Jamais vus auparavant. Créés par la nature ou par l’homme, ils stupéfient par leurs pétales effilochés ou leur forme de cactus, de tulipes ou de roses, leur ressemblance avec des violettes, ou encore leur couleur jaune.
Texte © Giuseppe Mazza
Traduction en français par Jean-Marc Linder
La nature et l’homme rivalisent pour créer d’étranges géraniums ; et si la première est la gagnante incontestable avec Pelargonium bowkeri dont les pétales frangés “battent des cils” avec le vent, les amateurs s’en tirent également avec les honneurs.
‘Mini Czech’, par exemple, commercialisé il y a à peine deux ans par Vernon Geranium Nursery, a semble-t-il été créée avec une patience infinie par un prêtre tchécoslovaque dont c’était le passe-temps. Pas plus haut que 25 cm, elle entrelace comme dans une chorégraphie d’incroyables pétales stylisés, doubles mais effilés, d’un beau rouge foncé.
Elle fait partie des “Cactus”, géraniums pour la plupart deux fois plus grands, aux pétales en épines souvent enroulés vers le haut, et qui paraissent d’autant plus fins qu’ils sont repliés sur les côtés.
La pauvreté de la corolle est presque toujours compensée par des formes semi-doubles (avec 6 à 9 pétales au lieu de 5) ou doubles (avec 10 pétales ou plus), et la feuille trahit immédiatement l’appartenance au groupe zonal.
Les couleurs peuvent être très variées, depuis le blanc de la neige de Noël jusqu’au rose, au corail, à l’écarlate, au cramoisi ou au magenta, avec des nuances en dégradé, des rayures et des taches. Les ombrelles chargées de fleurs sont portées par des tiges généralement longues, qui se prêtent donc à la confection de “mini bouquets” ou de centres de table originaux.
Dans l’histoire des géraniums étranges, les “Cactus” suivent de près les “Rosebud”, célèbres cultivars à “fleurs de rose” très à la mode à l’époque victorienne.
En effet, outre en élargir la gamme de couleurs, les premiers obtenteurs ont cherché, comme pour la domestication de la rose, à augmenter le nombre des pétales. Ainsi naquirent des fleurs moyennes ou petites mais obèses, qui, faute de ne pas s’ouvrir complètement, placèrent ces pétales sur plusieurs plans, comme les roses.
A côté de couleurs classiques, ce groupe présente souvent des formes variées et des pétales bicolores, comme ‘Cherry Blossom’, petite variété aux pétales relativement grands, bien placés et dont la bordure rouge en souligne la répartition.
Bien plus récents sont les “Stellars”, ou “Geraniums étoilés”, créés en Australie par Ted Both, un passionné de Sydney. Appelés aussi “Staphs” ou “Both’s Staphs”, parce qu’on croyait qu’ils venaient du croisement de Pelargonium hortorum avec Pelargonium staphysagroides, ils sont arrivés en Europe en 1966.
L’appellation moderne de “Stellars” ne se réfère pas à la fleur, mais aux feuilles en forme d’étoile, presque toujours soulignées au milieu par une zone très sombre. Les fleurs, moyennes ou grandes, aux pétales supérieurs profondément incisés et épointés un peu comme une fourchette, et aux pétales inférieurs, crénelés, en coin, se présentent réunies en inflorescences généreuses de plus de 20 corolles ; elles offrent toutes les gammes possibles de couleurs, du blanc au rose, de l’orange au rouge, en passant par le violet foncé. Les pétales nuancés ton sur ton ne sont pas rares, tout comme ceux qui sont tachés ou irisés : ainsi, les fleurs de ‘Shalimar’, rouge magenta à l’éclosion, s’estompent ensuite en rose.
Facilement disponibles dans les jardineries, les “Stellars” comptent aujourd’hui une centaine de cultivars, avec des fleurs semi-doubles ou doubles et des formes naines. Leur grand succès est dû au fait qu’en plus du bouturage, ils peuvent être facilement reproduits à partir des graines.
Beaucoup plus rares, les “Five Fingered”, ou “Géraniums à cinq doigts”, comptent tout au plus une dizaine de variétés aux pétales semi-doubles ou doubles, souvent effilés, disposés en rayons pour créer une coupe plate.
A partir de la couleur rouge corail d’origine, comme ‘Red Witch’, on a créé des variétés saumonées et tachetées, et les sélections n’en sont qu’à leur début.
L’histoire de leur nom est plutôt tourmentée. Dans un premier temps, elles ont été baptisées ‘Formosum‘ par Milton Arndt, l’Américain qui les a découvertes par hasard dans la cour d’un hôtel au Mexique, où elles seraient venues depuis Formose. Puis, on a objecté que “formosum” est un nom latin souvent utilisé pour désigner une espèce, et, pour éviter tout malentendu, un autre américain, Holmes Miller, a proposé celui de “Fingered Flowered”, c’est-à-dire de “Fleur en forme de doigts”. Mais aujourd’hui on préfère parler de “Five Fingered”, en référence aux feuilles à cinq grands lobes évoquant les doigts d’une main.
Le groupe bien connu des Géraniums-lierre offre aussi quelques bizarreries avec des cultivars comme ‘Pink Carnation’ aux corolles bicolores rappelant celles d’œillets ; et les Géraniums impériaux à pétales simples, qui fleurissaient seulement une fois au printemps, sont maintenant souvent remontants avec des corolles semi-doubles de 5-7 cm de diamètre, rappelant, comme ‘Burgundy’, des orchidées ou des azalées.
La dernière nouveauté, créée aux USA et introduite en Europe au cours de la dernière décennie, nous est offerte par “Tulip-flowered”, c’est-à-dire par les Géraniums Tulipes, dont les fleurs semi-doubles ne s’ouvrent que partiellement et figurent ainsi, comme la fameuse ‘Pink Pandora’, un ensemble de petites tulipes.
Malheureusement, ce caractère n’est pas encore complètement fixé, et en culture il peut arriver qu’une branche dégénère et porte des fleurs normales. Il suffit alors de supprimer la partie “aberrante”, et tout finit généralement par rentrer dans l’ordre.
Parmi les bizarreries bien codifiées et éprouvées par des millénaires d’évolution, il faut, bien sûr, ajouter les espèces botaniques. Des plantes comme le Pelargonium stenopetalum, qui peut atteindre 60 cm, aux pétales exceptionnellement effilés, le Pelargonium moniliforme, authentique bijou jaune, et le Pelargonium tricolor, autrefois appelé Pelargonium violareum, qui ne dépassent pas 30 cm et dont les fleurs ressemblent aux violettes.
Contrairement à ce que l’on croit, le grand champion, Pelargonium bowkeri, est de culture très simple. Il atteint au mieux 40 cm de haut et se contente pendant la période végétative d’un pot de terre sablonneuse, humidifié mais pas trop. En hiver, il faut cesser l’arrosage, car la plante se repose et se réfugie sous terre dans un tubercule.
Récemment a été découvert en Afrique du Sud un autre Géranium “bizarre”, non encore baptisé, que nous citons, pour le moment, en guise de primeur, comme Pelargonium sp. Il vient de la collection du professeur Van Der Walt de l’Université de Stellenbosch, auteur des fameux trois volumes PELARGONIUMS OF SOUTHERN AFRICA, et présente une étrange inflorescence en ombrelle aplatie, à petites corolles tubulaires. Matière première pour les érudits et les passionnés qui en tireront, c’est à parier, quelques hybrides fameux.
GARDENIA – 1991
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