Famille : Alcedinidae
Texte © Dr. Gianfranco Colombo
Traduction en français par Catherine Collin
Une légende raconte que Noé à la fin du déluge fit s’envoler de l’Arche différents oiseaux afin qu’ils vérifient l’état de la Terre. Comme on le sait, il envoya un corbeau puis une colombe mais on parle peu d’un autre oiseau très connu, le Martin-pêcheur.
Ce petit oiseau était gris mais doté de courage et de force et lorsqu’il fut libéré, il s’envola vers le ciel montant toujours plus haut à la recherche du ciel et du soleil obscurcis pendant si longtemps. C’est ainsi qu’étant monté trop haut, son croupion se trouva coloré du bleu brillant du ciel et sa poitrine, brûlée par la proximité du soleil, devint d’un magnifique rouge brique. Les légendes et les traditions liées à l’un des oiseaux les plus colorés et les plus sympathiques du monde ailé sont très nombreuses.
Le Martin-pêcheur d’Europe ou parfois Halcyon (Alcedo atthis Linnaeus, 1758) appartient à l’ordre des Coraciiformes et à la famille des Alcedinidae, dont il est l’unique représentant dans l’avifaune européenne, un regroupement qui inclut des oiseaux présents dans le monde entier et présentant des couleurs très vives et particulièrement marquées. La principale légende qui accompagne depuis toujours ce petit oiseau est celle qui ramène à l’origine de son nom scientifique.
Dans la mythologie grecque, on raconte l’histoire d’une femme nommée Alcyone, fille d’Éoleble roi des vents et de son époux Céyx qui, parti pour un voyage en mer, se noya durant un naufrage. Épouse fidèle, chaque jour elle se rendait sur la plage où elle l’avait quitté en espérant le voir revenir mais la mer ne rapporta sur le rivage que sa dépouille. Désespérée, elle se jeta dans les eaux et se noya mais les Dieux touchés par cet acte, transformèrent son corps et celui de son époux en deux oiseaux pêcheurs. En fait, Halcyon ou Alcedo et Céyx sont les noms donnés à des oiseaux de la famille des martin-chasseurs et des martins-pêcheurs.
Toujours d’après la légende, il semble que ces oiseaux nichaient très près de la mer et leurs nids se trouvaient très souvent détruits par les flots. Les Dieux intervinrent donc, calmant les vagues pendant sept jours avant et sept jours après le solstice d’hiver, afin qu’ils puissent se reproduire. Ces jours sont dits alcyoniens et représentent idéalement une période heureuse. Par analogie, tous les jours pendant lesquels le soleil brille et le ciel est calme sont appelés alcyoniens. Des traditions plus populaires sont également liées à cet oiseau. On disait qu’avoir en poche le corps desséché d’un martin-pêcheur préservait des orages et que si on le gardait dans un endroit clos, il tenait éloigné les mites et les insectes. Enfin, une dernière référence, celle-ci au sujet de l’héraldique nobiliaire. Le Martin-pêcheur dans les armoiries représente le quatrième fils d’une Maison, faisant clairement référence à la longueur de ses courtes pattes. On disait que le quatrième fils n’avait pas les jambes assez longues pour parcourir la distance nécessaire pour atteindre les droits héréditaires du premier-né.
Le Martin-pêcheur est clairement lié au milieu aquatique et il ne s’éloigne pas des lieux humides sauf lors de ses rares déplacements saisonniers. On le voit passer rapidement à fleur d’eau, annoncé à l’avance par un trille unique mais, plus que par le son, il est surtout reconnaissable par le magnifique bleu de ses ailes.
Une flèche brillante qui en un éclair traverse notre champ de vision. Juste un éclair, mais le turquoise flamboyant de la queue et l’orangé de la poitrine n’échappent à aucun regard. Comme pour Alcedo, le nom scientifique atthis vient de la mythologie grecque et fait référence à Atthis, une très belle femme de l’île de Lesbos, favorite de la poétesse Sapho.
Toujours dans la mythologie grecque, il existait un autre personnage nommé Atthis et c’était un jeune indien très beau, fils de Limnée, nymphe du Gange.
En Europe le martin-pêcheur est appelé Common Kingfisher – en anglais, Eisvogel – en allemand, Martin-pescatore – en italien, Martín pescador común ou Alción – en espagnol et Guarda rios comum ou Pica-peixe – en portugais.
La raison pour laquelle le nom Martin est aussi répandu dans les différentes langues européennes semble provenir d’une ancienne tradition française qui parlait de cet oiseau comme étant un ami de Saint Martin, c’est pourquoi ce nom lui est resté.
En ancien jargon italien cet oiseau était aussi appelé oiseau de Sainte Marie, avec une référence claire au bleu qui imite la couleur de la tunique avec laquelle est d’habitude représentée la Madone dans l’iconographie ecclésiastique.
Zoogéographie
Le Martin-pêcheur a une aire de répartition assez vaste qui couvre presqu’entièrement l’Europe et l’Asie. Il vit également en Afrique du Nord sur les côtes méditerranéennes et le long de l’axe fluvial du Nil alors qu’il ne vit pas dans la péninsule scandinave, en Islande et dans les régions plus froides de la Russie. En Asie, il est présent au Moyen-Orient, dans le golfe Persique et dans la ceinture tempérée jusqu’au Japon.
Le sous-continent indien, la Malaisie et l’Indonésie font également partie de ses bastions. Le Martin-pêcheur est souvent sédentaire dans les aires douces et non sujettes aux fortes gelées alors qu’il est migrateur dans celles d’Asie centrale et d’Europe continentale.
Ces populations peuvent parcourir jusqu’à 3 000 km pour rejoindre leurs aires d’hivernages qui peuvent être situées en Afrique pour celles d’Europe et en Asie tropicale pour les asiatiques, zone où on assiste à une superposition des diverses populations. C’est un migrateur nocturne et solitaire. Sept sous-espèces ont été identifiées liées principalement à la couleur de la livrée, à la taille et aux aires habitées.
Écologie-Habitat
Le choix de l’habitat idéal est pour le Martin-pêcheur une question de survie puisqu’il s’adapte difficilement à d’autres habitats : il choisit des lieux avec de l’eau courante limpide, riche en poisson et insectes et des berges pentues et argileuses, bien pourvues de végétation.
La raison est simple, l’eau stagnante, même si c’est un milieu qu’il fréquente, doit être abandonnée dès les premiers froids, quand la surface commence à geler alors que l’eau courante lui donne la possibilité de prolonger plus avant dans la saison hivernale son séjour.
Il n’est pas rare de voir des martin-pêcheurs lorsque les températures sont très réduites, il suffit qu’il puisse disposer de surfaces non prises par les glaces.
L’eau doit être limpide et transparente parce que sa chasse est basée sur la possibilité de voir sous la surface les poissons et les insectes dont il se nourrit.
La richesse en proies est très importante que se soit pour sa survivance ou pour nourrir la nombreuse progéniture qu’il a chaque année. Enfin, les berges pentues avec des bords de terre et de boue sèches sont des lieux particulièrement adaptés à sa nidification particulière. On le trouve donc le long des fleuves, des lacs et des étangs, des sources et des marais avec de l’eau résurgente.
Il s’adapte aux mangroves et aux roselières mais aussi aux bassins artificiels, aux carrières et à certaines saisons, aux ports de plaisance lacustres. Le Martin-pêcheur se nourrit principalement de petits poissons dont il choisit la taille selon le besoin. Plutôt gros pour se nourrir ou pour donner à sa partenaire mais très petits ou plus grands quand nécessaire pour nourrir les petits au nid. Il capture également des grenouilles, des tritons et des larves d’insectes, en particulier des libellules dont il est très friand.
Ses méthodes de chasse sont extrêmement raffinées et pratiquées avec un maximum de précision afin de lui garantir une quasi réussite à tous les coups. Habituellement, il se positionne sur des petites branches penchées au-dessus de l’eau et attend que la proie passe dans son rayon d’action. Parfois il pratique le vol en Saint-Esprit, restant suspendu dans l’air pendant quelques instants, pendant qu’il s’assure de la présence de proies potentielles. Il calcule la profondeur, la taille de la victime, la déviation de l’image due à la réfraction de l’eau et dans un piqué époustouflant, à toute vitesse, le voilà qui plonge violemment dans l’eau et attrape sa proie.
Il plonge généralement de quelques mètres mais souvent l’eau dans laquelle il plonge a une profondeur si réduite que l’on pense que le pauvre oiseau va s’écraser au fond. Si on calcule l’impact à au moins 30 km/h, on ne parvient pas à comprendre comment il peut amortir sa chute dans moins de 10 cm d’eau. Et pourtant le splash est violent, mais le martin-pêcheur s’en sort toujours vivant et avec la proie dans le bec.
De retour à son point de départ, commencent les manœuvres pour tuer la victime, ce qu’il fait en la frappant violemment en la tenant solidement dans le bec, contre la branche où il est perché. Cette opération, particulièrement avec les gros poissons, peut s’accompagner d’un bon écaillage de la proie ou de la rupture de la carapace s’il s’agit de petits crustacés. Généralement quand il donne la becquée, il préfère ramener au nid des petits alevins ou de moelleuses larves d’insectes, passant durant la croissance des petits, à des proies plus grosses. Si l’on voit un martin-pêcheur avec un poisson dans le bec, on peut facilement comprendre le destinataire du repas. S’il est tenu par la tête cela signifie que la proie sera mangée par le chasseur lui-même, si c’est par la queue, elle servira pour donner la becquée aux petits ou bien pour en faire don à la femelle en période de cour.
Le Martin-pêcheur est un oiseau solitaire et silencieux, fortement territorial pendant la période de nidification, combattant tout envahisseur. Il le reste aussi après, chassant aussi de son territoire son ou sa partenaire, père ou mère de ses petits et sa progéniture également. L’activité diurne du Martin-pêcheur est dédiée presque entièrement à la capture de proies puisque son organisme requiert une quantité journalière de nourriture, égale à environ 60 % de son poids. Les petits en phase de croissance réussissent à ingurgiter journellement une quantité de nourriture égale à leur poids. Adultes et petits régurgitent régulièrement des pelotes qui renferment les parties non digérables et les exosquelettes des proies.
Morpho-physiologie
Le Martin-pêcheur est un petit oiseau mesurant au maximum 17 cm dont environ 5 ou 6 rien que pour le bec. Il a une envergure de 25 cm et pèse environ 30 g. Il a une forme trapue et ramassée, comme s’il n’avait pas de cou car sa tête, plutôt grosse par rapport à sa taille, est bien plantée dans le tronc. Sa queue n’est pas très évidente mais il possède, disproportionné par rapport à sa taille, un immense bec. Il possède également deux grands yeux ronds plutôt proéminents et très noirs.
Les parties supérieures du corps sont d’un bleu azur-turquoise éclatant, avec une légère moucheture noirâtre qui sur la tête forme comme une petite vague d’un bleu plus sombre. Le dessus de la queue est turquoise encore plus vif, semblable à la couleur utilisée pour peindre la Madone dans les peintures sacrées.
Ses joues et sa gorge sont blanches alors que toute la poitrine est d’un magnifique ocre-orangé. Les pattes orange vif, sont très courtes et presque invisibles quand il est en vol.
Un véritable joyau. Les sexes sont parfaitement identiques, avec comme seule distinction la mandibule inférieure qui, chez la femelle, est orangé alors qu’elle est noire chez le mâle. Les petits ont des couleurs plus ternes et moirées mais ils adopteront la livrée d’adultes avant d’avoir atteint la fin de leur première année.
Éthologie-Biologie reproductive
Dans les premiers mois du printemps les plans d’eau résonnent du sifflement de ces oiseaux qui, se poursuivant frénétiquement au fil de l’eau, cherchent à conquérir une femelle et un territoire de nidification.
Étant un oiseau très territorial, les luttes sont âpres et continues. Elles mènent à la création d’aires de nidification dont la distance entre les unes et les autres peut aller jusqu’à un kilomètre. Lors de ces phases de conquête, on voit souvent le mâle offrir à la femelle un petit poisson à peine pêché comme acte de consolidation du couple. Le cadeau accepté, les jeux sont faits !
Le nid est un trou profond creusé dans l’argile, d’une profondeur atteignant 90 cm en moyenne, au fond duquel une cavité ronde est formée dans laquelle seront pondus les œufs. Le tunnel est creusé en légère montée afin que d’accidentelles infiltrations d’eau du terrain puissent s’évacuer vers l’extérieur.
Le tunnel est creusé par les deux parents mais principalement par le mâle, avec la femelle qui parfait le travail. Il est intéressant de noter le comportement adopté par ces oiseaux durant cette période. À peine fini son tour de creusement, le Martin-pêcheur, à la sortie de la tanière, plonge immédiatement dans l’eau pour se nettoyer de la boue. Ce même comportement peut être observé chaque fois que l’un des partenaires sort du couloir lors de la becquée.
En effet, cet oiseau est extrêmement soigné et attentif à la propreté de sa magnifique livrée. Deux couvées ont lieu par an et, en de rares occasions, on peut en observer une troisième si la saison est très fructueuse. Habituellement, de 5 à 10 œufs sont pondus et une partie de la ponte est abandonnée dans le nid à cause de l’impossibilité matérielle de couvrir tous les œufs lors de l’incubation. Les œufs sont très blancs et brillants, de forme plutôt arrondie. Les couples ne restent ensemble que la saison de nidification et les partenaires changent immanquablement d’année en année. L’incubation est effectuée par les deux parents et dure environ 22 jours. Les petits vont mettre encore 4 semaines avant de quitter le nid et d’être autonomes. Le même nid est souvent utilisé pour les différentes couvées de l’année et, exceptionnellement, pendant plusieurs années.
Le Martin-pêcheur est un oiseau délicat mais fort, avec une structure corporelle très résistante. Il peut rester plusieurs jours sans manger mais doit avoir la présence d’esprit de quitter les lieux qu’il fréquente avant que la surface des eaux ne gèle à l’improviste lui interdisant toute possibilité d’attraper des proies. La décision de partir doit être prise avant que l’oiseau ne s’affaiblisse trop, pouvant se trouver ainsi dans l’impossibilité d’entreprendre de longs trajets. Ceci est en fait la principale cause de mortalité des jeunes encore inexpérimentés. Son espérance de vie est plutôt bonne et elle peut atteindre 20 ans même si dans la nature son espérance de vie moyenne n’est que de 10 ans.
Synonymes
Gracula atthis Linnaeus, 1758.
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