Adonis annua

Famille : Ranunculaceae


Texte © Dr. Salvatore Cambria

 

michel.gif
Traduction en français par Michel Olivié

 

Adonis annua

Espèce désormais rare et irrégulière Adonis annua a suivi les cultures de céréales dès l’origine © Giuseppe Mazza

Adonis annua L. est une petite plante herbacée appartenant à la famille des Ranunculaceae qui est l’une des plus riches et des plus diversifiées des régions tempérées et froides de l’hémisphère Nord où elle peut parfois constituer l’élément dominant de la flore vasculaire.

Cette espèce a été décrite par Linné en 1753 dans son célèbre ouvrage Species Plantarum qui est considéré comme un point de départ fondamental de la nomenclature botanique moderne.

Le nom du genre vient d’Adonis (en grec Adonis), un personnage de la mythologie grecque  personnifiant la Beauté par antonomase.

Le mythe raconte que Vénus et Perséphone s’étaient éprises de lui ce qui amena Zeus à décider que le jeune homme passerait avec chacune d’elles quatre mois par an et les quatre autres mois avec celle de son choix.

Mais Adonis montra sa préférence pour Vénus aussi pendant les mois demeurés libres ce qui provoqua la colère de Perséphone qui lança contre lui un sanglier. Celui-ci le blessa mortellement  et le sang qui s’échappa du malheureux donna naissance à la plante.

L’épithète de l’espèce fait, quant à lui, référence à la durée de son cycle végétatif.

Elle est connue sous différents noms vernaculaires employés localement comme par exemple Adonide annua (Italie), Fior d’Adone, Ranuncolo de’grani (Toscane), Paparinedda (Sicile), Paparinicchia di ventu, Papariniccia russa, Russulidda, Testa di turcu (Sicile, Avola), Pheasant’s eye, red Morocco, rose-a-ruby, soldiers-in-green (Grande-Bretagne), Adonis d’automne, Adonis goutte-de-sang ( France), etc…

C’est une plante annuelle ou parfois bisannuelle, haute de 10 à 60 cm (70 cm au maximum), aux   fleurs solitaires éclosant entre avril et juin et en général glabre à l’exception de certaines parties de la tige et des feuilles.

La tige est droite, anguleuse, ramifiée et a de courts poils glanduleux dans sa partie inférieure. Les feuilles basales et caulinaires présentent certaines différences morphologiques. Les premières, en effet, sont plus grandes, dotées d’un pétiole,  subdivisées en segments constitués de lanières très minces et courtes, linéaires et mucronées. Les feuilles caulinaires sont plus petites, tournées vers le haut, sessiles et légèrement recouvertes d’une faible pilosité.

Les fleurs, comme chez la plupart des Ranunculaceae, présente des caractères primitifs au niveau de l’évolution.

Elles sont en effet actinomorphes, c’est-à-dire qu’elles se caractérisent par différents plans de symétrie en rayons. La corolle est de ce fait symétrique par rapport à un point central de sorte que tous les plans de symétrie (plus de 2) passent par lui. Le périanthe est formé de deux verticelles séparés en sépales et en pétales.

Adonis annua

Menacée avec les coquelicots par les désherbants et la sélection des semences on peut encore la trouver à leur côté dans des cultures anciennes comme ce champ d’orge © Giuseppe Mazza

Les sépales, au nombre de 5, sont éphémères, poilus de façon variable, tournés vers le bas, d’une longueur égale aux deux-tiers des pétales et ont une forme ovée-lancéolée ou sous-arrondie. Les pétales sont au nombre de 5 à 8 (10 au maximum) et forment une corolle concave d’un diamètre de 15 à 30 mm. Ils ont un couleur rouge vif (souvent avec une tache noirâtre à leur base) et une forme lancéolée-spatulée alors que leur bord est entier ou légèrement émarginé. L’androcée est composé de nombreuses étamines, courtes, en forme de spirale, aux filaments libres et aux anthères noirâtres.

Le fruit est un polyakène indéhiscent issu d’un ovaire comportant de nombreuses carpelles. L’infrutescence forme une sorte d’épi qui s’étale à maturité et est constitué à la fin d’akénes simples, piriformes, de 3,5 à 5,5  mm (3 au minimum et 6 au maximum) et au bec généralement droit. C’est précisément la morphologie du fruit qui constitue un caractère diacritique pour la différenciation d’espèces voisines comme Adonis microcarpa DC.  Cette dernière ne se distingue en effet que par son akène qui comporte une gibbosité située près du bec et par son bec vert foncé ou noirâtre à l’extrémité.

Adonis annua

Présente dans la zone euro-méditerranéenne jusqu’à 1500 m sur des sols calcaires ou crayeux, c’est une plante herbacée annuelle ou bisannuelle qui peut atteindre 70 cm © Giuseppe Mazza

En général les caractères de l’akène qui sont les plus importants pour l’identification des différentes espèces du genre Adonis sont : 1) le bec qui est formé du style souvent de la même couleur que l’akène mais aussi noirâtre (comme c’est le cas pour Adonis microcarpa) 2) la crête qui peut être présente ou non. Elle peut être constituée d’une excroissance épineuse ou peu visible ou parfois d’une succession continue de reliefs superficiels bien apparents et comporter des dents 3) la dent dorsale qui est généralement constituée de la crête ou de ce qui en reste 4) la bosse qui est absente chez certaines espèces et qui est une excroissance sur le côté du ventre à environ la moitié de l’akène ou plus haut.

À l’intérieur de Adonis annua on a identifié au moins trois sous-espèces : subsp. annua, subsp. cupaniana (Guss.) Steinb. et subsp. castellana (Pau) Steinb.

Adonis annua

La fleur, rouge comme le sang d’Adonis dans la mythologie grecque, a 5 sépales caducs tournés vers le bas et 5 à 8 pétales qui forment une corolle large de 15 à 30 mm © Giuseppe Mazza

La sous-espèce type (subsp. annua) est caractérisée par des sépales glabres, des akènes longs de 4 à 5,5 mm et par une faible pilosité dans la partie basse de la tige. La subsp. cupaniana se différencie par le fait qu’elle est totalement glabre et qu’elle a des sépales qui ont des poils courts à leur base. Enfin la subsp. castellana est velue-laineuse, même en partie haute, et a des sépales qui comportent de longs poils fins en partie basse.

L’aire de répartition totale de cette espèce est très vaste et s’étend à toute la zone euro-méditerranéenne. Elle inclut par conséquent l’Europe de l’Ouest, du Sud et de l’Est, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient.

Les sous-espèces annua et cupaniana sont en particulier présentes dans une grande partie de la zone citée ci-dessus alors que la subsp. castellana est propre à l’Espagne et à la France.

Adonis annua

Belle mais toxique pour l’homme et le bétail, c’est une plante très vénéneuse comme la Digitale à laquelle elle est souvent associée dans ses applications médicales © Giuseppe Mazza

Cette espèce existe dans presque toutes les régions d’Italie mais elle est désormais rare et irrégulière. Selon de nombreux auteurs il s’agit d’une plante qui a été introduite anciennement et qui est arrivée avec les cultures céréalières (archéophyte) tout comme les coquelicots. Cette espèce, en effet, a suivi la culture des céréales depuis l’origine : si elle était autrefois un élément caractéristique de nos paysages ruraux avec ses fleurs rouges éclatantes elle a aujourd’hui  presque totalement disparu à cause des techniques agricoles modernes.

Cette espèce colonise des habitats ouverts et souvent perturbés par les activités anthropiques, tels que des prairies en friche et des zones agricoles (en particulier celles qui sont utilisées pour la culture des céréales).

Elle pousse de 0 à 1500 m d’altitude et a une préférence pour les sols calcaires ou crayeux. La production de graines n’est pas en général très élevée mais concourt à la formation dans le sol d’une réserve de semences qui demeurent longtemps viables (le seed bank).

Adonis annua

L’infrutescence forme une sorte d’épi. La forme caractéristique du fruit permet de la distinguer d’espèces voisines. Les graines peuvent attendre dans le sol, même longtemps, le moment le plus favorable pour la germination © Giuseppe Mazza

Aujourd’hui cette plante est en régression, surtout dans les cultures à cause de l’agriculture intensive et de l’usage inconsidéré de désherbants mais aussi de la sélection de semences céréalières.

Sur le plan phytosociologique cette espèce fait partie des communautés végétales se rapportant à la classe Papaveretea rhoeadis dans laquelle ont été classées les biocénoses annuelles, invasives et héliophiles qui colonisent les champs de céréales.

Dans ces milieux Adonis annua pousse souvent en association avec d’autres espèces végétales invasives telles que Papaver rhoeas, Papaver dubium, Agrostemma githago, Anagallis arvensis, Anthemis arvensis, Asperula arvensis, Avena barbata, Calendula arvensis, Glebionis segetum, Gladiolus segetum, Legousia falcata, Rhaphanus raphanistrum, Scandix pecten-veneris, Sherardia arvensis, Sinapis arvensis, Vicia sativa, etc…

C’est une plante toxique pour l’homme et le bétail car elle contient des principes actifs comme l’adonite et l’adonidine qui la rendent fortement vénéneuse.

Autres principes chimiques présents : des cardénolides tels que la cirnarine, l’adonitoxine, des flavonoïdes, des cholines, des phytostérols, des résines, etc…

Certains de ces principes actifs sont employés pour leur effet sédatif central, le traitement des  tachycardies et des extrasystoles d’origine nerveuse ou comme agent antagoniste des effets convulsivants provoqués par l’ingestion de cocaïne ou de picrotoxine.

Au final cette espèce est jugée similaire à la Digitale quant à ses applications médicales et elle est souvent intercalée ou associée avec elle. Des pétales on extrait l’astaxanthène,, un caroténoïde rouge-orangé qui contient trois éléments : l’hydroxyechinenon, l’adonirubine et l’adonixanthine.

Cette espèce est rarement cultivée en raison de ses petites dimensions et de son court cycle biologique. Elle préfère en général les sols alcalins, voire argileux, mais pas trop lourds, et les expositions bien ensoleillées. On peut la cultiver à partir de ses graines qui peuvent être semées à n’importe quel moment depuis la fin de l’été jusqu’au milieu du printemps bien qu’en général un semis plus précoce soit à considérer comme préférable.

Synonyme : Adonis autumnalis L. (1762)

 

→ Pour apprécier la biodiversité au sein de la famille des RANUNCULACEAE cliquez ici.