Famille : Anatidae
Texte © Dr Davide Guadagnini
Traduction en français par Catherine Collin
Le Tadorne radjah (Radjah radjah Lesson, 1828), anciennement connu sous le nom de Tadorna radjah, est le plus petit des canards nommés tadornes. Ceux-ci sont réunis en six espèces qui font partie d’un groupe à la forme assez caractéristique et aux dimensions moyennes qui les font ressembler à quelque chose entre un canard et une oie.
Il appartient à l’ordre des Ansériformes (Anseriformes), à la famille des Anatidés (Anatidae), à la tribu des Tadornini.
Il existe deux sous-espèces : la nominale (Radjah radjah radjah) distribuée en Indonésie, des Îles Moluques à la Nouvelle-Guinée et qui présente un manteau et une bande sur la poitrine plus noirâtres par rapport à l’autre sous-espèce présente en Australie (Radjah radjah rufitergum) qui présente des dimensions légèrement supérieures par rapport à la sous-espèce nominale et des parties dorsales majoritairement couleur noisette.
Le nom de genre Tadorna, sous lequel cette espèce était auparavant classée, vient du latin et signifie “oiseau aquatique tacheté” et se réfère clairement aux couleurs nettes et bien séparées de la livrée de chacune des espèces appartenant à ce genre.
Le nom d’espèce radjah est le terme hindi pour indiquer le souverain ou le roi ; ce canard a été nommé ainsi pour indiquer son aspect royal.
Zoogéographie
La sous espèce nominale vit sur les îles, le long des côtes des Moluques et en Nouvelle-Guinée. La sous-espèce australienne (Radjah radjah rufitergum) vit confinée sur les côtes tropicales septentrionales du nord de l’Australie où son aire de répartition s’est notablement réduite au cours du dernier siècle.
Écologie-Habitat
Ces canards vivent dans les territoires humides et dans les estuaires des régions touchées par la mousson. Ils ont des habitudes essentiellement côtières durant la saison sèche, moment où ils fréquentent des zones boueuses, des petites mangroves, des fleuves et des lagunes saumâtres souvent attenantes à des plages et des marais salants. Ils privilégient les zones avec des eaux très basses (quelques centimètres) avec présence de “piscines” naturelles et de bancs de boue ou les marges de zones humides avec des eaux plus profondes.
Morpho-physiologie
C’est le plus petit des tadornes existants avec une longueur 48-60 cm et un poids de 800-950 g. Il a une livrée et un maintien très élégant et il est le plus spécialisé et le plus tropical du groupe. La tête, le cou, les flancs et le ventre sont entièrement blancs. Le dos et la queue sont sombres, brun-marron-châtaigne-foncé. Les ailes ont un miroir alaire vert foncé irisé qui ressort sur la portion blanche de l’aile où il se trouve ; au-dessus du miroir alaire il y a une petite ligne, de couleur noire, parallèle à ce miroir ; le tiers distal de l’aile, rémiges primaires, leurs couvertures et l’alula sont noirs. Les sus-alaires sont blanches médio-centralement et noires distalement. La poitrine est traversée par un caractéristique “collier bas” sombre comme les parties dorsales. Les sexes sont semblables, les mâles étant légèrement plus grands et la bande qui traverse la poitrine légèrement plus large. Les yeux sont très particuliers à cause de leur iris blanc. Le bec et les pattes sont couleur chair avec de légères nuances gris clair.
Éthologie-Biologie reproductive
Bien qu’étant moins bruyants que les autres espèces de tadornes, ces canards, le deviennent durant la saison des amours. Le tadorne radjah vole habilement et aime traverser en volant, plutôt que survoler, les zones boisées. Ils vocalisent de façon continue, surtout quand ils sont en vol, si bien qu’ils sont souvent entendus avant d’être vus. Les chants, différents selon les mâles et les femelles, permettent de distinguer les sexes : les forts et durs chants des femelles contrastent avec les sifflements émis par les mâles. Cette espèce est plutôt arboricole et la journée elle se repose sur les rives verdoyantes ou sur les arbres feuillus (comme ceux des mangroves ou Melaleuca spp.) sur lesquels ils montent ou descendent aisément et habilement en marchant sur les branches. Les rives boueuses sont également utilisées pour paresser ; ils ne s’aventurent que rarement loin de l’eau et sont capables de courir rapidement.
Le Tadorne radjah a des habitudes alimentaires nocturnes ; en général, il quitte les aires de repos tard dans l’après-midi pour partir s’alimenter à quelques kilomètres de là. Peu avant de partir pour les aires d’alimentation, les tadornes radjah deviennent très actifs, se réunissant en petits groupes querelleurs dans la partie haute de la végétation. Son régime alimentaire est essentiellement carnivore. La plus grande partie de son régime alimentaire est constituée de petits mollusques, même s’il consomme aussi des insectes, certaines plantes et des algues. Sa technique pour s’alimenter consiste en de rapides piétinements dans l’eau basse en tamisant la boue avec son bec qui remue d’un côté à l’autre. Ces canards peuvent aussi pâturer sur terre.
Durant la période de reproduction le Tadorne radjah se rencontre en couples ou en petits groupes de 6-8 individus. Pendant la saison sèche il est possible d’observer des groupes comprenant beaucoup plus d’individus ; de quelques dizaines à quelques centaines d’individus, réunis dans les zones humides idoines. De tels groupes se dispersent au début de la saison des pluies (ou un peu avant) ce qui coïncide avec la période de reproduction.
En Australie l’espèce se reproduit généralement d’avril à juin ; le moment et la durée de la saison des amours sont influencés par la quantité et l’intensité des pluies, si la saison des pluies se prolonge on a un allongement de la période de reproduction.
Cette espèce a des habitudes monogames qui peuvent se prolonger pour toute la vie. Le Tadorne radjah n’est pas très tolérant avec ses propres congénères, les mâles devenant particulièrement agressifs à l’approche de la saison des amours.
Le couple reproducteur défend vigoureusement son territoire ; les intrus sont chassés avec des postures comprenant plumage dressé, cou allongé vers l’avant et vocalises menaçantes. Le territoire de nidification défendu (au niveau et face à l’eau) peut couvrir jusqu’à 3 km ou plus, comprenant le site de nidification, la zone d’alimentation et en général, fait face à des rivières ou des lieux humides qui incluent des aires convenant à l’élevage des petits.
Les nids sont cachés à proximité de l’eau souvent dans les creux des troncs, à la base de grandes branches ou là où celles-ci, brisées, offrent un plan d’appui suffisant. Les cavités optimales sont réoccupées par le même couple années après années. La couvée est généralement constituée de 6-12 œufs blanc-crème, qui sont couvés par la femelle pendant environ 28-30 jours. Les canetons sont marron avec une calotte plus roussâtre et avec des morceaux jaune-blanchâtre au niveau des ailes et du dos-flancs ; les joues et le cou au niveau ventral-poitrine sont également jaune-blanc. Les deux parents prennent soin des petits qui sont gardés dans des endroits comprenant de l’eau jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de l’envol. Les couvées peuvent s’unir jusqu’à devenir des super-couvées. Les jeunes sont en mesure de voler à environ deux mois mais le noyau familial demeure généralement uni pour toute la saison sèche suivante. Cette espèce est aisément chassée à cause de sa nature confiante combinée à un type de vol plutôt lent.
Bien que ce canard soit protégé (avec des punitions, qui dans certaines zones, comprennent de fortes amendes) et que sa chair ne soit pas spécialement bonne, de nombreux individus sont tués car ils demeurent un gibier facile. Malgré cela, et bien que les deux sous-espèces soient considérées assez abondantes, la sous-espèce australienne en particulier est plutôt rare ou même absente de milieux considérés adaptés à sa présence principalement à cause du braconnage avec armes à feu.
La tragique perte de son habitat dans les zones humides-côtières tropicales, l’augmentation des installations humaines, la construction de routes et l’accroissement de l’activité agricole et humaine en général représentent d’importants éléments de préoccupation pour la survie de ce canard comme pour celle d’autres espèces. L’expansion de la culture du riz dans les territoires du nord exposés à la mousson, bastion de l’espèce, pourrait constituer une grave menace dans un avenir proche. Par contre la création de canaux d’irrigation et de petits lacs artificiels à profité à l’espèce. Le tadorne radjah est une espèce appréciée et répandue parmi les éleveurs du monde entier même si la sous-espèce rufitergum n’est généralement pas présente dans les élevages hors d’Australie.
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