Famille : Elapidae
Testo © Dr. Gianni Olivo
Traduction en français par Michel Olivié
Le mamba noir (Dendroaspis polylepis Günther, 1864, famille des Elapidae) dont le nom scientifique signifie serpent des arbres aux nombreuses écailles est l’exemple-type de nom zoologique pouvant prêter à confusion. En réalité la couleur de ce serpent n’est jamais noire mais va du gris au gris-vert, au marron et enfin (surtout chez les individus âgés) au gris métallique et s’accompagne souvent de bandes obliques minces et peu marquées sur la partie distale du corps et la queue. L’appellation “noir” est due en fait à la couleur de la muqueuse buccale dont ce serpent se sert pour intimider ses adversaires lorsqu’il ouvre sa bouche en grand.
Dendroaspis (aspic des arbres) est le nom qui définit le genre et constitue la première partie du nom scientifique. Il est commun aux quatre espèces connues de mambas mais, alors que les trois espèces de mambas verts sont strictement arboricoles et méritent donc à 100 % leur complément de nom, le mamba noir est essentiellement terricole bien que ce soit un bon grimpeur et qu’il passe une partie de son temps sur des arbres et des arbustes soit pour s’attaquer à des nichées ou à des écureuils soit pour échapper à un danger ou bien encore, surtout quand le sol est détrempé comme c’est le cas après de fortes pluies, pour éviter une humidité excessive.
Sa tête est caractéristique, allongée, légèrement comprimée sur les côtés et en forme de cercueil (un motif symbolique qui n’est nullement éloigné de la réalité). Sa bouche est large et sa commissure labiale, concave en partie supérieure, s’étend nettement plus en arrière que l’oeil qui est de dimensions moyennes et doté d’une pupille ronde. Ses crochets à venin sont plus courts que ceux des vipéridés, même de dimensions très inférieures, et n’atteignent pas en fait un centimètre (5 à 7 mm en moyenne) mais ils sont également des armes terriblement efficaces. Son corps qui est mince proportionnellement à sa longueur est doté d’écailles petites et lisses qui lui donnent un aspect soyeux et qui sont disposées, à mi-longueur, en rangées au nombre de 21 à 25 (23 à 25 le plus souvent).
Les mambas sont des élapidés. Ce sont donc des serpents venimeux protéroglyphes qui, à la différence des vipéridés (plus évolués), n’ont pas de crochets à venin capables de se replier sur le palais mais qui sont fixes et situés dans la partie antérieure de la mâchoire supérieure. Néanmoins, dans le cas des mambas, les crochets sont cannelés et dotés d’une certaine mobilité. L’os carré peut pivoter vers l’avant, ce qui rend la morsure encore plus efficace.
C’est le serpent venimeux le plus long après le cobra royal d’Asie. Les nouveau-nés mesurent déjà 50 à 60 cm et sont parfaitement en mesure d’inoculer une dose de venin plusieurs fois supérieure au minimum qui est nécessaire pour tuer un homme adulte. Ce reptile atteint presque deux mètres dès sa première année d’existence et grandit ensuite plus lentement. Un individu adulte mesure en moyenne de 2,2 m à 3 m mais peut atteindre 4, 5 m et des spécimens de 3 m ne sont pas rares. De nombreux témoins affirment que le mamba noir a une prédilection pour les espaces ouverts des savanes sèches situées à basse altitude mais en réalité il m’est arrivé d’en rencontrer un à plus de 2.000 m en Tanzanie et dans ma région de l’Afrique il est commun au-delà de 1.500 m.
Dans mon secteur qui est très vert et où abondent des broussailles épaisses souvent couvertes de lichens et entrecoupées de rochers et de crevasses qui, en y ajoutant les termitières, offrent une foule de cachettes, le mamba noir semble au contraire être le serpent venimeux le plus courant, suivi de près par le cobra cracheur du Mozambique (Naja mossambica) qui souvent partage les mêmes cachettes. C’est un animal sédentaire qui a pour habitude de s’exposer au soleil toujours dans un lieu précis et qui utilise la même cachette, s’il n’est pas dérangé, pendant des années.
C’est un chasseur diurne qui chasse de façon active et non en embuscade et qui n’hésite pas à grimper sur des arbres même élevés à la recherche de nichées et de rongeurs. Il traque aussi des mammifères atteignant la taille du daman et on rapporte même un cas de prédation sur un céphalophe bleu.
Sa vitesse a fait naître un grand nombre de légendes : beaucoup d’assertions sont manifestement exagérées comme celle selon laquelle il pourrait rattraper un cheval à la course. Néanmoins des vitesses maximales de l’ordre de 15 km/h sont vraisemblables et il atteint toujours de toute façon une vitesse remarquable qui offre un spectacle impressionnant du fait de la mortelle élégance avec laquelle il semble voler sur des terrains accidentés en disparaissant et réapparaissant au milieu des herbes et des arbustes.
Plusieurs fois j’ai vu des mambas qui, au moment où ils partent se réfugier sur des arbres, soulèvent au dernier instant, alors qu’ils se déplacent encore rapidement, la moitié antérieure de leur corps sans le moindre effort. L’agilité de ces reptiles est incroyable et ils sont capables de frapper avec précision même lorsqu’ils se déplacent à toute vitesse et aussi sur les côtés comme je l’ai vu une fois aux dépens d’un malheureux chien. On a rapporté le cas d’une meute de six chiens, tous tués par le même mamba, qui avaient eu la très mauvaise idée de l’attaquer.
Quand il avance sur le sol le Dendroaspis polylepis garde sa tête bien levée au-dessus du sol et il est de cette façon en mesure de localiser sa proie ou un danger éventuel et de réagir en conséquence. Le mamba noir est le plus redouté des serpents africains et du monde entier à la fois à cause de la puissance de son venin neurotoxique et des doses énormes qu’il peut inoculer d’une seule morsure et aussi de sa rapidité et de son agilité qui lui permettent de mordre un individu au visage, aux membres supérieurs et au thorax. De plus, à la différence de ce qui se passe avec d’autres serpents venimeux qui peuvent mordre sans inoculer de venin (morsures sèches), le mamba noir inocule presque invariablement une dose entière et frappe souvent à plusieurs reprises ce qui fait qu’avant l’arrivée de sérums polyvalents ou spécifiques sa morsure était mortelle pratiquement dans 100 % des cas.
Une autre cause de sa sinistre réputation est son extrême irritabilité qui le rend imprévisible et agressif, cette agressivité augmentant lors de la période de reproduction. D’un autre côté les cas de morsure, par chance, sont moins fréquents que pour d’autres reptiles, précisément parce que c’est un reptile extrêmement actif, rapide et nerveux ce qui fait qu’il a tendance à s’éloigner quand il perçoit les vibrations transmises par un intrus en approche. Malheureusement toutefois il arrive que l’ animal s’aperçoive au dernier moment de la présence d’un homme et s’il se sent menacé ou pris au piège il attaque souvent en mordant à plusieurs reprises avec une rapidité foudroyante. Certaines des situations les plus dangereuses se produisent quand un mamba choisit comme cachette habituelle une remise à outils, le local d’un groupe électrogène ou tout bâtiment d’habitation humaine : l’entrée d’une personne déchaîne en ce cas une réaction foudroyante. Une fois j’ai été appelé par mon traqueur parce qu’un mamba avait choisi en guise de logis un ancien conduit d’évacuation hors d’usage situé devant la cuisine de ma maison et j’ai réussi à le déloger et à le capturer avec une pince à serpent simplement en inondant le conduit. Dans le cas contraire la présence d’un tel locataire aurait été autrement dangereuse. Une autre fois un individu s’est glissé dans ma salle de bain ce qui aurait engendré une situation très dangereuse surtout si je ne m’étais pas aperçu à temps de sa présence.
Quand on marche dans la brousse ce reptile passe le plus souvent inaperçu parce qu’il s’éloigne au moindre signe de l’arrivée d’un homme. On s’en approche difficilement à moins de 20 m mais il y a des cas où cette situation se présente comme cela m’est arrivé près de ma maison il y a quelques années. Une autre situation à haut risque se produit quand un mamba délogé à cause de notre arrivée grimpe sur un arbuste ou sur les branches basses d’un arbre. En allant dans la brousse il est facile ainsi d’arriver avec le visage situé à courte distance du serpent qui, déjà alerté et irrité, réagira en mordant. Pour cette raison, quand j’accompagne des gens dans la brousse je leur recommande toujours de regarder de chaque côté le terrain où ils mettent les pieds ainsi que les branches des arbustes là où ils passent. En cas de rencontre rapprochée le serpent toutefois ne mord pas toujours sans préavis. Parfois il adopte auparavant une posture de menace caractéristique en soulevant de terre la partie antérieure de son corps, souvent à une hauteur appréciable, et ouvre sa bouche en grand en exhibant la coloration noire de sa muqueuse tandis qu’il darde sa langue rapidement en accompagnant souvent son avertissement d’un sifflement léger et rageur et en déployant un “capuchon” long et beaucoup plus étroit que celui des cobras.
À ce stade si l’adversaire ne se retire pas lentement ou ne reste pas immobile la réaction est prompte et violente et consiste en une série de morsures rapides dont chacune peut injecter de 100 à 400 mg d’un venin qui s’avère mortel pour un homme adulte à une dose de 12 à 15 mg.
Si l’on reste parfaitement immobile le reptile en général laissera retomber au sol la partie antérieure de son corps et s’en ira. Le seul élapidé africain doté d’un venin neurotoxique d’une puissance analogue à celle du mamba noir est le Cobra du Cap (Naja nivea) alors que d’autres espèces de cobras ont des venins qui, bien que mortels, le sont à des doses plus élevées.
Ce venin a la consistance d’un liquide épais, ressemblant à de la glycérine et limpide qui, une fois séché, est de couleur blanche (alors que celui, par exemple, des cobras est jaune).
L’effet de la dendrotoxine est principalement neurotoxique et agit en empêchant la transmission au niveau du synapse, c’est-à-dire au point où la terminaison nerveuse se connecte avec la fibre musculaire, ce qui entraîne une paralysie progressive des masses musculaires qui aboutit à la parésie des muscles respiratoires puis à la mort par asphyxie si l’on n’intervient pas de façon efficace. Au niveau de la plaque motrice l’arrivée de l’influx nerveux libère des substances appelées neurotransmetteurs (par exemple l’acétylcholine) qui traversent le synapse et donnent aux fibres des muscles l’ordre de se contracter. Les venins neurotoxiques peuvent agir à divers niveaux et de diverses façons : certains interrompent le processus en amont (effet pré-synaptique) en empêchant la libération du transmetteur (par exemple la bungarotoxine des bungares de l’Asie), d’autres, par contre, interviennent en aval (blocage post-synaptique) et font en sorte que le neurotransmetteur ne puisse pas agir (taïpotoxine des taïpans d’Australie et de Papouasie-Nouvelle Guinée). La dendrotoxine des mambas agit de façon encore différente en bloquant les noeuds de Ranvier des moto-neurones et par conséquent ceux appelés “canal du sodium”. Ils augmentent ainsi et n’inhibent pas l’efficacité de l’acétylcholine et provoquent par un mécanisme presque opposé aux précédents une excitabilité prolongée des fibres musculaires avec des symptômes de convulsion mais le résultat final sera également une impuissance des muscles provoquant l’asphyxie.
En réalité il existe différentes dendrotoxines : chez le mamba les plus étudiés sont la dendrotoxine I et la dendrotoxine K alors que le mamba vert de l’Est (Dendroaspis augusticeps) possède une alpha-dendrotoxine ainsi que des dendrotoxines bêta, gamma et delta. Le mamba vert de l’Ouest (Dendroaspis viridis) de l’Afrique de l’Ouest possède une dendrotoxine DV14. Une curieuse particularité : on a découvert que certaines anémones de mer comme les Anemonia sulcata possèdent des toxines appelées Kalicludines dont la structure est semblable à celle des dendrotoxines. Des différentes dendrotoxines celles des mambas noirs semblent les plus puissantes. Toutefois les venins des mambas contiennent aussi des cardiotoxines qui agiraient directement sur le coeur. En ce cas cependant la cardiotoxine du mamba noir (dont le venin est d’une manière générale beaucoup plus puissant que celui des mambas verts) est moins puissante que celle de ses parents arboricoles dont le principal est le mamba vert de Jameson (Dendroaspis jamesoni) de l’Afrique centrale, suivi du Dendroaspis augusticeps puis du Dendroaspis polylepis. En conclusion donc la morsure du mamba noir est mortelle principalement à cause d’une paralysie respiratoire. En général les premiers symptômes affectent les muscles faciaux étant donné que les nerfs crâniens sont les plus sensibles et les plus réceptifs aux venins neurotoxiques. De ce fait, en cas de morsure, il peut être utile, en attendant de l’aide, de pratiquer la respiration artificielle jusqu’à l’arrivée des secours afin de maintenir en fonction les voies aériennes. Quelques curiosités enfin sur le plus connu et le plus redouté des serpents africains.
Indlondlo est le nom que les AmaZoulous donnent à un mythique mamba à crête mais cette légende a un fond de vérité car, parfois, des mambas très âgés , au moment de la mue, conservent pendant quelque temps sur le crâne des lambeaux de leur ancienne peau qui ressemblent au cimier d’un casque. D’autre part certaines populations appellent aussi Indlondlo la vipère cornue Bitis caudalis alors que les Amatabélés appellent Indlondlo différents reptiles dont l’inoffensif serpent tacheté de la brousse (Philotamnus semivariegatus). Pour diverses ethnies, de plus, le mamba serait la réincarnation des esprits des ancêtres et ces serpents sont appelés abathakati, un terme qui désigne aussi certains genres de sorciers.
Noms communs: anglais : black mamba, afrikaans : swart mamba, isiZulu : shangane, Ndebele : imamba elimnyama, Xhosa : mamba emnyama, Shona : hangara, Tswana et Sotho du Nord : mokopa, Venda : Kangala
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