Famille : Viperidae
Texte © Dr. Gianni Olivo
Traduction en français par Michel Olivié
Les Vipères des buissons (en anglais bush vipers) sont un groupe de vipéridés aux mœurs plus ou moins strictement arboricoles qui sont souvent recouvertes d’écailles fortement carénées et imbriquées et portent des livrées aux couleurs vives qui tendent à les rendre mimétiques au milieu des feuilles et des branches. Le genre Atheris comprend des vipères de dimensions moyennes ou moyennement petites qui ne dépassent pas 80 cm chez les espèces les plus grandes et qui ont une tête large et souvent de forme triangulaire, de grands yeux à la pupille verticale et, chez beaucoup d’espèces, une queue préhensile qui facilite leur maintien et leurs déplacements sur les arbres. En général les écailles céphaliques sont petites alors que celles du corps sont, comme cela a été dit plus haut, fortement carénées, ce qui leur donne un aspect rêche.
Ce type d’adaptation à l’habitat arboricole, les couleurs et d’autres particularités génériques laissent entrevoir une ressemblance (par convergence évolutive) avec un groupe de crotalidés asiatiques arboricoles comme les différents Trimeresurus (arboreal pit vipers ou vipères aux fossettes, les crotalidés ayant des fossettes thermo-réceptrices ) ou certains Bothrops de l’Amérique du Sud et de l’Amérique centrale qui sont eux aussi des crotalidés. Tous les Atheris ne sont pas toutefois arboricoles : deux espèces au moins, Atheris hindii et Atheris superciliaris ont des moeurs terricoles bien qu’elles grimpent souvent sur des broussailles basses ce que font d’ailleurs aussi des vipères purement terricoles telles que Bitis arietans, Bitis nasicornis, Bitis cudalis, etc…
Les deux dernières espèces, Atheris hindii et Atheris superciliaris, présentent en outre certaines caractéristiques qui semblent les différencier nettement du genre Atheris au point que des herpétologues ont proposé de les replacer dans un nouveau genre à part. De façon générale les vipères des buissons ont des venins cytotoxiques qui provoquent des douleurs, des tuméfactions et probablement des nécroses mais ces venins ne sont pas particulièrement puissants ni inoculés en doses massives et une seule espèce, Atheris squamiger, est connue pour avoir causé la mort d’au moins un être humain.
Une autre caractéristique est la fragmentation de l’aire de répartition géographique qui se limite souvent à de petits îlots dans des zones à la végétation dense ou proprement forestières (par exemple Atheris hispidus, Atheris katangensis, etc…) alors que certains vipéridés ont une aire de répartition plus vaste comme la vipère des buissons de l’Ouest (Atheris chorechis) qui est présente dans la bande forestière du golfe de Guinée.
La vipère arboricole de la région des Grands Lacs (Atheris nitschei nitschei) est un vipéridé au corps trapu et robuste. Elle est longue jusqu’à 75 cm et a des écailles carénées qui, à mi-longueur du corps, sont disposées sur 23 à 33 rangées obliques.
La queue qui est distincte du corps, relativement fine, plutôt longue et préhensile permet d’assurer au reptile une prise sûre sur les branches d’arbre. La tête large, comprimée et triangulaire, est recouvertes d’écailles céphaliques de petites dimensions. Les yeux sont grands et dotés d’une pupille elliptique verticale.
Le corps est de couleur verte et comporte des taches noires ou dans tous les cas toujours très foncées. La peau entre les écailles est souvent noire, ce qui donne à l’ensemble un aspect finement réticulé, très élégant et mimétique qui se confond parfaitement avec le jeu d’ombre créé par les feuilles en perpétuel mouvement.
Les taches noires sur le corps tendent à créer un motif en zigzag alors que sur la tête on voit nettement un dessin de couleur noire en forme de pointe de flèche dont l’extrémité est dirigée vers l’avant. L’extrémité de la queue est noire alors que la zone ventrale est jaune ou vert clair.
Les individus immatures ont une couleur marron ou chocolat assez uniforme mais la pointe de leur queue est jaune canari. Après deux ou trois mois et deux ou trois mues leur couleur cependant se transforme de façon resplendissante en une teinte verte uniforme et brillante sur laquelle, seulement par la suite, apparaissent les taches noires caractéristiques en zigzag typiques de l’adulte. Les dimensions du mâle et de la femelle sont pratiquement les mêmes et atteignent au maximum 75 cm.
On connaît deux sous-espèces de cette vipère : l’espèce-type (Atheris nitschei nitschei) présente en Ouganda, au Burundi, au Rwanda, au Congo (Kivo et Shaba) et dans le Nord-Ouest de la Tanzanie et la vipère arboricole de Rungwe (Atheris nitschei rungweensis), plus méridionale et répartie dans un petit nombre de petits îlots dans les parties méridionale et occidentale de la Tanzanie, dans le Nord-Ouest de la Zambie et , encore plus au Sud, sur le plateau de Nyika dans le Nord du Malawi. Les différences entre les deux sous-espèces ne sont pas très prononcées : la forme plus méridionale présente des écailles céphaliques plus petites et de petites différences de coloration souvent représentées par de fines lignes jaunes sur les flancs qui créent un contraste avec le noir.
À la différence des autres vipères arboricoles qui sont connues pour leur tempérament irascible, ce serpent a un caractère plus paisible (ce qui ne veut pas dire qu’il ne s’empresse pas de mordre s’il est dérangé) et s’adapte à la vie en captivité d’avantage que les autres espèces. Il passe habituellement la journée à se reposer ou à se réchauffer, enroulé autour d’une branche ou souvent sur les tiges de l’herbe à éléphant, à deux ou trois mètres du sol, mais la nuit il descend à terre pour chasser de petites proies (rongeurs, batraciens). Il peut se servir de sa queue comme appât pour attirer sa proie jusqu’à ce qu’elle soit à la portée de sa morsure foudroyante et dans ce cas il agite sa queue de la même manière que s’agiterait un lombric ou une chenille.
Il semble que ce soit surtout les individus immatures qui utilisent ce stratagème et cela expliquerait peut-être la couleur vive de leur queue qui contraste avec la couleur marron uniforme du corps des juvéniles.
L’habitat préféré de ce serpent est constitué, plus encore que les arbres et les buissons, par les herbes hautes (herbe à éléphant, papyrus, bambou, etc …) situées dans des zones marécageuses ou au bord de marais et jusqu’à 3.000 m d’altitude (forêts de bambous). La sous-espèce rungweensis semble préférer les zones forestières. Les proies habituelles sont des souris et d’autres petits rongeurs, des lézards, des caméléons et des batraciens.
Les naissances surviennent en été. Les petits mesurent de 15 à 18 cm de long. Le venin a été peu étudié mais il semble être cytotoxique et hémotoxique et ne pas être très puissant. Je n’ai pas trouvé de liste de cas de morsures sur l’homme et il ne semble pas que l’on ait rapporté des cas graves d’empoisonnement. Les sérums polyvalents ne paraissent pas efficaces mais je crois cependant qu’ils ne seraient même pas à conseiller vu la faible dangerosité apparente du venin et, comme c’est le cas pour la morsure d’autres espèces, une thérapie symptomatique et de soutien devrait être suffisante en plus d’une vaccination anti-tétanique. Une insuffisance éventuelle de coagulation pourrait néanmoins nécessiter un traitement par transfusion sanguine.
Noms communs : Great Lakes bush viper, Nitsche’s bush viper, Sedge viper (anglais), Zmije Nitschelova (tchèque), Vipère de Nitsche (français), schwarzgrüne Bushviper (allemand), Vipera dei cespugli (italien).
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