Famille : Acipenseridae
Texte © D. Sc. Giuliano Russini – Biologiste Zoologiste
Traduction en français par Serge Forestier
Les membres de la famille des Acipenseridés (Acipenseridae) appartiennent à l’ordre des Acipensériformes (Acipenseriformes), à la sous-classe des Chondrostéens (Chondrostei), à la classe des Actinoptérygiens (Actinopterygii).
Ces espèces, au comportement mystérieux, sont les plus grands poissons des eaux douces continentales ou des eaux saumâtres, étant donné qu’ils peuvent souvent vivre à l’embouchure ou dans les estuaires des rivières.
Ces animaux sont réputés pour leur chair très estimée et pour leurs œufs, à partir desquels on prépare le caviar, un mets délicieux, plus ou moins précieux selon l’espèce. L’intérêt gastronomique des hommes envers ce groupe est malheureusement la principale cause de la raréfaction de toutes ses espèces, sous-espèces et races.
Depuis une trentaine d’années, on essaye d’endiguer et de stopper ce problème au moyen de méthodes de pisciculture ou d’élevage de poissons pour les espèces les plus demandées, avec plus ou moins de succès, comme cela est d’ailleurs le cas pour d’autres espèces de poissons.
L’UICN considère néanmoins comme menacées toutes les espèces de cette famille, et certaines, à la limite de l’extinction, apparaissent sur la liste rouge des espèces en voie de disparition. Ces dernières coïncident exactement avec celles pêchées pour obtenir le meilleur caviar à partir des femelles. Il s’agit du Béluga (Huso huso), également connu sous les noms de grand esturgeon ou béluga européen, à partir des femelles duquel on obtient, après salage, le caviar noir, le plus prisé, également appelé “véritable caviar”, et de l’esturgeon d’Europe (Acipenser sturio), à partir duquel on obtient un caviar plus rougeâtre, à ne pas confondre avec le caviar rouge typique des saumons, de faible valeur, appelé à juste titre “faux caviar”, mais qui dispose cependant d’un marché prospère, en particulier en Asie. De plus, on utilise la vessie natatoire de ces deux espèces, ainsi que celle des autres espèces apparentées à la famille des Acipenseridae, à des fins techniques, telles que la clarification du vin. La capture de ces poissons se fait au moyen d’ “éperviers” et de “trémails” très robustes, compte tenu de la force, de la taille et du caractère tenace qui les caractérisent. Aujourd’hui, la zoologie reconnaît les espèces suivantes d’esturgeon :
Le Béluga ou Béluga européen ou Grand esturgeon (Huso huso Linnaeus, 1758)
L’Esturgeon de Güldenstadt appelé également Esturgeon du Danube ou Osciètre (Acipenser güldenstädti Brandt, 1833), dont il existe trois sous-espèces ou races : Acipenser güldenstädti güldenstädti Brandt, 1833 (bassin occidental de la Mer Caspienne); Acipenser güldenstädti persicus Borodin, 1897 (bassin méridional de la Mer de la Caspienne); Acipenser güldenstädti colchicus Marti, 1940 (Mer Noire, Moldavie).
L’Esturgeon de Naccari ou Esturgeon de l’Adriatique (Acipenser naccarii Bonaparte, 1834-41), Mer Adriatique.
L’ Acipenser nudiventris Lovetzky, 1828, Mer d’Aral.
Le Sterlet ou Esturgeon du Danube (Acipenser ruthenus Linnaeus, 1758), Danube.
Le Sevruga ou Esturgeon étoilé (Acipenser stellatus Pallas, 1771), Mer Caspienne et Mer Noire.
L’Esturgeon d’Europe (Acipenser sturio Linnaeus, 1758)
Parfois, des croisements spontanés, connus sous des noms populaires particuliers, se produisent à partir de différentes espèces d’esturgeons. En Russie, depuis l’époque de l’ancienne URSS, de tels hybrides sont produits artificiellement par des biologistes ichtyologues ; prévalent sur les espèces pures en ce qui concerne la croissance et la biologie des populations, ils sont souvent introduits dans les étangs pour le repeuplement.
Dans ce texte, nous allons traiter de l’esturgeon d’Europe. Les autres espèces seront traitées dans les textes qui leur sont dédiés.
Zoogéographie
Acipenser sturio est localisé sur les côtes d’Europe, du Cap Nord à la Mer Noire, à travers la Méditerranée, dans l’Atlantique Nord ainsi que sur les côtes américaines. Dans la mer Baltique, les lacs Onega et Ladoga et le long des côtes de Sibérie.
Le long des côtes italiennes, on le trouve à la fois en Méditerranée et dans les Mers Tyrrhénienne et Adriatique où, comme dans d’autres mers, profitant de ses caractéristiques “euryhalines”, il remonte les embouchures et les estuaires de différents fleuves, comme le saumon, étant une espèce “anadrome”.
Écologie-Habitat
Toutes les espèces de ce groupe, tout comme l’esturgeon d’Europe, mènent une vie isolée, solitaire et très mystérieuse en raison des habitudes qui les caractérisent, encore partiellement inconnues des biologistes ichtyologues.
En eau douce où elles se reproduisent, elles ont tendance à vivre sur les fond graveleux et caillouteux, où elles sont constamment en mouvement et fouillent la boue et le gravier de leur long museau en quête de leur nourriture, constituée par la faune du fond : crustacés, mollusques et annélides. Le même comportement se produit en mer. De petits poissons de fond, comme, dans une zone de la Mer du Nord (Wattenmeer), les membres du genre Ammodytes, sont parfois leur proie.
Morphophysiologie
Les membres de la famille des Acipenseridae ont des traits morphologiques communs. Ce sont, en fait, des poissons élancés, de dimensions considérables, pourvus de toutes les nageoires. La nageoire caudale est hétérocerque, c’est à dire asymétrique, avec l’axe de la colonne vertébrale qui se courbe vers le lobe dorsal, qui devient plus grand que le ventrale. Le lobe supérieur ou dorsal, présente un bord dorsal plus épais. La nageoire dorsale est orientée vers la queue, et commence immédiatement avant la nageoire anale. Le corps présente cinq lignes longitudinales formées par des plaques osseuses, la tête est recouverte par des formations osseuses analogues. Le museau est plus ou moins allongé. La bouche, ventrale, édentée, est une fente transversale ou semi-lunaire, aux lèvres charnues. Avant la bouche, sur la partie inférieure du museau se trouvent quatre barbillons. La bouche est en forme de trompe protractile ; il n’y a pas de dimorphisme sexuel, si ce n’est une petite différence de taille en faveur des mâles.
Plus particulièrement, chez l’Esturgeon d’Europe (Acipenser sturio), il y a de 10 à 13 plaques dorsales, avec une protubérance centrale et des épines chez les spécimens jeunes, de 24 à 40 plaques latérales et de 11 à 13 plaques ventrales. La longueur du museau est la moitié de celle de la tête ; la bouche, protractile et presque quadrangulaire, mesure environ les 2/3 de la largeur du museau ; les barbillons sont de section ronde, non effilochés. La lèvre inférieure est incisée.
Le dos est de couleur bleu-gris à verdâtre, les flancs sont gris argenté, le ventre blanchâtre ; Ici, les plaques sont plus pâles. Les nageoires pectorales ont un rayon robuste. Il atteint 3 m de longueur (rarement 6 m) et atteint largement plus de 200 kg. Dans la nature, les mâles vivent jusqu’à 60-65 ans, les femelles jusqu’à 100-120 ans !
Éthologie
Biologie reproductive
L’espèce est anadrome. La remontée des fleuves se produit en avril-mai et la reproduction en juin-juillet. La reproduction est ectopique : les œufs sont fécondés extérieurement par le sperme.
La ponte a lieu dans les zones profondes du lit des fleuves, au courant impétueux. Le nombre d’œufs pondus est de 400 000 à 2 400 000 !
L’éclosion a lieu 3 à 5 jours après la fécondation. En ce qui concerne le séjour des jeunes en eau douce, les données sont contradictoires : dans l’Eider et l’Elbe (deux rivières d’Europe centrale, prenant respectivement leur source en Allemagne, et en République tchèque) les individus dans leur première ou deuxième année sont encore nombreux, ainsi que ceux pesant de 500 g à 1 kg. Les plus petits spécimens, capturés en mer, mesurent, en moyenne, 100 cm ou plus.
Pendant la période de reproduction, les poissons ne restent pas très longtemps dans le fleuve. Dans le lac Ladoga (le plus grand lac d’Europe, dans le nord-ouest de la Russie d’Europe, à la frontière avec la Finlande, dans l’ “Oblast” de Leningrad ; l’ “oblast” est une subdivision administrative typique de la Russie) il existe une forme dulçaquicole fixée.
En termes d’importance économique, on peut maintenant dire qu’en Europe occidentale, ce poisson est devenu assez rare, puisque les grands bancs d’esturgeons observables à la fin du XIXe siècle, se sont grandement raréfiés, en raison de la surpêche à laquelle ils ont été soumis, des pollutions industrielles et urbaines des eaux douces et marines côtières, ainsi que des barrages hydrogéologiques, etc.
Dans la région de l’Elbe, en Saxe, Allemagne, en 1890, 2800 pièces ont été capturées, en 1918, seulement 34, et actuellement, seuls quelques spécimens vivent encore dans les eaux douces. Les captures sont encore très fréquentes en Mer Noire, où, maintenant, ce poisson a une importance considérable dans l’industrie locale de la pêche. Cette espèce a un indice de vulnérabilité de 88 sur une échelle de 100.
Synonymes
Accipenser attilus Rafinesque, 1820; Acipenser ducissae Duméril, 1870; Acipenser fitzingerii Duméril, 1870; Acipenser hospitus Krøyer, 1852; Acipenser laevissimus Duméril, 1870; Acipenser latirostris Parnell, 1831; Acipenser milberti Duméril, 1870; Acipenser nehelae Duméril, 1870; Acipenser podapos Duméril, 1870; Acipenser sturioides Malm, 1861; Acipenser valenciennii Duméril, 1870; Acipenser yarrellii Duméril, 1867; Sturio vulgaris Rafinesque, 1810.
→ Pour des notions générales sur les poissons cliquer ici