avéré au contraire que des étés plus chauds réduisaient la quantité d’insectes disponibles pour leur alimentation. La même difficulté se présente aussi dans les lieux d’hivernage, des difficultés parfois importantes pour leur survie. L’espèce n’est pas considérée comme en danger mais est placée en permanence et étroitement sous surveillance.
Même si les populations sont en diminution, Hirundo rustica est néanmoins classée “LC, Least Concern”, c’est-à-dire “Préoccupation mineure” dans la Liste Rouge de l’UICN des espèces menacées depuis 2018.
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