Famille : Monacanthidae
Texte © Giuseppe Mazza
Traduction en français par Michel Olivié
Connu vulgairement sous le nom de Poisson-lime gribouillé, Aluterus scriptus (Osbeck, 1765) appartient à la classe des Actinopterygii, les poissons aux nageoires rayonnées, à l’ordre des Tetraodontiformes et à la famille des Monacanthidae qui compte 28 genres et plus d’une centaine d’espèces.
On les appelle poissons-lime à cause de la rugosité de leur peau qui est recouverte de plaquettes osseuses portant des spinules petites et espacées et qui fut utilisée jadis pour polir les objets usinés.
Le nom du genre Aluterus, cuir, bourse en latin, fait de fait référence à cette peau singulière alors que le nom de l’espèce scriptus indique, toujours en latin, que sa livrée est caractérisée par de petites taches et des traits qui ressemblent à de l’écriture.
Les noms vulgaires dans les différentes langues rappellent cela ainsi que d’autres particularités morphologiques intéressantes. Connu vulgairement en italien sous le nom de Pesce lima cirrato, avec des boucles, en anglais on l’appelle scrawled filefish, broomtail filefish, scribbled leatherjacket, c’est-à-dire Poisson-lime gribouillé, Poisson-lime à queue de balai, Blouson de cuir gribouillé.
En allemand on l’appelle grosser Feilenfisch, Schrift-Feilenfisch pour mettre l’accent sur le fait que c’est un gros poisson qui porte des signes d’écriture alors qu’en espagnol Cachua lija azul, cachua perra, lija trompa, pez lija puntiajul, puerco de altura il est question de papier de verre et d’un cochon.
Les noms français : Poisson-lime gribouillé, bourse graffiti, bourse robe de cuir, baliste écriture, bourse loulou, chien katounou font allusion, en plus de la forme d’une bourse, à sa queue qui ressemble à un balai et ajoutent une référence scientifique à sa parenté avec les balistes qui sont rattachés au même ordre mais appartiennent à la famille des Balistidae.
Zoogéographie
Le Poisson-lime gribouillé est relativement rare mais occupe une très vaste aire de diffusion dans les eaux tropicales et subtropicales de tous les océans, y compris la mer Rouge.
Écologie-Habitat
Semi-pélagique il évolue en général sur les pentes extérieures des récifs à une profondeur de 3 à 20 m mais on en a trouvé aussi à 120 m.
Il fréquente les parois abruptes où se trouvent en abondance les crevasses madréporiques et rocheuses où il lui est facile de se mimétiser ou de trouver une cachette.
Morphophysiologie
Aluterus scriptus est le plus grand des poissons-lime et peut atteindre 110 cm et un poids de 2,5 kg bien que sa taille courante soit d’environ 60 cm. Son corps est très plat et allongé. Son museau est pointu. Il a une petite bouche retournée vers le haut et concave. La lèvre inférieure est proéminente. Ses dents, semblables à des incisives, sont relativement robustes et pointues : 6 dessus et 6 ou parfois moins dessous.
Comme les balistes (par exemple le Pseudobalistes fuscus) sa première épine dorsale peut, grâce à un mécanisme de verrouillage, être bloquée verticalement par la seconde qui est plus petite et parfois presque invisible.
Quand il est redressé ce fin stylet mobile reste armé même quand le poisson meurt et sert de ce fait à dissuader les prédateurs qui avec le temps associent le souvenir de blessures pénibles à sa livrée qui est unique. La nature veille toujours en effet à la survie de l’espèce plus qu’à celle de l’individu.
Quand, d’autre part, le Poisson-lime gribouillé passe la nuit dans un repaire à l’entrée étroite et basse où il entre seulement l’épine repliée il peut ensuite la redresser et dormir tranquille car il est sûr de ne pas être entraîné à l’extérieur par les courants pendant qu’il dort.
Vu sa taille Aluterus scriptus n’a pas besoin de paraître plus gros pour impressionner les intrus et donc à la différence du Baliste-Picasso clair (Rhinecanthus aculeatus) ou d’autres poissons-lime comme Pervagor aspricaudus, Pervagor Janthinosoma ou Acreichthys tomentosus il ne peut pas étendre son ventre vers le bas.
La seconde nageoire dorsale, qui est très longue, possède 43 à 50 rayons mous. La nageoire anale, qui est symétrique, a une épine et 46 à 52 rayons inermes. Les nageoires pelviennes sont absentes. Les nageoires pectorales comptent 13 à 16 rayons mous. La robuste et longue nageoire caudale qui peut se refermer comme un éventail est arrondie et parfois effilochée à son extrémité. C’est en fait le seul moyen de propulsion de ce poisson qui se déplace lentement, souvent la tête en bas.
La fente branchiale est oblique et peu visible car elle est camouflée par des dessins.
Il n’existe pas de dimorphisme sexuel. La couleur de fond de la livrée est extrêmement variable suivant l’humeur du poisson et l’environnement. Brun olivâtre ou grise, plus ou moins claire, elle se détache sur des signes d’écriture très imaginatifs faits de lignes et de taches bleues auxquelles s’ajoutent de petites taches noires.
Ce qui surprend c’est sa capacité à mettre rapidement à jour, tel un Poulpe (Octopus vulgaris), sa couleur de fond. Il peut rivaliser en imagination avec l’Aulostomus chinensis qui est tout aussi changeant. La nuit, de plus, le Poisson-lime gribouillé revêt un pyjama mimétique qui comporte des bandes verticales claires et foncées qui s’ajoutent aux taches et aux motifs de couleur bleue.
Éthologie-Biologie reproductive
Aluterus scriptus est omnivore. Il se nourrit d’algues et pratiquement de presque tous les invertébrés benthiques : petits crustacés, tuniciers, hydrozoaires, éponges, anémones de mer et polypes de coraux. Timide, pacifique et solitaire il est incapable de fuir devant les plongeurs qui en profitent pour faire des photos remarquables.
Pendant la période de reproduction il vit en couple ou au sein de petits groupes formés d’un mâle et de 2 à 5 femelles. Quand celles-ci s’apprêtent à pondre elles creusent de petits nids sur le fond et surveillent les œufs fécondés jusqu’à leur éclosion en chassant, aidées parfois par le mâle, les rôdeurs mal intentionnés.
Il semble que dans des eaux subtropicales la fécondation s’effectue aussi en pleine mer. Lorsqu’elles ont 5 mm les larves qui sont pélagiques laissent déjà entrevoir l’aspect des adultes.
Les juvéniles grandissent durant des mois à l’abri de débris flottants en général des algues telles que les sargasses entraînées par les courants. Ils sont jaunes et portent une succession de points noirs. Ensuite, quand ils sont longs d’environ 7 cm, la couleur jaune disparaît et la couleur noire l’emporte tandis que se forment les typiques motifs de couleur bleue.
Pour éviter d’être trop visibles les juvéniles qui ont rejoint les fonds se déplacent souvent en position verticale, la tête en bas, de manière à se confondre avec les débris végétaux partis à la dérive du fait du mouvement des vagues. Les Thons (Thunnus thynnus) et le Coryphène (Coryphaena hippurus) sont les prédateurs naturels d’Aluterus scriptus. En Australie et au Japon il est aussi pêché pour sa chair bien que dans certaines zones, suivant ce qu’il trouve sur les fonds, il puisse causer de graves intoxications alimentaires connues sous le nom de ciguatera.
En raison de son aspect insolite et de sa nage lente il est parfois présent dans les grands aquariums publics, les seuls qui puissent lui procurer des bassins d’une taille convenable et faire face aux difficultés que posent son alimentation et la qualité de l’eau.
La résilience de cette espèce est faible vu qu’il faut 1,4 à 4,4 ans pour que les populations décimées par des catastrophes puissent doubler. En 2021 sa vulnérabilité était déjà élevée et s’établissait à 68 sur une échelle de 100. Aluterus scriptus apparaît comme “LC, Least Concern“, c’est-à-dire de préoccupation minime, dans la Liste rouge de l’UICN des espèces menacées.
Synonymes
Balistes scriptus Osbeck, 1765; Monacanthus scriptus (Osbeck, 1765); Osbeckia scripta (Osbeck, 1765); Balistes laevis Bloch, 1795; Balistes liturosus Shaw, 1804; Balistes ornatus Marion de Procé, 1822; Aluteres pareva Lesson, 1831; Aluteres personatus Lesson, 1831; Aluterus venosus Hollard, 1855; Alutera picturata Poey, 1863; Alutera armata Garman, 1903.