Famille : Casuariidae
Texte © Dr. Gianfranco Colombo
Traduction en français par Catherine Collin
Il semble étrange, en parcourant les pages du Guinness World Records Book, de trouver parmi les curiosités de la nature, un oiseau mentionné comme étant l’un des animaux terrestres les plus dangereux et sûrement le plus à craindre parmi ses semblables.
C’est un oiseau timide et inconnu de beaucoup, bien que massif et de grande taille, qui vit dans des endroits cachés dans des aires souvent inaccessibles et qui n’hésite pas, afin de se défendre ou de protéger sa progéniture, à attaquer l’homme avec une force telle qu’il peut causer la mort.
Nous considérons d’habitude les oiseaux comme des créatures aimables et timides, absolument sans défense face à l’homme, gracieux et inaccessibles, que l’on envie lorsque nous les voyons voler dans les airs.
Pourtant, on connaît bien l’imprévisible force de l’Autruche d’Afrique (Struthio camelus), l’agressivité des rapaces et la folle gloutonnerie des vautours pourtant rachetées par leur grâce et leur beauté et surtout par le fait qu’ils ne mettent pas notre vie en danger.
Le Casoar à casque (Casuarius casuarius (Linnaeus 1758) appartient à l’ordre Struthioniformes et à la famille Casuariidae et, comme tous les membres de cet ordre, est un oiseau aptère, incapable de voler.
Nous savons que l’Autruche d’Afrique montre parfois des réactions très fortes face à un agresseur.
Si elle entrevoit la possibilité de vaincre son opposant, elle n’hésite pas à affronter un petit félin ou des chacals qui tenteraient d’agresser son petit, ou encore, ouvrant grand ses ailes et gonflant les plumes de ses flancs, elle augmente sa taille déjà avantageuse, afin d’impressionner ainsi celui qui vient perturber sa tranquillité.
Dans certains cas, on l’a même vue affronter l’homme, faisant preuve d’une agressivité que seul un oiseau de 150 kg peut montrer.
Le Casoar est différent, tant par la taille que par le comportement. Dès qu’il voit qui que ce soit traverser son territoire ou pire encore, mettre en danger sa progéniture, il attaque tête baissée sans se préoccuper de la taille ou de l’agressivité de l’adversaire. Il attaque, un point c’est tout !
Les australiens de la péninsule du cap York dans le Queensland septentrional en savent quelque chose, eux qui ont posé des panneaux le long des routes dans toute l’aire où vit cet animal, invitant les passants à ne pas pénétrer dans la forêt sans prendre de précautions, intercalés d’autres panneaux invitant à faire attention aux casoars qui traversent la route.
Les autochtones de Nouvelle-Guinée et de l’Irian Jaya indonésien aussi connaissent sa force mais cela ne les empêche pas de le chasser pour sa viande et ses étranges plumes, mais surtout pour les os de ses pattes avec lesquels ils fabriquent de splendides poignards. Des pattes si robustes, avec des os si épais qu’ils permettent de fabriquer des lames de plus de 30 cm, dures comme de l’acier et coupantes comme des rasoirs.
L’étymologie du nom scientifique provient du nom local, “kasuari”, qui leur fut donné par les malais lorsqu’ils le rencontrèrent il y a des siècles lors de leurs vagabondages dans ces îles reculées.
Les noms vulgaires qui lui sont donnés dans les différentes langues reprennent fidèlement cette tradition verbale. En anglais Southern Cassowary, en allemand Helmkasuar , en espagnol Casuario Comùn et en italien Casuario dal cimiero
Zoogéographie
Le territoire occupé par le Casoar à casque est très restreint, ce qui le classe parmi les espèces en danger. Il est présent en Nouvelle-Guinée, surtout dans l’Irian Jaya, la partie indonésienne de l’île et dans l’Est du Queensland sur la côte de la péninsule du Cap d’York. Il vit aussi, de manière isolée sur les îles Aru et Céram.
C’est un oiseau souvent élevé dans les parcs zoologiques mais il ne se reproduit que rarement en captivité. Il partage parfois son territoire avec les deux autres espèces : le Casoar de Bennett ou Casoar nain (Casuarius bennetti) de la région montagneuse centrale de la Nouvelle-Guinée et le Casoar unicaronculé (Casuarius unappendiculatus) de la côte Nord-Ouest de Nouvelle-Guinée.
Ecologie Habitat
Oiseau extrêmement réservé, le Casoar à casque vit dans les forêts pluviales épaisses et denses, avec des sous-bois impénétrables, de préférence bordées par la mer ou parsemées de marais, de cours d’eau et de roselières. Une forêt isolée, peu fréquentée, à la limite de l’accessibilité. À tel point que le seul moyen de l’observer dans ces régions c’est de le voir traverser à l’improviste les routes de ces territoires.
Cette aptitude à se camoufler est aussi ce qui empêche de recenser avec exactitude l’importance des populations dans ces aires peu anthropisées et pour certaines totalement inconnues.
Même dans des zones plus habitées, il est assez difficile d’en faire un recensement exact.
Morpho-physiologie
Le Casoar à casque est un oiseau de grande taille bien qu’il soit beaucoup plus petit que l’Autruche d’Afrique, mais sa structure massive, ses pattes trapues et son corps arrondi donnent immédiatement une idée de sa puissance et de sa combativité.
En compagnie de l’Emeu d’Australie (Dromaius novaehollandiae) il détient le record de l’oiseau le plus grand du continent asiatique et de l’Océanie. C’est le second plus grand oiseau au monde derrière l’autruche.
La femelle est plus grande que le mâle et peut atteindre 190 cm de long et un poids de 70 kg (60 en moyenne).
Les mâles peuvent atteindre 170 cm et peser 35 kg.
Sa livrée est entièrement grisâtre et formée de fines plumes crépues et soyeuses, absolument inadaptées au vol, d’autant plus que sa structure alaire est pratiquement dépourvue de rémiges et de rectrices.
Le cou est nu sur la partie supérieure et montre une couleur bleu turquoise brillant qui couvre aussi la tête jusqu’à la nuque où la couleur s’éclaircit.
De la partie antérieure du cou pendent deux grandes caroncules rouge vif pouvant mesurer jusqu’à 20 cm.
Le bec est plutôt court et plat, toujours couleur plomb.
Sur la tête on voit une étrange et archaïque crête charnue, composée de kératine, de couleur grisâtre qui va jusqu’à effleurer la mandibule supérieure du bec. Elle est nue et plus ou moins dressée et proéminente selon l’âge et le sexe et peut mesurer jusqu’à 18 cm.
Souvent elle est usée et distendue à cause des frottements continuels dans la végétation et montre fissures et craquelures comme si elle était modelée dans de l’argile. Si l’on regarde bien cet appendice, on pense aisément aux crêtes charnues des dinosaures reconstitués que l’on voit dans tous les musées du monde
Ceci est encore plus évident si l’on observe ses pattes et surtout ses pieds. Les pattes sont trapues et recouvertes d’écailles, avec des tarses dont le diamètre dépasse souvent 8 cm. Elles sont nues, de couleur grisâtre et sont presque totalement cachées par les plumes soyeuses qui pendent du ventre puisque cet oiseau se tient habituellement dans une position accroupie comme s’il était penché et baissé afin de pénétrer plus facilement dans l’épaisseur de la végétation dense.
Le pied est démesuré et n’a que trois doigts, comme il est habituel chez les oiseaux appartenant à cette famille, massif et fortement griffu. Le doigt sur le côté intérieur est muni d’un éperon plus long que le doigt lui-même, qui peut dépasser 10 cm, considéré comme une arme redoutable lors des attaques défensives
Quand on parle de la dangerosité de ses agressions, on fait référence à cette arme meurtrière qu’il utilise habituellement en en donnant de violents coups, provoquant un véritable déchirement du corps de n’importe quel agresseur. Une arme qui rappelle parfaitement, au temps des dinosaures, les pattes du Tyrannosaure et du Vélociraptor et l’utilisation qu’ils en faisaient. En effet, si l’on compare leurs pattes respectives, il est aisé de remarquer la ressemblance !
Le Casoar à casque a une course furieuse et très rapide et il peut atteindre 50 km/h, y compris dans le sous-bois épais, utilisant sa crête comme un bélier pour pénétrer plus facilement dans l’épaisseur de la forêt, courant tête baissée comme un taureau, explosant les branches ainsi que tout autre obstacle.
Quand il attaque c’est une véritable furie et un vrai danger pour celui qui le voit déboucher devant lui à l’improviste.
Les livrées des adultes sont semblables même si la femelle présente des couleurs plus vives et un casque de plus grande taille mais c’est plutôt l’âge qui favorise ces caractéristiques, indépendamment du sexe.
En revanche, les juvéniles montrent une livrée totalement marronne avec des rayures longitudinales claires sur tout le corps qu’ils perdent graduellement au fur et à mesure des années.
Ethologie et Biologie reproductive
Le Casoar à casque est un oiseau polyandre et la femelle s’accouple en toutes saisons avec plusieurs mâles.
Durant la saison des amours on peut donc observer pendant de courtes périodes plusieurs mâles courtiser une femelle et assister à de brefs combats entre ces mâles même s’il est plus facile d’entendre leurs souffles et les sombres sons gutturaux qu’ils émettent lors de ces parades nuptiales que de les observer directement.
La femelle construit plusieurs nids, creusant une légère dépression sous un buisson ou au pied d’un gros tronc, puis le garnit de branches ou d’herbes sèches et le tapisse de feuilles sèches. Dans chacun de ces nids elle pond de trois à cinq œufs bleutés très ridés et rugueux.
Puis c’est le mâle qui s’occupe de l’incubation et des petits durant leur croissance alors que la femelle, après avoir fini de pondre, se désintéresse complètement de la nichée et retourne vivre seule.
L’incubation dure environ 50 jours durant lesquels le mâle ne quitte pratiquement pas le nid, perdant jusqu’à 30 % de son poids.
À la naissance, les petits sont nidifuges et se réunissent autour du père qui s’occupera d’eux pendant environ 9 mois, même si pendant cette période ils seront devenus indépendants.
Leur espérance de vie est assez longue, jusqu’à 50 ans.
Le Casoar à casque est un oiseau largement frugivore. Il mange des fruits tombés au sol, des graines, des herbes et des fleurs mais aussi des insectes et de petits animaux. On dit que c’est également un bon pêcheur, aidé en cela par sa hardiesse face à l’eau et par son habitude à fréquenter les plages où il semble qu’il ramasse les poissons échoués sous l’effet des grosses vagues océaniques.
Comme on l’a dit, les Papous mangent régulièrement sa viande même si elle est considérée comme étant très dure même après une longue cuisson.
En Australie circule une recette fantaisiste sur la préparation de cette viande : “Il suffit de la mettre à cuire dans une casserole avec une grosse pierre. Quand la pierre est cuite la viande est prête à être consommée !”
Synonyme
Struthio casuarius Linnaeus, 1758.