Texte © Prof. Pietro Pavone
Traduction en français par Michel Olivié
La famille des Magnoliaceaedoit son nom au genre Magnolia attribué par Charles Plumier (1646-1704), en 1703, à une plante qu’il avait récoltée dans l’île de la Martinique et dédiée à Pierre Magnol (Montpellier, 1638-1715), médecin et botaniste Français, directeur du jardin botanique de Montpellier.
Des méthodes de datation moléculaire montrent que les Magnoliaceaesont apparues il y a entre environ 104 et 112 millions d’années. Les restes fossiles de fleurs, de fruits et de graines du genre éteint Archaeanthus retrouvés dans la formation Dakota du Kansas (États-Unis) et en particulier les examens de l’anatomie du péricarpe qui a été observée au microscope optique, à la lumière polarisée et au microscope électronique laissent supposer que ce genre pourrait être l’ancêtre direct des Magnoliaceae. Une autre preuve est fournie par l’observation des feuilles quadrilobées, peu communes chez les plantes à fleurs, du genre Liriodendron qui sont très similaires à celles du genre fossile Liriophyllum.
Des découvertes de fossiles prouvent également que les Magnoliaceaesont originaires de l’Amérique du Nord (Groenland, île du Spitzberg, Alaska) et que de là elles ont migré en Europe et en Asie. Au cours de différentes étapes durant l’Éocène (il y a entre 33,9 et 55,8 millions d’années) elles se sont éteintes en Europe (Yulania existait encore il y a moins de 2 millions d’années) et dans une partie de l’Amérique du Nord.
Leur migration à la fin du Mésozoïque vers le Sud de l’Amérique et de l’Asie et leur diminution dans les territoires précédemment colonisés, puis leur disparition à cause des glaciations et en partie de la dérive des continents, ont entraîné la diversification des espèces méridionales et la formation des deux aires de répartition séparées actuelles de cette famille qui du fait des bouleversements évoqués ci-dessus ne sont pas leur milieu d’origine.
Actuellement les deux tiers des espèces de cette famille se situent entre l’Asie tempérée et l’Asie tropicale jusqu’à la Nouvelle-Guinée alors que les espèces restantes, dont le nombre tend à s’accroître à la suite de nouvelles études, se trouvent en Amérique depuis la partie Est de l’Amérique du Nord jusqu’au Sud du Brésil et colonisent également les hautes montagnes (jusqu’à 3.400 m). En effet de récentes explorations botaniques au Mexique, en Amérique centrale, en Équateur et au Pérou ont conduit à la découverte de nouvelles espèces, ce qui a fait de ces territoires des sites de haute diversité qui possèdent de nombreuses espèces endémiques en raison de leur isolement géographique (spéciation allopatrique).
Ceci démontre que les Magnoliaceae, grâce à leur grande capacité d’adaptation, ont pu coloniser des territoires aux climats très différents, de froids à très chauds et vice versa. Les actuelles espèces à feuilles caduques des régions tempérées proviennent en effet d’ancêtres sempervirents des zones chaudes et tempérées de l’Est de l’Himalaya.
La famille des Magnoliaceaeregroupe plus de 300 espèces ligneuses, caduques ou sempervirentes et présente de nombreux caractères primitifs. L’appareil végétatif a une croissance monopodiale (c’est-à-dire avec un seul axe principal) ou sympodiale (avec de nombreuses branches latérales à l’axe principal) et un tronc caractérisé par des éléments conducteurs du bois (trachées et trachéides) comportant des mouchetures semblables à celles des conifères.
Les feuilles sont simples, moyennes ou grandes, entières ou comportant de 2 à 10 lobes, disposées en spirale, persistantes ou caduques et possèdent de grandes stipules. La bordure foliaire est entière ( lobée chez Liriodendron) et habituellement de couleur bleu vert en partie inférieure.
Les fleurs sont voyantes, dotées d’une symétrie rayonnée, bisexuées, rarement unisexuées, terminales ou pseudo-axillaires sur une courte branche axillaire (brachyblastes) et ont une bractée caduque ou plus. L’involucre externe de la fleur (le périgone) est formé de de 6 à 18 tépales pétaloïdes, caducs, libres et disposés en général en forme de spirale.
Les fleurs des Magnoliaceaesont grandes et robustes parce que, vu qu’elles se sont formées avant l’apparition des hyménoptères, elles sont pollinisées par les coléoptères. Ceux-ci visitent les fleurs pour se nourrir (pollen), pour s’y accoupler et s’y abriter grâce à la température agréable qu’ils y trouvent.
Les stigmates mûrissent avant les anthères (les fleurs sont protérogynes). Les étamines sont nombreuses, libres, spiralées et situées des deux côtés du réceptacle. Les anthères sont déhiscentes longitudinalement. Les carpelles (des feuilles modifiées qui produisent les ovules) sont nombreux, de 20 à 200, apocarpiques ou syncarpiques et spiralés. Le gynécée est en général sessile et comportent des carpelles libres indépendants les uns des autres et situés sur le réceptacle qui est en forme de cône. Les ovules sont nombreux, rarement réduits à un seul.
Les fruits sont secs, déhiscents grâce à une fente du carpelle (des follicules) mais indéhiscents chez Liriodendron. Les graines sont au nombre de une ou plus par carpelle, grandes, de couleur vive (excepté le Liriodendron) et pendent dans les carpelles déhiscents. Leur dispersion est assurée par les oiseaux (dispersion ornithochore). Cette famille est caractérisée par des chromosomes de petite taille avec un nombre de base x = 19. Les espèces des zones tempérées sont polyploïdes.
La famille des Magnoliaceaeest considérée comme primitive à cause de ses feuilles qui sont simples, dotées d’une disposition alternée en spirale, de ses fleurs aux nombreux éléments indifférenciables à symétrie rayonnée et eux aussi spiralés et des carpelles disposés en forme de cône sur un réceptacle en formant une infrutescence qui ressemble beaucoup aux restes fossiles vieux de plus de 100 millions d’années.
La systématique de cette famille a été modifiée au cours des années et donne lieu encore à beaucoup de controverses. Certains auteurs attribuent à cette famille 12 genres alors que d’autres la divisent en deux sous-familles : Magnolioideaeavec les genres Dugandiodendron, Magnolia, Michelia, Champaca, Liriopsis, Talauma et Liriodendroideaeavec uniquement le genre Liriodendron. D’autres encore considèrent que le genre Liriodendron est indépendant et que le genre Magnolia est paraphylétique avec les genres Alcimandra, Aromadendron, Dugandiodendron, Manglietiastrum, Parakmeria et Talauma. Le genre Michelia comprend Paramichelia et Tsoongiodendron. La branche basale de l’arbre phylogénétique du genre Magnolia est Talauma qui pourrait conserver son statut générique mais tous les botanistes ne sont pas d’accord.
La Magnolia Society International divise le genre Magnolia en trois sous-genres et 12 sections : 1) le sous-genre Magnolia avec les sections Magnolia, Gwillimia, Talauma, Mangletia, Kmeria, Rytodospermum, Auriculata et Macrophylla 2) le sous-genre Yulania avec les sections Yulania et Michelia 3) le sous genre Gynopodium avec les sections Gynopodium et Mangletiastrum.
Dans ce texte nous préférons nous en tenir à ce qu’indique la “The Plant List” (2020) qui attribue à cette famille les genres suivants qui sont définis sur le plan taxonomique : Liriodendron,Yulania, Dugandiodendron, Magnolia, Michelia, Sphaerostema et Talauma.
Différentes espèces de cette famille sont utilisées comme bois de charpente pour la construction d’habitations ou pour la menuiserie, l’ébénisterie, la fabrication de poutres et de planchers ou bien comme ustensiles de cuisine. Magnolia stratifolia Little a un bois qui n’est pas très dur et qui a un aubier blanc et un coeur de couleur vert/gris jaunâtre. Magnolia officinalis Rehder § E.H. Wilson et M. champaca (L.) Baill. ex Pierre produisent dans leurs écorces des substances utilisées dans la pharmacopée traditionnelle et moderne.
L’écorce de Magnolia mexicana DC. est employée depuis le XVIe siècle pour stimuler le système nerveux, fortifier le coeur et l’estomac et combattre la stérilité féminine. L’écorce de Magnolia grandiflora a des propriétés toniques et fébrifuges. Des extraits de ses fleurs sont anti-oxydants et ont un effet inhibiteur sur la formation de mélanine en bloquant les cellules cancéreuses du mélanome. Des fleurs de M. champaca on extrait des huiles essentielles utilisées dans l’industrie cosmétique pour la production de parfums et dans le domaine de l’herboristerie comme anti-douleur, anti-inflammatoire, pour soigner les maux de tête, l’anxiété, le stress et les rhumatismes. Les feuilles de Magnolia obovata Thunb. ont une action anti-microbienne et anti-oxydante.
Beaucoup de magnolias sont cultivés aussi pour la beauté de leurs fleurs et de leur port. Les Chinois, depuis le VIIe siècle, cultivent dans les jardins des temples Magnolia denudata Desr. car ils la considèrent comme un symbole de pureté. Les fleurs de M. champaca étaient portées dans les temples et les femmes s’en servaient pour orner leurs cheveux.
Dans les parcs et les jardins on cultive différentes espèces comme la M. grandiflora citée plus haut qui se caractérise par des fleurs solitaires, grandes, blanches et très parfumées. M. stellata, originaire du Japon, a des fleurs blanches et parfumées et des feuilles caduques, brillantes, de couleur verte et jaune bronze en automne. M. glauca, originaire de l’Amérique, a des fleurs en forme de tulipe, de couleur blanc crème et parfumées.
L’hybride interspécifique Magnolia x soulangeana, très répandu en Europe et aux États-Unis, a été créé en 1820 par le jardinier français Étienne Soulange-Bodin en croisant Magnolia denudata Desr. avec Magnolia liliiflora Desr. C’est un petit arbre aux feuilles caduques et aux fleurs précoces et grandes dont la couleur est variable : blanc , rose et jusqu’au violet. On connaît et on cultive à partir de cet hybride plus d’une centaine de variétés.
Magnolia figo (Lour.) DC. est cultivé dans les jardins pour ses fleurs parfumées (“banana shrub” en anglais à cause son parfum caractéristique de banane) d’un diamètre d’environ 4 cm et pour ses feuilles coriaces et brillantes longues de 8 à 12 cm.
Magnolia kobus DC. Est un arbuste au feuillage caduc, plutôt rustique, aux feuilles ovales longues jusqu’à 15 cm et aux fleurs blanches, souvent teintées de rose, qui apparaissent au printemps avant les feuilles. Les graines forment des grappes qui s’ouvrent en automne et attirent les oiseaux à cause de leur couleur rouge.
Magnolia virginiana L. est un arbre ornemental cultivé dans les jardins pour ses fleurs éclatantes et parfumées, son feuillage attrayant et sa croissance rapide. Cette espèce, connue à l’origine sous le nom de Magnolia glauca (L.), fut la première à être introduite en Europe grâce au botaniste et missionnaire anglais John Baptist Banister (1654-1692) qui, après l’avoir récoltée en 1678 en Virginie (États-Unis), l’envoya à l’évêque de Londres Henry Compton ((1632-1713).
Magnolia macrophylla Michx., originaire du Sud-Est des États-Unis et de l’Est du Mexique, a été introduite en Europe en 1800. C’est une plante très particulière du fait des grandes dimensions de ses feuilles longues jusqu’à 80 cm et larges jusqu’à 30 cm et de ses fleurs séparées elles aussi très grandes. À cause de la récolte illégale de cette espèce dont l’aire de répartition est petite elle est menacée d’extinction dans la nature.
En Italie, en particulier dans la région du centre Nord, la culture du Tulipier de Virginie (Liriodendron tulipifera L.) est très répandue en raison de son allure élégante et de ses fleurs qui ressemblent à des tulipes. Dans le parc de la villa Besana à Sirtori ( Lecco) il existe huit spécimens de L. tulipifera. L’un d’eux, avec ses 52 m de haut et ses 5 m de circonférence, comme attesté par le Corpo Forestale dello Stato, peut être considéré comme étant l’un des arbres les plus hauts d’Italie. Une autre espèce qui fait beaucoup d’effet dans les jardins est la Magnolia obovata Thunb. et ce à cause de ses fleurs rouges-violacées à l’extérieur et presque blanches à l’intérieur qui apparaissent au début du printemps peu avant les feuilles.
Dans la nature la surexploitation pour le bois et les usages médicinaux des Magnoliaceaeavec pour conséquence la destruction de leurs habitats sont des motifs de graves préoccupations pour leur survie. Selon la liste rouge de l’IUCN (The International Union for Conservation of Nature’s Red List of Threatened Species) beaucoup d’espèces de la famille des Magnoliaceaesont en danger d’extinction. Les dirigeants devraient prendre sérieusement en considération les études de cet organisme international et mettre en oeuvre toutes les mesures de conservation et de protection nécessaires.
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