Cistaceae


Texte © Prof. Paolo Grossoni

 


Traduction en français par Jean-Marc Linder

 

La famille des Cistacées, incluse dans l'ordre des Malvales, tire son nom du genre Cistus. Ce sont souvent des plantes typiques du maquis méditerranéen, des garrigues suite à un incendie et des prairies incultes. Ici Cistus albidus avec les pétales ridés caractéristiques. C'est une plante exigeante qui nécessite des sols calcaires.

La famille des Cistaceae, incluse dans l’ordre des Malvales, tire son nom du genre Cistus. Ce sont souvent des plantes typiques du maquis méditerranéen, des garrigues après un incendie, et des prairies incultes. Ici Cistus albidus aux pétales ridés caractéristiques. Cette plante exigeante demande des sols calcaires © Giuseppe Mazza

La classification APG IV (The Angiosperm Phylogeny Group, 2016, Botanical Journal of the Linnean Society, 181(1) : 1-20), quatrième mise à jour de la classification des Angiospermes basée sur des méthodes phylogénétiques moléculaires, classe les Cistaceae dans l’ordre des Malvales Dumort. (1829). Cet ordre d’Eu-Dicotylédones, ou ‘Dicotylédones vraies’, regroupe des espèces dont les plantes produisent des grains de pollen ‘tricholpés’, c’est-à-dire dont la surface extérieure est marquée par trois sillons méridiens (‘colpus’).

Grâce à l’analyse moléculaire, on a pu confirmer que ce caractère était génétiquement présent de manière constante chez les plantes de la plupart des familles traditionnellement incluses dans les Dicotylédones.

Bien que la Méditerranée en soit le berceau, on trouve parmi les Cistacées de nombreuses espèces américaines, dont ce Crocanthemum canadense. Comme d'autres dans cette famille, cette herbacée vivace incline les étamines sur le côté à l'arrivée d'un insecte pollinisateur : cela le charge mieux en pollen, et dégage le stigmate à l'attention d'autres pollinisateurs.

Bien que la Méditerranée en soit le berceau, on trouve parmi les Cistaceae de nombreuses espèces américaines, dont ce Crocanthemum canadense. Cette herbacée vivace incline les étamines sur le côté à l’arrivée d’un insecte pollinisateur : cela le charge mieux en pollen, et dégage le stigmate à l’attention d’autres pollinisateurs © Robert Wernerehl

Les Malvales se caractérisent principalement par des fleurs parfaites (bisexuées, hypogynes et diplochlamydées, c’est-à-dire comportant pétales et sépales) ; la corolle est dialipétale, l’ovaire est généralement pluricarpellé, et chaque carpelle contient 1 ou plusieurs ovules selon l’espèce. Le fruit diffère d’une famille à l’autre et constitue également un caractère morphologique important.

Plusieurs auteurs ont supposé que les premières Cistaceae se sont différenciées au Tertiaire vers la fin de l’Éocène, autour de -40 Ma. Cependant, les plus anciennes confirmations phylogénétiques remontent au Miocène seulement, autour de -18 à -10 Ma (Guzman and Vargas, 2009, Historical biogeography and character evolution of Cistaeae (Malvales) based on analysis of plastid rbcL and trnL-trnF sequences, Organism Diversity & Evolution, 9(2) : 83-99).

Tuberaria guttata se détache sur les prairies méditerranéennes par la taille et la couleur de ses fleurs. C'est une herbacée annuelle des sols sablonneux et acides des vignobles.

Tuberaria guttata se détache sur les prairies méditerranéennes par la taille et la couleur des fleurs. C’est une herbacée annuelle des sols sablonneux et acides des vignobles © danzidro

Selon ces auteurs, il est probable que le bassin méditerranéen a été la zone de différenciation des premières Cistacées, qui ont ensuite migré vers le continent américain.

Quoi qu’il en soit, les changements survenus à la fin du Messinien (-5,3 Ma) avec le retour de l’eau dans le Bassin méditerranéen et l’établissement d’un climat chaud et tempéré, avec de faibles fluctuations de température journalières et annuelles, ont favorisé, surtout le long de la bande côtière, des environnements particulièrement propices à ces taxons, qui ont ainsi pu se différencier plus avant et aller souvent jusqu’à caractériser et conditionner de nouvelles formations végétales.

Sa fleur magnifique a des pétales jaunes frangés sur le bord extérieur, avec une tache rouge foncé caractéristique qui couvre l'ongle du pétale mais peut aussi manquer.

Sa fleur magnifique a des pétales jaunes frangés sur le bord extérieur, avec une tache rouge foncé caractéristique qui couvre l’ongle du pétale mais peut aussi manquer © José María Paraíso Hernández

Ainsi, plus que l’isolement géographique, ce sont les conditions écologiques qui ont favorisé le développement des Cistacées.

Dans cette famille des Cistaceae, Juss. (1789) se trouvent des plantes caractéristiques des milieux tropicaux, tempérés et même froids, comme les milieux montagneux ou continentaux, pourvu qu’ils soient lumineux et plus ou moins arides.

Il s’agit principalement d’espèces arbustives ou partiellement ligneuses, mais les plantes herbacées annuelles ou pérennes ne manquent pas. Selon le WFO World Flora Online (2024) , cette famille comprend actuellement 217 espèces regroupées en 8 genres.

Helianthemum vesicarium est une vivace de la famille des Cistacées du sud-est de la Méditerranée, de la Tunisie à la Syrie, au caulis lignifié et aux fleurs roses ou rouge-violet foncé.

Helianthemum vesicarium est une vivace du sud-est de la Méditerranée, de la Tunisie à la Syrie, au caulis lignifié et aux fleurs roses ou rouge-violet foncé © Yael Orgad

Les genres de cette famille sont :

Cistus L. – 33 espèces nanophanérophytes (NP). Son aire de répartition comprend le bassin méditerranéen, depuis la Macaronésie (îles Canaries) et la péninsule ibérique jusqu’à la Grèce ; elle s’étend ensuite de la péninsule anatolienne à l’Asie occidentale jusqu’au nord-ouest de l’Iran et à l’ensemble de l’Afrique du Nord, à l’exception de l’Égypte. Plusieurs espèces sont des plantes ornementales.

Crocanthemum Spach – 20 espèces chaméphytes suffrutescentes (Ch suffr.) et nanophanérophytes (NP). L’aire de répartition couvre une grande partie de l’Amérique du Nord, la quasi-totalité de l’Amérique centrale et, de manière très disjointe, l’Amérique du Sud entre le sud du Brésil et le nord de l’Argentine. Peu d’intérêts pratiques.

Fumana arabica est surtout présent en Afrique du Nord et en Asie occidentale. En Europe, il vit sur les côtes de l'Italie centro-méridionale et dans la péninsule balkanique.

Fumana arabica est surtout présent en Afrique du Nord et en Asie occidentale. En Europe, il vit sur les côtes de l’Italie centro-méridionale et dans la péninsule balkanique © Ali Ali

Fumana (Dunal) Spach – 19 espèces, toutes nanophanérophytes (NP). L’aire de répartition s’étend de la Scandinavie à l’Europe méditerranéenne et se prolonge vers l’Asie occidentale et l’Afrique du Nord, avec peu d’intérêts pratiques.

Helianthemum Mill. – 111 espèces herbacées, thérophytes et surtout hémicryptophytes (H), et chaméphytes suffrutescentes (Ch suffr.). Ce genre a la plus grande aire de répartition de la famille, qui elle comprend l’Europe et les îles Canaries, l’Afrique du Nord, l’Asie occidentale, la Chine centro-septentrionale et la Mongolie intérieure ; il est même présent en Amérique centrale. Diverses espèces ont une valeur ornementale.

Hudsonia L. – 3 espèces chaméphytes suffrutescentes (Ch suffr.), d’Amérique du Nord jusqu’aux Territoires du Nord-Ouest canadien. Peu d’intérêts pratiques.

Cistus ladanifer vit au Maroc, en Algérie, aux Canaries et dans la péninsule ibérique. Ses fleurs, les plus grandes du genre et de la famille des Cistacées, produisent du nectar en quantité.

Cistus ladanifer vit au Maroc, en Algérie, aux Canaries et dans la péninsule ibérique. Ses fleurs, les plus grandes du genre et de la famille, produisent du nectar en quantité © Pablo Bernal

Lechea Kalm – 18 espèces, hémicryptophytes herbacées (H) et chamaephytes suffrutescentes (Ch suffr.), spontanées en Amérique du Nord et en Amérique centrale. Peu d’intérêt sur le plan pratique.

Pakaraimaea Maguire & P.S.Ashton, – 1 espèce, plante arboricole (P scap). P. dipterocarpacea Maguire & P.S.Ashton est une endémique arboricole de Guyane et du Venezuela précédemment incluse dans la sous-famille Pakaraimoideae des Dipterocarpaceae. Peu d’intérêt sur le plan pratique.

Tuberaria (Dunal) Spach – 12 espèces herbacées, principalement hémicryptophytes (H), mais aussi quelques thérophytes annuelles (T). Elles sont indigènes de l’Europe occidentale et méditerranéenne, de l’Afrique du Nord (à l’exception de l’Égypte) et des régions méditerranéennes d’Asie occidentale. Certaines sont des plantes ornementales.

Les Cistacées sont également répandues dans les milieux extrêmes en termes de latitude ou d'altitude. Par exemple, plusieurs hélianthèmes colonisent les montagnes dans toute l'aire de répartition du genre, qui s'étend dans l'Ancien Monde et en Amérique centrale, poussant dans la ceinture alpine ou neigeuse. Helianthemum apenninum sur la photo est commun dans les montagnes d'Europe occidentale et de Grèce jusqu'à 1 800 m d'altitude. A droite de la paire de fleurs, on observe les 3 valves d'un fruit désormais ouvert.

Les Cistaceae sont également répandues dans les milieux extrêmes en termes de latitude ou d’altitude. Par exemple, plusieurs hélianthèmes colonisent les montagnes dans toute l’aire de répartition du genre, qui s’étend dans l’Ancien Monde et en Amérique centrale, et vivent dans l’étage alpin ou nival. Helianthemum apenninum qu’on voit ici est commun dans les montagnes d’Europe occidentale et de Grèce jusqu’à 1 800 m d’altitude. A droite des deux fleurs, on observe les 3 valves d’un fruit ouvert © G. Mazza

L’aire de répartition de la famille des Cistaceae s’articule donc autour de deux grands centres de diffusion : le premier, le plus ancien, comprend l’Europe, les îles Canaries et des régions d’Afrique du Nord et d’Asie occidentale et centrale ; le second, plus récent, est l’aire américaine, principalement septentrionale mais qui inclut aussi certaines régions d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud.

Les genres des Cistaceae sont considérés comme ‘critiques’ parce que le rattachement des taxons à un genre ou à un sous-genre particulier n’est pas toujours clairement réalisable. C’est particulièrement vrai pour les genres dont plusieurs espèces coexistent sur les mêmes territoires (espèces sympatriques). Ces incertitudes résultent principalement de la relative tendance à l’hybridation, non seulement entre espèces du même genre, mais aussi entre genres différents ou avec des formes hybrides issues de croisements antérieurs.

Helianthemum apenninum subsp. apenninum a 5 pétales blancs. Les pétales de la subsp. cantabricum, endémique de la Cordillère Cantabrique, sont jaunes ou orange.

Helianthemum apenninum subsp. apenninum a 5 pétales blancs. Ceux de la sous-espèce cantabricum, endémique de la Cordillère Cantabrique, sont jaunes ou orange © Giuseppe Mazza

Les récents travaux phylogénétiques sur base moléculaire, qui affinent notre connaissance des relations au sein des espèces et entre elles, permettent ainsi d’actualiser et de réviser la position taxonomique et hiérarchique des taxons ainsi que les relations intergénériques. C’est ainsi que les genres Halimium et Horanthes ont été invalidés et leurs espèces rattachées à d’autres genres de Cistaceae. Ces révisions ont également entraîné des variations et des fluctuations parfois importantes du nombre d’espèces dans les genres de la famille.

Les Cistacées, herbacées ou ligneuses, ont des tiges cylindriques ou tétragonales qui, chez de nombreuses espèces, sont plus ou moins pubescentes, avec la présence de poils protecteurs et/ou glandulaires. Les feuilles sont simples, persistantes (à l’exception évidente des espèces annuelles), pétiolées ou sessiles, stipulées (Tuberaria) ou non stipulées, pubescentes chez de nombreux taxons.

A l'Orient, la vaste aire d'Helianthemum songaricum s'étend du Kazakhstan à toute l'Asie centrale pour toucher le nord de la Chine via le Xinjiang.

A l’Orient, la vaste aire d’Helianthemum songaricum s’étend du Kazakhstan à toute l’Asie centrale pour toucher le nord de la Chine via le Xinjiang © svetlanasp

Cistus, Fumana (en partie), Helianthemum et Tuberaria (en partie) ont des feuilles opposées tandis que Crocanthemum, Fumana (en partie), Hudsonia, Lechea, Pakaraimaea et Tuberaria (en partie) ont des feuilles alternes ; chez plusieurs espèces herbacées, les feuilles basales sont disposées en verticilles. Le limbe présente des nervures décurrentes plus ou moins parallèles aux marges du limbe,  qui est toujours entier et souvent révoluté ou ondulé (rarement crénelé ou dentelé). Quelques espèces des genres américains Lechea et Hudsonia présentent des feuilles squamiformes ou éricoïdes.

Les fleurs, hermaphrodites, actinomorphes et hypogynes, sont solitaires ou réunies en une inflorescence qui, selon l’espèce, peut être définie (cymeuse), c’est-à-dire à croissance sympodiale, ou indéfinie (racémeuse), à croissance monopodiale. Sessiles ou pédonculées, parfois très visibles mais le plus souvent très éphémères, ces fleurs présentent une corolle composée de 5 pétales, rarement 3 (Lechea et Tuberaria), et sont blanches, jaunes ou rouges, parfois aussi brunes, roses, fuchsia, orange. Chez certains genres, on trouve aussi des espèces à fleurs cléistogames, c’est-à-dire qui s’autofécondent.

Vers l'Occident, Hudsonia ericoides vit en Amérique depuis le Labrador jusqu'en Caroline du Sud, souvent dans des forêts côtières de pins clairsemées ou dégradées.

Vers l’Occident, Hudsonia ericoides vit en Amérique depuis le Labrador jusqu’en Caroline du Sud, souvent dans des forêts côtières de pins clairsemées ou dégradées © Douglas Goldman

Le calice est constitué de 3 ou 3+2 sépales plus ou moins persistants ; dans ce dernier cas, les trois sépales externes sont plus grands que les deux sépales internes. Le nombre d’étamines varie considérablement d’une espèce à l’autre (de 3-5 à 100-200). Chez de nombreuses espèces, lorsqu’elles sont stimulées par les insectes, les étamines s’inclinent vers l’extérieur, recouvrant ainsi le pollinisateur d’une plus grande quantité de pollen et laissant même le stigmate à découvert. L’ovaire est supère et compte (2) 3-5 (12) carpelles et 1 stigmate (3 chez Lechea).

A l’exception des fleurs cléistogames, la pollinisation est entomogame ; la plupart des espèces sont dépourvues de nectaires, mais les fleurs compensent cette lacune par une production considérable de pollen. Certains cistes sécrètent une petite quantité de nectar, et Cistus ladanifer est une exception notoire puisqu’il en produit en abondance.

Anche Lechea tenuifolia è americana, piuttosto rara ma con un areale molto ampio, dalle coste atlantiche alle grandi pianure centrali. Piccoli effimeri fiori rossicci o bruni.

Assez rare, Lechea tenuifolia est américain. Son aire très large s’étend de l’Atlantique aux grandes plaines centrales. Les petites fleurs rougeâtres ou brunes sont éphémères © Kimberlie Sasan

Le fruit mûrit dans l’année. Chez la plupart des espèces,  il s’agit d’une capsule à déhiscence loculicide qui s’ouvre le long de la nervure médiane des carpelles ; chez certaines espèces, la déhiscence est plutôt septicide et se produit sur les marges des carpelles. La capsule présente de (2) 3 à 5 (6-12) valves et contient 1-2 (Hudsonia) à un millier (Cistus) de graines par capsule, très petites, au diamètre compris entre 0,5 et 1,5 mm. Elles sont bitégumentées et comprennent un embryon doté de cotylédons elliptiques-orbiculaires fortement incurvés autour de l’ambre.

Les téguments et la morphologie de l’embryon confèrent à la graine une résistance particulière à la perte d’eau et aux fortes pressions mécaniques, induisant chez l’embryon une phase de dormance qui dure jusqu’à ce que les téguments externes se détériorent (Thanos et al., 1992, Cistaceae : a plant family with hard seeds. Israel Journal of Plant Sciences, 41 : 251-263.

Le fruit des Cistacées est une capsule formée de valves. Il peut contenir 1 à 2 graines comme pour le genre Hudsonia ou un millier comme pour Cistus albidus.

Le fruit des Cistacées est une capsule formée de valves. Il peut contenir 1 à 2 graines comme pour le genre Hudsonia ou un millier, comme ici pour Cistus albidus © Giuseppe Mazza

L’appareil radiculaire est de type allorhize fasciculé et les racines secondaires sont capables de pénétrer dans les fissures des rochers. Plus de 200 espèces fongiques de 40 genres, des basidiomycètes aux ascomycètes (y compris celles du genre Tuber P. Micheli ex F.H. Wigg.), peuvent établir des associations ectomycorhiziennes avec les racines de diverses cistacées (Cistus, Fumana, Heliathemum, Pakaraimaea). Les racines de certaines espèces de Cistus peuvent être parasitées par des espèces du genre Cytinus L. (ordre des Lamiales, famille des Cytinaceae).

Le nombre de chromosomes est de 2n = 18 et est constant au sein du genre, même si on trouve parfois des sujets avec 2n = 20.

La famille comprend actuellement (World Flora Online, 2024) les genres suivants : Cistus, Crocanthemum, Fumana, Helianthemum, Hudsonia, Lechea, Pakaraimaea, Tuberaria.

 

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→ Reportage CISTUS