Famille : Alopiidae
Texte © Giuseppe Mazza
Traduction en français par Michel Olivié
Les varans se servent de leur queue comme d’un fouet pour se défendre et chasser les importuns. Le Crocodile du Nil en fait même une arme pour casser d’un coup les pattes des gazelles sans méfiance qui s’approchent des cours d’eau pour s’abreuver. Il y a aussi en mer ceux qui utilisent leur queue pour chasser.
C’est le cas, par exemple, du Requin-renard commun ou Renard de mer commun (Alopias vulpinus Bonnaterre, 1788) qui appartient à l’ordre des Lamniformes, le même que celui du Grand requin blanc (Carcharodon carcharias) qui occupe la première place parmi les prédateurs du monde des poissons, et à la famille des Alopiidae qui est seulement représentée aujourd’hui par le genre Alopias qui comprend trois espèces.
Alopias vient du grec ancien “ἀλώπηξ” (alopex) qui veut dire renard, par allusion au caractère rusé de ce poisson qui a été remarqué depuis l’Antiquité par les pêcheurs qui étaient persuadés, comme l’écrit Aristote, qu’il coupait le fil au-dessus de l’hameçon pour s’échapper. Ce naturel rusé joint à la queue touffue du mammifère bien connu justifie également le nom de l’espèce vulpinus = du renard, en latin.
Zoogéographie
Le Requin-renard commun évolue pratiquement dans toutes les mers où les températures sont comprises entre 11,6 et 28,2 °C. On peut donc le rencontrer aussi en Méditerranée mais non pas par exemple en mer Rouge où l’eau atteint 33 °C ni sous les tropiques et, bien évidemment, il ne se déplace pas dans les eaux glacées des mers polaires.
Écologie-Habitat
Alopias vulpinus est une espèce pélagique océanique et migratrice qui peut descendre jusqu’à 650 m de profondeur mais qui se maintient en général entre la surface et 200 m.
Les jeunes grandissent le long des côtes, principalement dans des baies peu profondes.
Morphophysiologie
La taille maximale qui a été rapportée est de 5,73 m avec un poids de 348 kg mais sa dimension habituelle se situe autour de 4,5 m, y compris la queue qui fait plus de la moitié de la longueur du corps.
Sa tête est massive et a un museau obtus et subconique. Ses yeux sont grands, dotés d’une pupille verticale dépourvue de membrane nictitante, plus hauts que larges et suivis d’un petit spiracle. Les narines sont plus proche de la bouche que du museau. Celle-ci, en forme de demi-lune, a 40 à 42 dents sur la mâchoire supérieure et 34 à 42 dents sur la mâchoire inférieure. Elles sont toutes petites et triangulaires et ont un bord lisse. Elles sont légèrement plus grandes au-dessus. À partir de celles qui sont placées devant elles sont de plus en plus incurvées vers l’intérieur afin de retenir les proies.
Le corps est protégé par de petites écailles de 2 mm qui sont superposées et carénées pour réduire le frottement de l’eau. La livrée va du bleu argenté à une teinte gris ardoise qui est foncée sur le dos et plus claire sur les flancs.
Les cinq fentes branchiales se superposent en partie aux grandes nageoires pectorales falciformes à l’extrémité arrondie et foncées sur le côté inférieur, en particulier sur les bords, et à une zone claire caractéristique située à leur base qui débouche sur la couleur blanche du ventre.
La première nageoire dorsale qui occupe en haut et au centre une position dominante entre les nageoires pectorales et les nageoires pelviennes est triangulaire, de taille notable et se situe à côté de ptérygopodes longs et minces chez les mâles alors que la seconde nageoire dorsale et la nageoire anale ont une taille insignifiante. Le lobe supérieur très long de la spectaculaire nageoire caudale hétérocerque comporte une encoche près de son extrémité.
Comme c’est normalement le cas la température corporelle du Requin-renard commun devrait correspondre à celle du milieu mais celui-ci, comme d’autres Lamnidae peut la faire monter d’environ 2 °C à cause de la présence sur ses flancs d’un tissu musculaire strié à respiration aérobie qui se contracte en émettant de la chaleur et de muscles striés internes alimentés par ce que l’on appelle la “rete mirabilis”, un réseau de capillaires sanguins veineux entourés par des artères qui les réchauffent grâce au flux de sang plus chaud provenant du coeur.
Cette petite augmentation thermique permet un fonctionnement optimal de la vue et du cerveau mais surtout il permet aux muscles d’effectuer de fortes accélérations qui s’accompagnent de coups de queue spectaculaires et violents et des bonds hors de l’eau.
Alopias vulpinus se distingue de Alopias superciliosus, une espèce voisine, qui atteint au maximum 4,8 m et qui a un museau allongé, des yeux plus grands,une première nageoire pectorale qui se situe plus en arrière et surtout un profond sillon sur la nuque auquel s’ajoute une seconde “rete mirabilis” entre les yeux et le cerveau. Il se différencie pour finir de Alopias pelagicus, l’espèce la plus petite du genre, qui a lui aussi un museau plus allongé et dont la seconde nageoire dorsale est plus rapprochée des nageoires pelviennes.
Éthologie-Biologie reproductive
Le Requin-renard commun se nourrit principalement de calamars et de poissons qui se déplacent en bancs comme les harengs, les maquereaux et les sardines. Il les rassemble par des manoeuvres habiles, parfois en nageant en couple ou dans de petits groupes, puis les assomment à coups de queue avant enfin de les avaler tranquillement. Il ne dédaigne pas, si l’occasion s’en présente, les oiseaux de mer qui suivent les bancs à côté de la surface.
L’accouplement n’ a jamais été observé mais on suppose qu’il s’effectue comme pour d’autres requins au cours de la nage, le mâle retenant la femelle en mordant sa nageoire pectorale. Ce ne doit pas être une opération facile mais la femelle peut emmagasiner le sperme comme le font d’autres sélaciens et l’utiliser lors de la grossesse suivante.
Alopias vulpinus est une espèce ovovivipare, ce qui signifie que les oeufs éclosent dans le ventre maternel et que les embryons grandissent, une fois les réserves du sac vitellin épuisées, aux dépens des oeufs non fécondés comme c’est le cas pour Carcharodon carcharias.
Ils ne s’attaquent pas aux autres embryons comme le fait Carcharias taurus où le plus fort mange tous les autres et ne se connectent pas aux vaisseaux sanguins de la mère comme pour Sphyrna lewini.
Au final cependant la natalité du Requin-renard commun est faible avec des portées de 2 à 7 petits au maximum après une gestation d’environ 9 mois.
Quand ils voient le jour dans des lieux jugés comme sûrs et utilisés habituellement par les femelles ils mesurent de 114 à 160 cm et pèsent environ 5 à 6 kg avec une espérance de vie de 45 à 50 ans.
Les mâles parviennent à l’âge adulte vers cinq ans, quand ils sont longs d’environ 3 m, et les femelles lorsqu’elles ont sept ans et des tailles comprises suivant les secteurs entre 2,6 et 4,5 m.
Alopias vulpinus est un poisson timide qui s’éloigne à la vue des plongeurs. Il ne considère pas l’homme comme une proie et ne l’attaque pas.
Son ennemi naturel est l’Orque (Orcinus orca) qui le chasse souvent en groupe mais pour le Requin-renard commun aussi le danger le plus grand est représenté par l’homme qui le pêche sans aucun ménagement pour sa chair qui est appréciée et consommée fraîche, séchée, salée ou fumée, pour l’huile de son foie qui est riche en vitamines et pour sa peau qui est transformée en cuir.
Un massacre qui en 2006 a atteint le chiffre de 411 tonnes et a conduit à inscrire cette espèce dans la catégorie “VU, Vulnerabile” de la Liste Rouge de l’UICN.
Cela n’a rien de surprenant vu sa faible résilience, le temps minimal nécessaire au doublement de ses effectifs étant de 4,5 à 14 ans, et son indice de vulnérabilité à la pêche qui en 2022 s’établissait déjà à 62 sur une échelle de 100.
Synonymes
Squalus vulpinus Bonnaterre, 1788; Squalus vulpes Gmelin, 1789; Alopecias vulpes (Gmelin, 1789); Alopias vulpes (Gmelin, 1789); Carcharias vulpes (Gmelin, 1789); Galeus vulpecula Rafinesque, 1810; Alopias macrourus Rafinesque, 1810; Squalus alopecias Gronow, 1854; Alopecias barrae Pérez Canto, 1886; Alopecias longimana Philippi, 1902; Alopecias chilensis Philippi, 1902; Vulpecula marina Garman, 1913; Alopias caudatus Phillipps, 1932; Alopias greyi Whitley, 1937.
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