Dendrocopos major

Famille : Picidae

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Texte © Dr. Gianfranco Colombo

 

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Traduction en français par Catherine Collin

 

Le Pic épeiche (Dendrocopos major) est commun en Europe, sauf en Islande, Irlande et une grande partie de la Sicile et de la Grèce. À travers la Russie, il s'étend jusqu'en Chine © Dellera

Le Pic épeiche (Dendrocopos major ) est commun en Europe, sauf en Islande, Irlande et une grande partie de la Sicile et de la Grèce. À travers la Russie, il s'étend jusqu'en Chine © Dellera

Le Pic épeiche, pour sa sympathie naturelle et pour les caractéristiques particulières de son comportement, est entré en force dans la littérature et plus encore dans le monde de l’imaginaire de tous les âges.

Qui ne se souvient de Woody Woodpecker, ce pic un peu snob, sympathique personnage des dessins animés de Walt Disney qui détruit avec son bec tout ce qui se trouve sur son passage pour faire plaisir à sa fiancée Winnie Woodpecker? Et Ferao dans le Livre de la Jungle de Kipling ?

Il y a aussi “Picchio Piripicchio” et “Picchio e Papicchio” personnages de deux contes pour enfants italiens.

De l’antiquité, nous viennent des historiettes et des informations historiques qui nous racontent que cet oiseau était déjà important dans les temps anciens. Le nom donné au peuple des Picéniens, que les romains nommaient “ceux du pic”, vient de cet oiseau.

Il y a aussi l’histoire de ce juriste romain Tuberon, sur la tête duquel se posa un jour un pic épeiche et ne sachant s’il devait le chasser ou non, il s’entendit conseiller par les prophètes deux solutions drastiques : le chasser et Rome finirait en ruine ou le tuer et lui même mourrait immédiatement. Pour l’amour de la Patrie il choisit la seconde solution.

Une légende qui pourrait avoir inspiré, plus de mille ans plus tard celle des Corbeaux impériaux (Corvus corax) “emprisonnés” dans la Tour de Londres en Angleterre. Qu’ils s’enfuient ou meurent et le Royaume anglo-saxon disparaîtra à brève échéance.

Même la vie quotidienne est concernée par ce sympathique oiseau et un célèbre vire-langue, souvent répété par les enfants anglais mais également utilisé par les étudiants étrangers dans le perfectionnement de cette langue, le met en scène.

How much wood, would a woodpecker peck, if a woodpecker would peck wood ? (Quelle quantité de bois piquerait un pic si un pic piquait du bois ?)

Un excellent exercice pour acquérir de la fluidité dans cette langue et une parfaite image de ce qu’est un pic.

Le Pic épeiche (Dendrocopos major Linnaeus, 1758) appartient à l’ordre des Piciformes et à la famille des Picidés Picidae et peut être considéré comme étant le pic le plus commun et le plus répandu en Europe.

Il a la taille d'un merle, avec 40 cm d'envergure © Mauro Pallais

Il a la taille d'un merle, avec 40 cm d'envergure © Mauro Pallais

Les dialectes locaux et les noms vulgaires italiens donnés à cet oiseau sont assez ressemblants entre eux mais quelques-uns font preuve d’une grande fantaisie. On passe d’un banal pich, pech, picasc, picu, picon, picun, pigoz, pigos, picconso, pichju, piccunittu, à un plus élaboré quaqualon, becazochi, becalegn, chiachiò, lingualonga, pizzulazucco, pieuque et à un romantique margheritina (petite marguerite) un délicat surnom pour rapprocher la couleur de son plumage de cette fleur champêtre. En Europe on l’appelle Great Spotted Woodpecker ou Greater Pied Woodpecker en anglais, Buntspecht en allemand, Pico picapinos = en espagnol, Pico rosso maggiore en italien et Pica pau malhado grande en portugais. L’étymologie du binôme scientifique est simple et exemplifie clairement le comportement de cet oiseau.

Le nom de genre Dendrocopos vient du grec “dendron” = arbre et “kopos” = frapper ; le nom d’espèce major vient du latin et signifie “plus grand”, pour le distinguer de Dendrocopos minor, (le pic épeichette) son cousin plus petit.

Zoogéographie

Il occupe l’Europe entière à l’exception de l’Islande, de l’Irlande, de certaines parties de la Sicile et de la Grèce où il est plutôt rare. Il occupe pratiquement toute la Scandinavie arrivant ainsi jusqu’à des latitudes très élevées. Cette façade tempérée fraîche se poursuit en Asie à travers la Russie et la Sibérie, arrivant jusqu’au Kamtchatka au point le plus au Nord et occupant entièrement la Chine au Sud. Il est totalement absent de la partie centrale du continent asiatique et du sous-continent indien/indochinois. En Anatolie et en Iran d’où il est absent, il est remplacé par le quasi identique Pic syriaque (Dendrocopos syriacus) avec lequel il partage la péninsule balkanique.

Le mâle se distingue immédiatement de la femelle par la tache rouge sur sa tête © Alvaro Dellera

Le mâle se distingue immédiatement de la femelle par la tache rouge sur sa tête © Alvaro Dellera

In Africa è presente solo in Marocco e nelle isole Canarie. En Afrique, il n’est présent qu’au Maroc et sur l’archipel des Canaries. Dans l’ensemble de son aire de répartition pas moins de 20 sous-espèces ont été identifiées. Le Pic épeiche est habituellement sédentaire sous nos latitudes même si on peut assister à des invasions saisonnières dans la partie plus septentrionales du continent. Dans les vallées subalpines et dans la plaine du Pô, vers la fin de l’automne, on note de nombreux passages de cette espèce avec un accroissement important de la population locale.

Écologie-Habitat

Le Pic épeiche est un habitant des bois de feuillus mais aussi de conifères et ne dédaigne pas certains autres habitats parmi lesquels les campagnes ouvertes cultivées, entourées de rangée d’arbres, les plantations alluviales, les peupleraies, les vieux jardins et les grands parcs citadins et il est, ces dernières années, en constante expansion après une période de fort déclin. Bien qu’étant, à l’origine, un habitant des bois, ce pic à désormais conquis tous les espaces verts urbains et il n’est pas rare de l’observer sur le tronc de l’arbre surplombant le banc du parc sur lequel nous nous asseyons, occupé à creuser son nid ou à forer centimètre par centimètre, avec une dextérité impensable, l’écorce à la recherche de larves. On l’aperçoit souvent arrêté au même endroit pendant quelques minutes, tournant la tête comme s’il cherchait à appuyer son oreille sur le tronc pour s’assurer d’une éventuelle présence. En effet, le Pic épeiche est doté d’une ouïe exceptionnelle qui lui permet d’entendre à travers l’écorce le moindre bruit provoqué par le mouvement de quelque larve cachée dessous. S’étant assuré de cette présence le voilà qui, avec précision, commence à perforer le bois exactement à l’endroit d’où provient le bruit puis y insère sa très longue langue, savourant immédiatement la proie convoitée.

La proverbiale réserve des pics a certainement atteint ses limites avec le Pic épeiche et sa franche coexistence avec les activités humaines est désormais constante partout dans son aire.

Sa longue langue visqueuse attrape sous le bois larves et insectes, son menu principal © Gianfranco Colombo

Sa longue langue visqueuse attrape sous le bois larves et insectes, son menu principal © Gianfranco Colombo

On le voit grimper sur les troncs puis, en s’approchant, alors qu’il lorgne de derrière le tronc notre arrivée ou la présence de notre chien, s’éloigner sans hâte sans oublier d’émettre un stridulant kik kik kik alarmé.

Souvent, il ne s’enfuit même pas mais préfère jouer à cache-cache derrière le tronc et rester immobile à notre passage.

On le voit désormais visiteur habituel des mangeoires hivernales installées dans les jardins pour les petits oiseaux affamés.

Connaissant sa gourmandise pour les aliments gras et onctueux, le Pic épeiche est facilement attiré par un morceau de lard ou de suif pendant à une corde ou coincé entre les branches d’un arbre, dans lequel il enfile à maintes reprises et avec une facilité déconcertante son bec, en extirpant de délicieuses bouchées hypercaloriques.

Comme le dit un proverbe italien … “tanto va la gatta al lardo” (tant va la chatte au lard) … mais en ce cas c’est plutôt le pic qui, connaissant l’endroit où se trouve cette friandise, est tellement attiré qu’il restera sur les lieux sans jamais abandonner la position. De toute façon, pour ce met de choix son seul rival est la petite mésange (Parus spp.) qui ne peut rien contre sa prédominance.

Sa présence est confirmée avec certitude par le tambourinement sur les troncs, continu et incessant pratiquement en toutes saisons.

Déjà vers la fin de l’hiver, mais avec une plus grande fréquence dans les premiers mois du printemps, le bois se remplit de ses percussions plus ou moins sonores selon le tronc choisi.

Parfois “le tambour” est une branche sèche et affûtée à l’extrémité d’un arbre, ce qui rend le tambourinement beaucoup plus sonore et haut dans la tonalité. Très différent est le son d’un gros tronc vide ou pourrissant qui rend un écho fort et sourd, tout autre encore celui du tronc vivant dans lequel il décidera de creuser un nid.

Le Pic épeiche est sûrement l’un des oiseaux les plus bruyants du genre.

D’après une étude menée par un scientifique canadien, basée sur le quotient d’intelligence des oiseaux, en particulier sur les méthodes de recherche de nourriture, il ressort que le pic est une des espèces les plus intelligentes. C’est peut être cette caractéristique qui l’a amené à évoluer et accepter, plus qu’aucun autre oiseau, les rapides changements de la vie moderne.

Anthropisé comme il l'est, il s'attaque maintenant aux poteaux téléphoniques © Gianfranco Colombo

Anthropisé comme il l'est, il s'attaque maintenant aux poteaux téléphoniques © Gianfranco Colombo

Le Pic épeiche se nourrit principalement d’insectes et de leurs larves qu’il se procure en enfilant sa langue longue et visqueuse dans les fissures des troncs qu’il élargit avec son bec.

Cette capacité est souvent utilisée d’une autre manière en particulier durant la période d’alimentation de la progéniture. En fait, comme il réussit facilement à entendre à travers l’écorce le plus léger bruit émis par les nichées d’autres oiseaux installés dans les fissures ou les trous très étroits dans lesquels il ne peut ni regarder ni encore moins, entrer, il n’hésite pas à creuser un trou sous le fond du nid et à prélever un à un les petits de ces nichées. Ceux-ci seront utilisés pour nourrir ses propres petits.

Les pauvres victimes sont les diverses mésanges mais aussi les Sittelles torchepot (Sitta europaea) les Grimpereaux (Certhia sp.) les Étourneaux sansonnets (Sturnus vulgaris).

Il n’est pas rare de voir de ces trous imparfaits mais suffisants pour y passer la tête et le terrible bec de ce pic à côté d’autres trous visiblement fréquentés par d’autres oiseaux.

Même les nids boîtes sont l’objet de son martellement et se trouvent souvent littéralement détruits par la furie de ces becs.

Et le travail ne s’arrête pas là ! Ces dernières décennies avec l’avènement de l’utilisation de matériaux artificiels, le plastique, les revêtements muraux caoutchouteux et élastiques, les armatures en bois exotiques ou même les sculptures en bois placées dans les jardins publics, sont devenus pour ces oiseaux d’un attrait inexplicable et irrépressible. Sa signature est désormais présente partout.

Tard dans l’automne et durant l’hiver il modifie son alimentation, y intégrant une plus grande quantité de baies, de graines et de glands qu’il accumule dans ses dortoirs hivernaux. Le Pic épeiche utilise diverses cavités disséminées sur son territoire et les utilise soit comme dortoirs occasionnels soit pour nicher quand le moment arrive. Ainsi pourvu, il ne devrait pas avoir besoin de migrer tant que ses réserves de nourriture restent assez importantes, pourtant certaines populations effectuent d’erratiques migrations.

Morpho-physiologie

Le Pic épeiche a les dimensions d’un merle, ayant une longueur de 25 cm, un poids de 70/90 g et une envergure d’environ 40 cm.
Dans la terminologie commune il est appelé épeiche et se différencie ainsi du Pic épeichette (Dendrocopos minor) (qui ne dépasse pas la taille d’un moineau) avec lequel il partage certaines parties de son aire de répartition.

Il a un manteau de couleur noire avec les épaules blanches et traversé, sur les rémiges, de lignes et de pointillés toujours blancs. La queue est complètement noire et comme chez tous les vrais pics, les plumes ont un calamus très rigide adapté pour prendre appui sur les troncs.

Il peut faire de gros dégâts comme sur cet arbre “garde-manger” où il accumule glands, graines et baies pour l'hiver © Gianfranco Colombo

Il peut faire de gros dégâts comme sur cet arbre «garde-manger» où il accumule glands, graines et baies pour l'hiver © Gianfranco Colombo

Les joues sont blanches traversées par des moustaches noires qui se rejoignent sur la nuque formant un collier ininterrompu, unique particularité qui le différencie du Pic syriaque (Dendrocopos syriacus) dont le collier est nettement interrompu.

Chez le mâle la tête est totalement noire avec une courte rayure rouge carmin sur la nuque, caractéristique absente chez la femelle. Les plumes du dessous de la queue sont en revanche de la même couleur rouge chez les deux sexes. Les pattes sont noires et le bec noir nacré.

Ce mâle creuse un nid, en général à 8-10 m de haut, avec une ouverture de 5 cm. Après un court corridor horizontal, on accède en descendant à une grande chambre © Gianfranco Colombo

Ce mâle creuse un nid, en général à 8-10 m de haut, avec une ouverture de 5 cm. Après un court corridor horizontal, on accède en descendant à une grande chambre © Gianfranco Colombo

Chez les jeunes, la couleur rouge est beaucoup plus accentuée et se manifeste pour les deux sexes sur la tête et, à peine nuancée, sur le dessous de la queue. En vol il se présente comme un oiseau blanc et noir avec une allure ondoyante, avec des abaissements très marqués sur la ligne de vol et pratiquement toujours accompagné de son chant typique.

Éthologie-Biologie reproductive

Le Pic épeiche est un oiseau solitaire et il ne s’approche de ses congénère que pendant la saison des amours.

Un autre mâle à côté de son petit dans la quiétude de la forêt © Gianfranco Colombo

Un autre mâle à côté de son petit dans la quiétude de la forêt © Gianfranco Colombo

En plus de signaler sa présence par les méthodes décrites précédemment, c’est une espèce combative et qui défend le territoire conquis farouchement et avec ténacité.

A l’inverse, c’est un amoureux attentif et il s’exhibe avec sa partenaire en d’élégantes attitudes qui comprennent des courses sur les troncs, des balancements de la tête, des ondulations du corps, le tout avec affection. Pourtant, le couple n’est fidèle que durant la période de nidification comme c’est l’habitude chez les pics.

Autre nid avec des petits à nourrir. La femelle ramène toutes sortes de proies, parfois même des oisillons à peine nés, tués en perforant le fond des troncs qui les abritent © Gianfranco Colombo

Autre nid avec des petits à nourrir. La femelle ramène toutes sortes de proies, parfois même des oisillons à peine nés, tués en perforant le fond des troncs qui les abritent © Gianfranco Colombo

Bien qu’étant un oiseau solitaire qui défend son territoire avec fermeté, parfois il transige avec ses habitudes et se retrouve, peut-être inconsciemment et poussé par la gourmandise, à manger les douces mûres dont il est si friand, en compagnie de nombre de ses congénères mais sans daigner leur accorder un regard. Le nid du Pic épeiche peut se trouver à n’importe quelle hauteur vu qu’il le creuse où il a envie. Il peut se trouver à 2 m comme à 20 m et dans n’importe quel type d’essence. Il est plus généralement installé vers 8-10 m.

Comme une bonne maîtresse de maison, elle fait régulièrement le ménage, jetant dehors les excréments et les déchets © Gianfranco Colombo

Comme une bonne maîtresse de maison, elle fait régulièrement le ménage, jetant dehors les excréments et les déchets © Gianfranco Colombo

Souvent, dans la vallée du Pô, il aime choisir le bois dur de l’acacia mais il ne dédaigne pas les essences plus tendres comme le peuplier ou le tilleul. Dans le nord de son aire de répartition, en particulier, il utilise également les conifères.

Le trou est creusé par les deux partenaires et a un diamètre de 5 cm. Le trou, après un bref couloir droit d’une dizaines de centimètres, s’incurve vers le bas pour former une chambre plus large où grandiront les oisillons.

Les œufs sont couvés tour à tour par les deux membres du couple. Les petits restent au nid pendant environ 3 semaines puis gambadent aux alentours, encore nourris par les parents jusqu'à ce qu'ils apprennent à voler. Le pic épeiche n’est pas une espèce à risque © Colombo

Les œufs sont couvés tour à tour par les deux membres du couple. Les petits restent au nid pendant environ 3 semaines puis gambadent aux alentours, encore nourris par les parents jusqu'à ce qu'ils apprennent à voler. Le pic épeiche n’est pas une espèce à risque © Colombo

La femelle pond de 4 à 6 œufs très blancs et transparents qui sont couvés par les deux partenaires pendant environ 16 jours. La femelle n’effectue qu’une seule ponte par an mais il peut y en avoir une seconde si la première échoue.

Les petits restent dans le nid pendant environ trois semaines, après quoi ils commencent à gambader hors du nid, grimpant ici et là aux alentours, mais restent dépendants des parents.

Au moment de l’envol ils sont presque toujours indépendants même si la maturité sexuelle n’est atteinte qu’a deux ans.

Le Pic épeiche est largement répandu et on le rencontre facilement dans les lieux habités ; il n’est donc pas considéré comme espèce à risque bien qu’étant protégé dans tous les pays.

Il n’a jamais été considéré comme espèce pouvant être chassée mais on entend dire parmi les chasseurs (même s’il n’est jamais entré dans leur carnier) que la chair du Pic épeiche est parmi les plus dures et amères de tous les volatiles.

Sur le seul continent européen on estime la population nicheuse à plus de 15 millions de couples et au moins 45 millions d’individus.

Une curiosité : la fréquentation des milieux anthropisés a mené cet oiseau, plus que tous les autres pics, à creuser des trous et parfois même son nid dans les vieux poteaux en bois des lignes téléphoniques qui traversent nos campagnes. Parfois, cette habitude et son acharnement provoquent d’importants dommages, affaiblissant ces poteaux jusqu’à ce qu’ils cèdent.

Synonymes

Picus major Linnaeus, 1758.