Famille : Bombinatoridae
Texte © Dr. Edoardo Di Russo
Traduction en français par Michel Olivié
Le Sonneur à ventre jaune (Bombina variegata Linnaeus, 1758) appartient à la classe des Amphibia, les vertébrés qui passent au moins une partie de leur cycle de vie dans le monde aquatique, à l’ordre des Anura, les amphibiens dépourvus de queue et à la petite famille des Bombinatoridae.
Cette espèce a été inscrite dans l’Appendice II “Espèces strictement protégées” de la Convention de Berne de 1979 pour la conservation de la vie sauvage et des biotopes en Europe et dans les Annexes II et IV de la Directive Habitat (Directive 92/43/CEE). La Liste Rouge de l’UICN de même que son Comité italien ont attribué à cette espèce le statut “Risque minime” (Least Concern LC).
Le nom du genre Bombina vient du latin “bombire” = bourdonner, lui-même issu du grec “bombulio” = qui fait du bruit, par allusion au chant caractéristique de cette espèce pendant la période de reproduction.
Le nom de l’espèce variegata issu de l’adjectif latin “variegatus” = bigarré fait, quant à lui, référence à ses motifs ventraux éclatants et imaginatifs.
Zoogéographie
Le Sonneur à ventre jaune est une espèce européenne. Son aire de répartition a pour limite à l’Ouest les côtes atlantiques françaises et pour limite à l’Est l’Ukraine, la Roumanie et la Moldavie. Elle comprend probablement la partie Nord du Péloponnèse et occupe en Italie les régions pré-alpines et du Nord-Est.
Le reste de la péninsule est occupé par Bombina pachypus, le Sonneur à ventre jaune des Apennins, une espèce morphologiquement très similaire dont elle ne se différencie que par la zone d’habitat. Un débat portant sur leur synonymie est en fait actuellement en cours. Il est absent de la péninsule ibérique et des îles. La région de l’Allemagne correspond à sa limite en latitude.
Morphophysiologie
C’est une espèce de petite taille. Ses dimensions sont nettement inférieures à celles des autres crapauds : les adultes atteignent en moyenne une longueur de 5 cm. Son corps est plat et ovale. Son dos est recouvert de pustules saillantes qui se terminent par des épines noires. Ses yeux sont saillants. La pupille peut être en forme de cœur ou triangulaire.
Il n’existe pas de sacs vocaux ni de membranes tympaniques. Le nom donné à cette espèce est dû à la coloration de sa région ventrale qui se caractérise par des taches à la couleur jaune ou orangée très vive auxquelles s’ajoutent des marbrures bleues ou noires. La disposition et le motif des taches sont propres à chaque individu ce qui permet de contrôler les populations grâce à l’identification des individus au moyen de programmes de traitement d’images.
Il peut y avoir aussi des points blancs.Les couleurs jaunes ou orange peuvent parfois s’étendre jusqu’aux doigts et sur les cuisses. Le dos et le reste du corps sont, pour leur part, de couleur foncée, gris à vert foncé. Ceci joint à sa capacité à s’immerger rapidement en font un animal très insaisissable et difficile à repérer.
Le dimorphisme sexuel ne se manifeste que pendant la période de reproduction. Chez les mâles les callosités caractéristiques apparaissent sur les trois premiers doigts et l’avant-bras. Elles servent lors de l’accouplement qui est du type lombaire.
Écologie-Habitat
Cette espèce peut être observée dans les milieux collinaires et montagnards, en moyenne entre 200 et 1000 m d’altitude bien qu’en Italie elle aille jusqu’à 1900 m et jusqu’à 2100 m en Grèce.
Les milieux qu’elle fréquente sont principalement des milieux aquatiques peu profonds, en particulier les zones humides : des eaux qui s’écoulent lentement comme de petites rivières, des ruisseaux, des sources et des plans d’eau immobiles tels que des lacs et des zones marécageuses. Elle s’accommode également de mares temporaires et de milieux qui ne sont pas trop anthropisés comme des fontaines ou les réservoirs où l’on fait boire le bétail. On peut la trouver aussi dans des prairies, des fourrés et des milieux restreints comme des mares temporaires où elle se reproduit et dans des bois. Il est rarement possible de l’observer dans des forêts de conifères et de feuillus. Si le milieu le permet il est possible de découvrir des groupes d’individus présentant tous les stades de développement ce qui prouve son comportement social.
Pendant les périodes de chaleur le Sonneur à ventre jaune vit à proximité des points d’eau alors que pendant les mois d’hiver il hiberne dans des abris souterrains. Les périodes de début et de fin de l’hibernation varient en fonction de la latitude et de l’altitude mais en général elles s’étendent de début octobre à début mai. Les sites d’hibernation et de reproduction estivale peuvent se situer à une distance atteignant 800 m. Il peut supporter un faible taux de pollution de l’eau, une capacité qui est propre à différentes espèces d’anoures.
Les principales menaces qui sont à l’origine du déclin des populations du Sonneur sont liées à des facteurs anthropiques : l’urbanisation, l’exploitation de milieux sans cesse plus étendus, la construction de routes et les pollutions qui sont déversées dans les milieux humides entraînent la perte d’habitats et, par conséquent, la disparition de populations.
Éthologie-Biologie reproductive
C’est une espèce aux mœurs essentiellement diurnes bien que, lorsque les températures sont très élevées comme ce peut être le cas en été, il est également possible de le voir aux heures du crépuscule. Très insaisissable il préfère rester à demi immergé de façon à pouvoir plonger rapidement s’il est effrayé. Le nom vernaculaire italien “ululone” s’explique par le cri d’appel qui est émis par l’animal quand il flotte sur l’eau, un “Uh-Uh-Uh” régulier mais faible. Une particularité du Sonneur à ventre jaune est son comportement de défense. S’il se sent menacé ou si la situation ne lui offre pas de possibilité de fuite il adopte une posture particulière : il cambre son dos en tenant ses pattes vers le haut et met ainsi bien en évidence la très vive coloration de son ventre. Une autre caractéristique qui le rapproche de beaucoup d’espèces d’amphibiens est sa capacité à expulser de glandes cutanées une sécrétion blanchâtre volatile qui irrite les mucus, ce qui repousse les prédateurs.
La période de reproduction commence habituellement vers le mois de mai et dure jusqu’à fin septembre. Les accouplements et la ponte des œufs ont lieu au cours de ces mois. Les individus peuvent également se reproduire plusieurs fois dans l’année, surtout s’il se produit de fortes précipitations et sous réserve qu’il soit possible de disposer de points d’eau adéquats. Les endroits utilisés pour la ponte et le développement des larves sont des pièces d’eau peu profondes dont l’écoulement est lent ou des eaux immobiles ayant un fond boueux. Les accouplements ont lieu habituellement la nuit. À la différence des autres anoures dont l’étreinte est du type axillaire celle du Sonneur est du type lombaire : le mâle s’agrippe à la femelle à la hauteur de la région pelvienne et féconde les oeufs au moment de leur expulsion. Pendant le processus de la ponte jusqu’à 100 oeufs sont rassemblés en des tas plus ou moins grands et sont ensuite accrochés à des plantes aquatiques ou sur le fond de la cuvette. La ponte n’est pas continue mais séparée par des intervalles de plusieurs heures. Les mâles manifestent une forte territorialité : ils cherchent à chasser les autres individus mâles des petites flaques d’eau ou bien les repoussent quand ils se trouvent dans un grand bassin. Parfois avec leurs membres postérieurs ils créent des cercles concentriques à la surface de l’eau pour intimider les autres mâles.
L’œuf est petit et a un diamètre qui est en moyenne de 2 mm alors que la masse gélatineuse qui lui sert de protection est grande d’environ 8 mm. Cet amas permet à l’œuf de rester accroché au substrat, qu’il s’agisse du fond de l’eau ou d’une plante.
Les larves, communément appelées têtards, ont des couleurs qui vont du gris au marron foncé. Elles sont de forme ovale et possèdent une queue arquée dont la membrane s’étend jusqu’à la moitié du dos. Les individus très jeunes ont un épiderme particulièrement fin et transparent et de nombreuses lignes foncées qui s’entrecroisent au niveau de la crête caudale. Les têtards naissent après environ une semaine et atteignent une taille de 50 mm. Comme les adultes ils peuvent supporter un certain taux de pollution de l’eau et résistent jusqu’à une température de 36 °C.
Le développement larvaire dure environ 40 jours suivant les ressources alimentaires, la température et la profondeur de la pièce d’eau. Après la métamorphose les juvéniles, désormais totalement identiques aux adultes mais plus petits et sexuellement immatures, mesurent environ 15 mm de long. L’espérance de vie des adultes est d’environ 20 ans.
Vu qu’il s’agit d’une espèce moins inféodée au milieu aquatique que les autres anoures son régime alimentaire se compose surtout d’arthropodes terrestres. Il se nourrit d’odonates, de plécoptères et de diptères mais à l’occasion il se nourrit aussi de mollusques et d’annélides. Le Sonneur cherche sa nourriture principalement à terre après les pluies mais à l’occasion il chasse aussi des invertébrés aquatiques tels que les gammaridés. Les larves se nourrissent de matériaux organiques végétaux comme des algues ou des plantes, du plancton, de petits invertébrés aquatiques et des déchets organiques.
Parmi les prédateurs du Sonneur on peut citer des oiseaux comme Nycticorax nycticorax et d’autres ardéidés, des reptiles du genre Natrix, des poissons et certains mammifères. Les plus dangereux pour ses populations sont cependant des espèces allochtones comme par exemple Micropterus salmoides et Procambarus clarkii qui les chassent à tous leurs stades de développement.
Synonymes
Rana variegata, Linnaeus, 1758 ; Bufo salsus, Schrank in Schrank & Moll, 1785 ; Rana sonans, Lacépède, 1788 ; Rana salsa, Gmelin, 1789 ; Bombinator brevipes, Blasius, 1839 ; Bombinator scaber, Küster, 1843 ; Bombina maculatus, Gistel, 1868 ; Bombina igneus var. brevipes, Koch, 1872 ; Bombinator pachypus var. Kolombatovici, Bedriaga, 1890 ; Bombinator pachypus var. brevipes, Boulenger, 1896 ; Bombinator pachypus var. nigriventris,Dürigen, 1897 ; Bombinator variegata, Poche, 1912 ; Bombina salsa, Nikolskii, 1918 ; Bombina salsa var. csikii, Fejérváry, 1922 ; Bombina variegata, Mertens, 1928 ; Bombina variegata variegata, Mertens & Müller, 1928 ; Bombina variegata csikii, Mertens & Müller, 1928 ; Bombina variegata kolombatovici, Mertens & Müller, 1928 ; Bombina variegata gracilis, Bolkay, 1929 ; Bombina variegata scabra, Müller, 1940 ; Bombina (Bombina) variegata, Tian & Hu, 1985.
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