Famille : Cercopithecidae
Texte © Giulia Ciarcelluti membre API
Traduction en français par Jean-Marc Linder
Erythrocebus patas (Schreber, 1775) est un singe de l’Ancien Monde communément appelé Patas.
Il relève de la plus grande famille des primates, les Cercopithecidae ; regroupant 24 genres et presque 140 espèces, c’est la famille du Babouin hamadryas (Papio hamadryas), du Douc à pattes rousses (Pygathrix nemaeus) ou encore du Mandrill (Mandrillus sphinx).
Avec Erythrocebus poliophaeus, ce singe représente les deux espèces du genre Erythrocebus, du grec ancien “ἐρυθρός” (eruthrós), rouge, et “κῆβος” (kêbos), singe – et donc singe rouge.
L’épithète spécifique patas vient, par le biais du français, du “uolof”, groupe de la langue des Wolof, une population d’Afrique de l’Ouest.
Zoogéographie
L’aire de répartition du Patas est formée par une large bande d’Afrique centrale délimitée au nord par le Sahara et au sud par les forêts équatoriales, y compris les zones semi-arides d’Afrique de l’Ouest et de l’Est.
Morphophysiologie
Le trait particulier de la morphologie de E. patas est la queue, non préhensile comme celle des singes du Nouveau Monde, mais qui peut atteindre, à elle seule, 75 cm de longueur.
On observe, surtout au sujet de la taille, un clair dimorphisme sexuel.
Queue non comprise, les mâles ont une taille moyenne d’environ 73 cm pour 10-12 kg, alors que la taille moyenne des femelles est d’environ 49 cm pour un poids de 5-6,5 kg.
Les mâles adultes ont également des canines plus longues et parfois un pelage plus brillant ; on remarque un scrotum bleu vif, qui pourrait jouer un rôle dans la compétition pour séduire les femelles, mais sans corrélation avec l’âge ou l’état de santé. Enfin, pendant la grossesse, la couleur des poils de la face des femelles se modifie de façon marquée.
Les individus adultes ont un corps élancé à la fourrure rouge fauve et au ventre blanc-gris. Le visage est noir, avec un nez blanc, gris ou noir et des joues blanches ou grises.
Les narines sont étroites, très rapprochées et orientées vers le bas. En fait, le genre Erythrocebus relève du groupe des Catarrhiniens, celui des singes à narines ouvertes vers le bas, du grec ancien “κατά” (katá), vers le bas, et “ρινος” (rhinós), nez.
Les longs membres également de blanc-gris sont particulièrement adaptés à la locomotion quadrupède et font de ce singe le meilleur coureur des primates, capable d’atteindre la vitesse de 55 km/h.
Les mains et les pieds de ces primates sont préhensiles, aux pouces opposables. À l’occasion, E. patas peut aussi adopter une posture de bipède qui, dans des circonstances d’alarme, lui permet de mieux observer les mouvements des prédateurs ; il peut aussi avancer debout sans aucun problème, quand il porte quelque chose dans les mains.
Dans la nature, le Patas vit en moyenne une vingtaine d’années ; il peut atteindre 24 ans en captivité.
Écologie-Habitat
E. patas occupe un habitat varié. On le trouve dans les zones semi-désertiques, dans la savane, dans les prairies et dans les forêts à hautes herbes. En tant qu’espèce surtout terrestre, il préfère les espaces vastes et ouverts. Les endroits où il dort sont presque toujours couverts de grands arbres. En général, chaque singe a le sien, sauf les mères qui dorment avec leurs petits.
Dans la nature, son vaste domaine vital varie de 23 à 52 km² selon la taille du groupe et la disponibilité en nourriture et en cours d’eau, indispensables en saison sèche.
Le Patas est un omnivore dont l’alimentation repose principalement sur les insectes, les fruits, les feuilles, les racines, les graines et les œufs d’oiseaux.
Éthologie-Biologie de la reproduction
E. patas vit en groupes sociaux de 20 à 70 individus. Il s’agit de groupements polygynes formés par plusieurs femelles, qui en sont les membres permanents.
Pendant la majeure partie de l’année, lorsque les femelles ne sont pas réceptives, il n’y a qu’un seul mâle adulte dans ces groupes, qui sont assez stables.
Les autres mâles forment à leur tour des groupes composés exclusivement de mâles.
L’organisation sociale est structurée par une hiérarchie féminine et varie dans les populations observées en fonction de la répartition des ressources alimentaires.
Lorsque les quantités de nourriture sont concentrées, comme dans les vergers, on observe des taux plus élevés de conflits entre les groupes et, en même temps, des hiérarchies et un leadership bien définis au sein des groupes individuels ; quand la nourriture est constituée d’insectes, plus dispersés, les rencontres entre groupes et les affrontements qui en découlent sont plus rares. Les conflits entre femelles ont permis d’établir l’existence d’une capacité de reconnaissance entre apparentés par la voie maternelle.
Après un conflit, les femelles parviennent souvent à se réconcilier, ce qui se fait en s’asseyant l’une contre l’autre ou par des séances de nettoyage du pelage (grooming). Ce comportement a également été observé chez des individus sans liens de parenté, mais il est plus fréquent chez les apparentés.
Les femelles atteignent la maturité sexuelle à l’âge de 3 ans, les mâles à l’âge de 4-5 ans. L’accouplement est saisonnier, et se produit généralement pendant la saison des pluies.
Pendant la période de reproduction, on a observé que des mâles adultes hors groupe peuvent temporairement rejoindre des groupes polygynes à la recherche de partenaires sexuels. À la fin de la saison de reproduction, le mâle résident rétablit la composition originale du groupe, en chassant tous les autres mâles.
Parfois, des mâles adultes soumis sont tolérés par le mâle résident et restent dans le groupe pendant un certain temps.
Les jeunes mâles quittent le groupe natal lorsqu’ils atteignent la maturité sexuelle vers l’âge de 4 ans, et rejoignent un groupe formé uniquement de mâles adultes ; plus rarement, ils mènent une existence solitaire avant d’essayer d’intégrer un groupe polygyne pendant la saison de reproduction.
L’objectif des groupes composés uniquement de mâles pourrait être de protéger les jeunes et les malades des prédateurs et autres menaces.
La compétition pour la reproduction est intense, compte tenu de l’écart du succès reproductif entre mâles résidents et mâles hors groupe.
Le mâle attend que la femelle s’approche de lui pour s’accoupler, et peut avoir des descendants de plusieurs femelles. Il peut également se produire des accouplements polyandrogènes, où mâles et femelles s’accouplent de manière “libertine”.
La période de reproduction semble varier avec la situation géographique.
Chez certaines populations, la période de reproduction s’étale de juin à septembre et les jeunes naissent entre novembre et janvier.
Les femelles peuvent mettre bas chaque année, avec de courts intervalles entre deux naissances successives. E. patas possède en effet l’un des intervalles les plus courts entre une naissance et l’autre au sein des différentes espèces de Cercopithecidae : environ un an.
La période de gestation est généralement de 170 jours, même s’il est difficile de la connaître avec précision en raison de l’absence de signaux externes indiquant l’œstrus. Les femelles donnent naissance à un seul individu par grossesse.
La première conception des femelles a lieu vers l’âge de 2/3 ans, le premier accouchement vers l’âge de 3 ans. Pour leur part, à partir de la maturité sexuelle, les mâles traversent une durée plus ou moins longue avant de procréer vers l’âge de 5 ans : la dynamique sociale de l’espèce fait qu’ils ne peuvent pas s’insérer immédiatement dans un groupe polygyne.
E. patas trouve plus facilement de la nourriture pendant la saison sèche, ce qui pourrait expliquer le caractère saisonnier de son cycle de reproduction. De fait, en captivité, cette saisonnalité ne se produit pas.
Les femelles s’occupent des jeunes mâles tant qu’ils ne montrent pas leur indépendance. La progéniture femelle, au contraire, reste toute sa vie dans le groupe maternel d’origine.
À la naissance, les petits sont complètement noirs et ce n’est que vers l’âge de 3 mois que les poils roux typiques commencent à apparaître.
Pendant les 4 à 5 premiers mois, les jeunes reçoivent beaucoup de soins et de grooming (toilettage du pelage) ; à l’âge de 12 mois, ils sont capables de se nourrir seuls et de se déplacer de manière autonome.
En captivité, mâles et femelles reçoivent autant de toilettage et d’attention de la part de la mère jusqu’à l’âge de 4 mois. Pour les femelles, ces niveaux augmentent ensuite considérablement.
Cela montre la force du lien matrilinéaire entre femelles adultes.
À partir de 5 mois, les relations avec la mère deviennent plus sporadiques et se limitent presque uniquement à la nuit, où les mères pourvoient à la nourriture des jeunes.
Le sevrage définitif a lieu lorsque la mère donne naissance à un nouveau petit, vers l’âge d’un an.
Toutes les femelles sont impliquées dans les soins et la gestion des petits du groupe, et pas seulement de leurs propres enfants (allomothering).
L’intérêt d’une telle conduite pourrait être lié à la hiérarchie sociale, organisée sur qui prodigue et qui bénéficie de l’allomothering, tout en créant des liens sociaux et une cohésion de groupe.
En captivité, on a observé que les jeunes femelles reçoivent plus d’attention de la part de femelles adultes qui ne font pas partie de leur famille de sang.
Une étude à long terme a montré que la mortalité infantile au cours de la première année était de 20 %.
Le nettoyage du pelage est une activité qui joue un rôle très important dans l’organisation sociale de E. patas.
Cette activité peut révéler la hiérarchie au sein d’un groupe, ainsi que la qualité du lien entre les individus concernés. Une position sociale élevée dans la hiérarchie se traduit par une fréquence plus élevée du grooming reçu.
Le comportement de jeu apparaît vers l’âge de 8 mois.
Le fait d’être une espèce sociale fait de E. patas un primate aux capacités de communication développées : la posture du corps et les expressions faciales sont des éléments de communication importants.
Les cris de contact (contact calling) sont peu fréquents. La préférence pour une communication de type visuelle lui permet d’éviter les interactions agonistiques entre groupes. Ceci peut aussi résulter de l’occupation d’un habitat très ouvert qui facilite le contact visuel.
Les signaux d’alarme sont des vocalisations plus fréquentes : ils ont pour but de prévenir les autres individus d’un danger et sont spécifiques aux prédateurs.
D’autres types de vocalisations sont utilisés dans le cadre des soins maternels. Les mères utilisent le “moo”, tandis que les petits utilisent le “want” pour requérir soins et attention de la part de parents, de non apparentés ou de tout individu susceptible de fournir de l’attention et des soins.
Dans la savane subsaharienne d’Afrique, E. patas est la proie de lions, de hyènes, de chiens sauvages, de serpents, d’oiseaux de proie et parfois de babouins. Il est également chassé par l’homme, vendu comme animal de compagnie ou utilisé pour la recherche.
Les stratégies de défense contre les prédateurs naturels que le Patas met en œuvre pendant la journée combinent camouflage, vigilance et vitesse de fuite.
E. patas fait fréquemment des raids sur les cultures au détriment des bananes, blé, cacahuètes et dattes. Ces raids donnent lieu à des représailles meurtrières et constituent un point de conflit qui s’aggravera avec le temps, à mesure que les humains étendront leur territoire.
Cependant, selon la Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), E. patas est une espèce dont le risque d’extinction est faible.
Synonymes
E. albigenus (Elliot, 1909) ; E. albo-fasciatus (Kerr, 1792) ; E. albosignatus (Matschie, 1912) ; E. baumstarki (Matschie, 1905) ; E. circumcinctus (Reichenbach, 1863) ; E. formosus (Elliot, 1909) ; E. kerstingi (Matschie, 1906) ; E. langheldi (Matschie, 1905) ; E. nigro-fasciatus (Kerr, 1792) ; E. poliomystax (Matschie, 1912) ; E. poliophaeus (Heuglin, 1877) ; E. pyrrhonotus (Hemprich and Ehrenberg, 1829) ; E. rubra (Gmelin, 1788) ; E. rufa (Wagner, 1839) ; E. sannio (Thomas, 1906) ; E. villiersi (Dekeyser, 1950) ; E. whitei (Hollister, 1910) ; E. zechi (Matschie, 1905).