Famille : Emberizidae
Texte © Dr. Gianfranco Colombo
Traduction en français par Catherine Collin
Le Bruant proyer (Emberiza calandra Linnaeus, 1758) appartient à l’ordre Passeriformes, à la famille Emberizidae et il est le plus grand bruant parmi les nombreuses espèces eurasiatiques.
Déjà, d’après le nom bizarre dont il est affublé dans la langue italienne (Strilozzo), nom qui se réfère au chant indéchiffrable qu’il émet durant la saison des amours et ressemblant plus à un cri décousu et strident qu’à un gazouillis de parade nuptiale, on peut comprendre quelle est la caractéristique principale qui frappe au premier contact avec cet oiseau.
Dans le Nord de l’Italie il est localement nommé “ciuciaraìss”, terme n’ayant aucun rapport avec la traduction littérale du dialecte lombard signifiant “suce racines” mais qui est plutôt une référence onomatopéique en répétant fidèlement le son. Les anglais qui associent aux oiseaux les plus populaires des noms ou des phrases reprenant fidèlement leurs chants, ont associé le Bruant proyer au nom “jangle keys” – clés cliquetantes qui, répété, rend exactement cet étrange chant.
L’étymologie du nom scientifique trahit une origine, pour le nom de genre Emberiza, de l’ancien allemand embritz comme étaient, en général, appelés les bruants proyer, alors que le nom d’espèce calandra montre une origine venant du grec kalandros = alouette ou Alouette calandre (Melanocorypha calandra).
L’utilisation impropre du mot alouette pour indiquer un bruant, remonte à une ancienne habitude qui voyait les chasseurs d’oiseaux vendre ces bruants, en hiver, à des clients naïfs en les faisant passer pour des alouettes, beaucoup plus coûteuses et rares en cette saison.
Aujourd’hui beaucoup placent le Bruant proyer dans le genre Miliaria plutôt que dans le genre Emberiza reclassifiant un terme auparavant considéré comme synonyme.
Miliaria dérive du mot latin “milium” = millet, en référence aux oiseaux, probablement des bruants, qui étaient engraissés en cage et alimentés avec cette céréale afin d’être consommés par les gourmets de l’époque. Cette tradition a perduré en France jusqu’au siècle dernier.
Le Bruant proyer est appelé : en anglais Corn Bunting, en italien Strilozzo, en allemand Grauammer, en espagnol Escribano triguero et en portugais Trigueirao.
Zoogéographie
Le Bruant proyer a un territoire très vaste qui englobe toute l’Europe, l’Asie et la partie africaine au Nord du Sahara. Il n’a aucune difficulté pour supporter les climats rigoureux de l’extrême nord et les climats brûlants d’Asie centrale et d’Afrique du Nord ou pour s’adapter à n’importe quelle altitude même s’il ne dépasse pas les 2 000 mètres. Il n’est pas présent en Islande même si en Europe continentale et en Asie on le trouve à des latitudes bien supérieures.
Dans une grande partie du territoire il est pratiquement sédentaire, sauf pour quelques déplacements saisonniers à courte distance. Dans les quadrants les plus au Nord, il est en revanche sujet à des migrations latitudinales à longue distances pour éviter les rigueurs hivernales de ces régions.
Très souvent ces migrations sont impromptues et soudaines. Les oiseaux se réunissent en grandes bandes qui se déplacent d’une aire à l’autre pour éviter les fortes chutes de neiges imprévues qui recouvrent le sol rendant impossible la recherche de nourriture ou la persistance de températures insupportables.
C’est un bruant qui a souffert d’une importante baisse de ses effectifs dans les dernières décennies, disparaissant complètement de certaines aires européennes continentales mais aussi de certaines îles aussi bien atlantiques que méditerranéennes. En Italie il est encore assez commun et bien répandu même si dans de vastes aires de la vallée du Pô, à cause des monocultures intensives et de la disparition des prairies permanentes, il s’est grandement raréfié et a même pratiquement disparu de certaines aires.
Ecologia Habitat
Le Bruant proyer est indissolublement lié au landes herbeuses aussi bien prés de fauches qu’étendues incultes, qui peuvent être parsemées d’arbustes de faible hauteur mais qui surplombent la prairie. Il apprécie beaucoup les bords de route abrupts, les champs de céréales, les collines de steppes sèches parsemées de buissons de ronce et d’aubépine, les berges caillouteuses et sèches des rivières et des fleuves où, en plus de trouver l’environnement adapté à la nidification, il trouve les perchoirs nécessaires pour surveiller son territoire.
Si on veut vérifier la présence de cet oiseau dans des aires déterminées, il suffit de contrôler tous les arbustes ou petits arbres présents sur le terrain pour immédiatement en découvrir un perché, criant, sur la cime la plus élevée. Il passe le plus clair de son temps dans cette position, s’assurant qu’aucun autre oiseau ne traverse son territoire sans encourir de sa part une immédiate et furieuse poursuite afin de l’en chasser.
Il est très territorial et en même temps polygame et quand il se tient sur la cime d’un arbuste c’est pour surveiller ses femelles et ses nids.
Morpho-physiologie
Le Bruant proyer ne présente en aucune façon les particulières et parfois très belles livrées des autres bruants. Le mâle comme la femelle, que l’on ne peut différencier au sol, sont de couleur marron pâle bordé sur les ailes d’un ocre qui marque le contour de chaque plume ou chaque penne. La poitrine est uniformément crème fortement marquée de pointillés noir brunâtre. Ils présentent deux ombres sur la gorge qui, partant du bec, se rejoignent derrière la nuque semblant deux longues moustaches. La queue fourchue est longue et bien marquée. Les pattes sont couleur chair et le bec jaunâtre. L’œil est sombre et bien marqué.
Une livrée parfaitement identique à celle de la célèbre Alouette des champs (Alauda arvensis), de l’Alouette lulu (Lullula arborea) et du Moineau domestique (Passer domesticus) avec lesquels il partage l’habitat et l’aire de répartition mais également à celle de toutes les autres femelles bruant.
La différence la plus marquante est la morphologie plus grande et plus massive, bien éloignée de l’élégance et de la finesse souvent montrées par les bruants, ainsi que le bec, une véritable machine à broyer, robuste et compacte, munie d’une dent très prononcée et visible sur le bord de la mandibule inférieure et d’une excroissance très dure sur le palais, qui combine la grande puissance de préhension du bec avec une machine parfaite pour concasser les graines les plus dures. Ces caractéristiques sont bien visibles y compris au sol à distance rapprochée et se remarquent facilement puisque durant la saison des amours, il garde constamment la bouche ouverte afin d’émettre son chant disgracieux. Lors du vol pour contrôler son territoire ou quand il est à la recherche d’une partenaire il tient très souvent ses pattes pendantes, maintenant un battement d’ailes très rapide mais sans développer une grande vitesse. Un vol caractéristique qui le distingue aisément de n’importe quel autre oiseau. Sa taille le distingue fondamentalement de tous les autres bruants.
Il mesure 18,5 cm de long, peut peser jusqu’à 50 g et son envergure est de 30 cm. Deux sous-espèces ont été classifiées : Emberiza calandra calandra et Emberiza calandra buturlini typiquement asiatiques et que l’on ne peut différencier à vue.
Éthologie-biologie reproductive
Le nid du Bruant proyer est très difficile à découvrir. Cela s’avère un peu plus facile si l’on suit les parents qui rapportent en volant de la nourriture aux petits alors qu’il est presque impossible de découvrir une femelle en train de couver. Le nid est rejoint, depuis le lieu d’atterrissage au milieu de la végétation, en cheminant au sol et le Bruant proyer y arrive par des chemins toujours différents.
Le nid est presque exclusivement bâti au sol, ingénieusement camouflé à la base de touffes d’herbe ou de buissons herbacés avec les feuilles basses desquels le Bruant proyer recouvre sa nichée, la dissimulant ainsi totalement à la vue d’en haut. Une légère dépression est creusée dans le sol puis garnie d’herbes sèches bien enroulées et entrelacées qui deviennent de plus en plus fines dans la coupe jusqu’à la rendre suffisamment moelleuse pour y pondre les 4-5 œufs. Parfois, le Bruant proyer utilise aussi des poils et des crins d’animaux. Le mâle conquiert le territoire bien avant l’arrivée de la femelle, après quoi il commence les phases frénétiques de la parade nuptiale qui mènent à la formation d’un couple. On assiste à de continuelles courses-poursuites entre divers individus qui roulent dans l’herbe en criant, se querellant pour la conquête de quelques femelles.
Le nid est construit par la femelle et elle seule s’occupe de l’incubation qui dure environ 12-15 jours, une période remarquablement courte mais souvent récurrente chez les oiseaux nichant au sol. Parfois, le nid peut se trouver parasité par le Coucou (Cuculus canorus).
Les œufs sont blanc-bleu pâle, orné d’arabesques marron-rougeâtre sur le côté large de la coquille. Ceci est caractéristique de tous les bruants dont les œufs sont considérés comme étant les plus “artistiques” du monde avicole. Les œufs sont d’une grosseur notable si on les compare à la taille de l’oiseau. Dans les premiers jours après la naissance, les petits sont nourris par la seule femelle à laquelle le mâle s’associe peu après. Après une dizaine de jours les petits sortent du nid et s’éparpillent autour dans l’herbe et sur les arbustes bas. Ils ne prendront leur envol et ne deviendront autonomes qu’environ 4 semaines après l’éclosion. Le mâle est souvent polygame cependant il satisfait avec zèle et équité à ses obligations envers ses différentes nichées.
Le Bruant proyer est typiquement granivore et mange n’importe quelles sortes de graines à portée de son bec. Uniquement pendant la période de nidification, il devient insectivore. Son régime devient donc plus protéique à cause de la nécessité de nourrir ses petits. Durant l’hiver il mange aussi des baies, des petites araignées, des petits mollusques et de l’herbe. Ce n’est pas une espèce à risque vu les importantes populations présentes dans les diverses aires européennes, toutefois dans de nombreuses aires il a souffert drastiquement à cause de la perte de son territoire gagné par la monoculture industrielle.
Synonyme
Miliaria calandra Linnaeus, 1758.
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