Famille : Scaridae
Texte © Giuseppe Mazza
Traduction en français par Michel Olivié
Généralement connu dans différentes langues sous le nom de Poisson-perroquet des îles Carolines ou de Poisson-perroquet aux yeux en étoile en raison du motif disposé en rayons autour de ses yeux Calotomus carolinus (Valenciennes, 1840) appartient à la classe des Actinopterygii, les poissons aux nageoires rayonnées, à l’ordre des Perciformes et à la famille des Scaridae, appelés poissons-perroquets, qui sont classés dans une dizaine de genres et une centaine d’espèces.
Leurs couleurs vives font en effet penser aux perroquets multicolores des tropiques et, comme eux, ils ont en général un bec robuste né de la fusion des dents sur chacune des deux mâchoires et qui leur sert à débarrasser les récifs des algues incrustantes.
Mais chez Calotomus carolinus cette fusion ne s’est pas produite. Les dents maxillaires sont encore présentes sur plusieurs rangées et servent à couper net, comme le feraient des ciseaux, des algues benthiques différentes et plus dures comme les algues arrondies du genre Padina et les phanérogames des prairies sous-marines.
Le nom du genre Calotomus est issu, non sans quelque raison, des termes grecs “καλός” (kalos) = beau et “τομος” (tomos) = coupant, par référence précisément aux coupures parfaites que ces poissons réalisent grâce à leurs dents imbriquées. Le nom latin de l’espèce carolinus signale que c’est un poisson fréquent dans l’Ouest du Pacifique, aux îles Carolines, l’endroit indiqué par Valenciennes.
Zoogéographie
En réalité cette espèce a une aire de répartition beaucoup plus grande. Elle ne se limite pas à la Micronésie et évolue dans presque toutes les eaux de la zone Indo-Pacifique tropicale.
Remplacé en mer Rouge par Calotomus viridescens qui est similaire on le rencontre, à titre indicatif, en partant du golfe d’Oman et du golfe d’Aden, le long de la côte africaine, au Kenya, en Tanzanie, au Mozambique et jusqu’en Afrique du Sud.
Il est présent à la Réunion, à l’île Maurice, aux Seychelles, aux îles Chagos, aux Maldives, aux îles Cocos, le long des côtes de la Thaïlande, de l’Indonésie, du Timor oriental, de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, de l’Australie, des îles Salomon et de la Nouvelle-Calédonie.
Côté Nord il a colonisé les eaux de Palaos, des Philippines, de Taïwan, des îles Ryukyu et le Sud du Japon.
À l’Est on le retrouve aux îles Ogasawara, aux îles Mariannes du Nord et à Guam.
Il est fréquent en Micronésie, comme les îles Carolines citées par Valenciennes, aux îles Marshall, Kiribati, Samoa, Niue, Tonga, Cook, Tahiti, en Polynésie française, aux îles Marquises, Pitcairn et enfin aux Galapagos. Plus au Nord il a atteint également les îles de Johnston, les îles Hawaï, les îles Revillagigedo et les côtes du Mexique.
Écologie-Habitat
Bien que des observations aient été signalées aux environs de 70 m de profondeur Calotomus carolinus est une espèce diurne bentho-pélagique qui évolue en général peu au-dessous de la limite de la marée basse, parmi les rochers où abondent les algues et les formations madréporiques qui bordent les fonds sableux et détritiques où poussent les phanérogames dont il se nourrit, des plantes dont on sait qu’elles ont besoin de lumière.
Morphophysiologie
Le corps des adultes, peu comprimé latéralement, peut dépasser 50 cm. Le dos est relativement haut. L’arc ventral est prononcé.
La tête est massive. Le museau, allongé, a un profil qui rappelle la forme caractéristique en bec des Scaridae et des lèvres qui cachent une grande partie des dents. Mais ici, comme on l’a vu, les dents maxillaires ne se sont pas soudées pour former deux grandes plaques et sont disposées en emboîtement : une rangée en haut avec 1 à 4 canines au fond et une rangée en bas qui est renforcée sur le devant par d’autres rangées de dents superposées.
Ici les dents pharyngées, à la différence des poissons-perroquets classiques qui broient les madrépores en produisant du sable, servent seulement à hacher les algues que ce poisson broute entières et qu’il coupe et arrache souvent par grappes avec violence.
Il y a une seule nageoire dorsale qui possède 9 rayons épineux et 10 rayons mous. La nageoire anale, plus courte, a 3 rayons épineux et 9 rayons inermes. Les nageoires pectorales ont 12 ou 13 rayons mous.
Les nageoires pelviennes ont 1 rayon épineux et 5 rayons inermes. La nageoire caudale, arrondie et ensuite tronquée chez les juvéniles, est légèrement en forme de croissant chez les adultes.
Comme c’est la règle chez les poissons-perroquets la livrée de Calotomus carolinus est extrêmement variable suivant l’âge, le sexe et l’humeur du poisson.
Les mâles ne peuvent absolument prêter à confusion avec les rayons rose vif qui partent en étoile de l’oeil et les bandes analogues présentes sur le menton et le museau : un motif caractéristique qui se détache toujours de façon bien visible sur la couleur de fond qui est bleue, turquoise, verte ou marron rougeâtre et que le poisson adopte en fonction des circonstances.
Les grandes écailles typiques des scaridés comportent elles aussi un trait rose vertical. Les nageoires dorsale et anale ont une couleur semblable à celle du corps et portent des bandes longitudinales également roses qui sont aussi présentes sur la nageoire caudale et le premier tiers des nageoires pectorales où elles s’estompent ensuite et prennent une teinte verdâtre translucide.
Comme c’est souvent le cas chez les poissons-perroquets Calotomus carolinus a aussi une livrée nocturne qui comporte de vastes taches mimétiques claires et noires disposées sur un fond émeraude ou turquoise. Il ne semble pas toutefois, à la différence d’autres scaridés, que cette espèce fabrique une bulle de protection en mucus pour passer la nuit.
Les femelles adultes sont de couleur brun rouille et rosées sur le ventre. Leurs nageoires pelviennes comportent des groupes de taches claires, grises ou noires qui sont changeantes, ce qui crée un bon mimétisme à l’effet marbré, d’où aussi le nom vulgaire de poisson-perroquet marbré.
Éthologie-Biologie reproductive
Calotomus carolinus vit seul ou au sein de petits groupes qui paissent dans les prairies de Syringodium isoetifolium ou de Cymodocea rotundata. Il les avale avec les organismes qui leur sont associés comme c’est le cas avec les algues du genre Padina et celles qui poussent sur des rochers et des coraux morts.
C’est une espèce hermaphrodite protérogyne monandrique c’est-à-dire dont les femelles qui atteignent une certaine taille se transforment en mâles.
Il n’y aurait donc pas, comme c’est le cas par exemple pour Scarus psittacus, des mâles primaires qui restent tels depuis leur naissance et qui portent une livrée semblable à celle des femelles.
Dans l’atoll d’Aldabra on a observé plusieurs fois en juin et en juillet des reproductions à marée descendante sur le bord extérieur du récif.
L’accouplement est précédé de signaux visuels.
Les mâles qui revêtent une livrée nuptiale particulière comportant un corps blanc en bas et gris noirâtre au-dessus avec une série de points blancs et des barres gris jaunâtre vers la queue tournent rapidement autour de la femelle prête à pondre.
Si celle-ci consent les fiancés montent en nageant en cercle vers la surface où les vagues dispersent mieux les œufs.
Quand le mâle est au comble de l’excitation sa tête devient la partie la plus claire de son corps et prend une couleur jaune brillant au point que le motif caractéristique en rayons disparaît presque entièrement.
C’est le signal visuel attendu par la femelle, le moment favorable pour relâcher ses oeufs qui sont immédiatement fécondés et confiés aux courants.
Les larves sont pélagiques jusqu’à ce qu’elles atteignent 12 mm où elles commencent à se diriger vers les fonds. Elles sont transparentes et présentent de nombreuses petites taches mimétiques noires et une qui est blanche sur les deux premiers rayons de la nageoire dorsale.
En grandissant les alevins s’assombrissent et portent des taches claires alignées sur les flancs. Leur couleur de fond est très variable et peut passer instantanément du vert au rouge foncé, au marron foncé ou à un motif mimétique grisâtre comportant des zones presque blanches et noires.
Calotomus carolinus est parfois pêché pour la consommation locale mais ce n’est assurément pas une espèce en danger. Sa nourriture ne manque pas et sa résilience est bonne, ses effectifs pouvant doubler en 1,4 à 4,4 ans. Il en résulte qu’en 2021 l’indice de vulnérabilité de cette espèce était très bas et s’élevait à peine à 24 sur une échelle de 100.
Synonymes
Callyodon carolinus Valenciennes, 1840; Callyodon sandwicensis Valenciennes, 1840; Callyodon genistriatus Valenciennes, 1840; Callyodon brachysoma Bleeker, 1861; Leptoscarus brachysoma (Bleeker, 1861); Calotomus xenodon Gilbert, 1890; Calotomus irradians Jenkins, 1901; Calotomus snyderi Jenkins, 1903; Scarichthys rarotongae Seale, 1906; Cryptotomus albimarginatus Fourmanoir & Guézé, 1961.