Melitaea cinxia

Famille : Nymphalidae

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Texte © Dr. Gianfranco Colombo

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

Melitaea cinxia

Commune dans une grande partie de l’Europe mais aussi dans les zones tempérées de l’Asie et de l’Afrique du Nord, Melitaea cinxia se reconnaît aisément grâce à la présence de points noirs dans les alvéoles de la bande post-discale © Gianfranco Colombo

Le Damier du plantain (Melitaea cinxia Linnaeus, 1758) appartient à l’ordre des Lepidoptera et à la famille des Nymphalidae. On inclut habituellement dans cette famille plus de 6.000 espèces de papillons répandues dans le monde entier, ce qui fait qu’elle est considérée comme la plus importante parmi celles qui regroupent les lépidoptères diurnes.

On associe à ce papillon un souvenir assez particulier et déplaisant qui est souvent rappelé par ceux qui ont fait de l’étude des lépidoptères un but de leur existence ou simplement une vraie passion. En Angleterre ce gracieux papillon porte le nom de Glanville Fritillary en souvenir d’Eleanor Glanville, une femme noble et collectionneuse britannique ayant vécu à la charnière du XVIIe et du XVIIIe siècle qui le découvrit au cours de ses recherches dans les campagnes du Somerset et dans l’île de Wight, seul lambeau de terre anglo-saxonne où vit ce papillon.

Lady Glanville paya malheureusement sa passion pour l’entomologie au prix de très fortes tensions  à l’intérieur de sa propre famille, en particulier de la part de son second époux, si bien que son testament a été attaqué après sa mort par un de ses fils. L’héritier en fait  obtint gain de cause et ses biens furent partagés différemment. Le juge, en faisant allusion à la mère, décréta qu'”aucun être humain sain d’esprit ne pouvait avoir une passion telle qu’elle le pousse à courir après des papillons  à travers champs avec un filet à la  main”.

L’étymologie du nom scientifique de la Melitaea cinxia,  comme tous les noms donnés par les premiers naturalistes, a donné lieu à diverses interprétations.

Le genre Melitaea, en particulier, a reçu différentes explications. Fabricius, 1807, comme d’habitude, a fait de ce nom un jeu en combinant différentes versions données par d’autres naturalistes de son temps. Il a opté finalement pour une solution consistant à prendre comme  origine du nom le  grec “meli” = miel, en mettant ainsi en lumière la forte attraction que les nectars très doux exercent sur ce papillon. Sodoffsky, 1897, fit  dériver le nom, moyennant une légère déformation, de “Melinaea”, par référence à l’un des nombreux surnoms donnés à Aphrodite (Vénus). Pickard et d’autres le firent dériver de Melitaea, nom d’une cité de la Thessalie, Macleod du grec “melitaios” = originaire de Malte. Mélité, enfin, était également une des Néréides et fille de Nérée et de Doris. Toutes les interprétations données dans le passé par divers naturalistes au mot “melitaea” sont, quoi qu’il en soit, parfaitement acceptables et s’appuient sur des analyses linguistiques plausibles.

En ce qui concerne le terme “cinxia”, celui-ci est simplement issu du latin  “cincta” = ceinte, entourée. Cinxia, d’autre part, était le nom donné au dieu Janus quand il assumait les fonctions et les pouvoirs de Lucina, la déesse des naissances, au moment où il dégrafait les “girdles of brides” = le corsage de l’épouse. Une façon élégante d’indiquer qu’elle cédait aux avances de son mari.

Melitaea cinxia

Les points sont aussi présents sur le dos de l’aile comme on le voit dans cette approche amoureuse © Giuseppe Mazza

Les noms vulgaires européens sont assez variés et de plus tous les pays n’ont pas attribué un nom spécifique à ce papillon vu la quantité importante d’espèces de fritillaires présentes sur leur territoire et la difficulté à les distinguer. En anglais Glanville Fritillary, en italien Cinxia ou Fritillaria, en allemand Wegerich-Scheckenfalter, en néerlandais Veldparelmoervlinder et en catalan Damer puntejat.

Zoogéographie

 Le Damier du plantain est présent sur presque tout le territoire européen à l’exception de la Grande-Bretagne (on le trouve uniquement dans les îles de la Manche), de la péninsule scandinave et du Sud de l’Espagne. On le trouve aussi dans toute la zone tempérée de l’Asie et en Afrique du Nord  où l’on rencontre quelques sous-espèces.

C’est un papillon très commun là où il est présent mais il a subi une forte réduction de ses effectifs ces dernières décennies et a disparu dans certains secteurs. Il vit dans des prés bien ensoleillés où existe un grand nombre de fleurs et de plantes herbacées.

Il est présent du niveau de la mer jusqu’à 2.000 m d’altitude dans les Alpes. Son habitat idéal se situe  entre 300 et 600 m. Il n’aime pas les lieux boisés ou densément arborés.

Morphophysiologie

 La Melitea cinxia est un papillon de dimensions moyennes que l’on peut aisément confondre avec tous ses congénères fritillaires présents sur le même territoire. Il coexiste en effet avec de très nombreuses autres espèces et c’est seulement à courte distance qu’il est possible de l’identifier facilement. C’est peut-être un des rares fritillaires que l’on peut identifier avec certitude simplement en observant les motifs situés sur le côté supérieur des ailes, une méthode presque impossible à utiliser pour tous ses autres congénères.

Son envergure alaire est d’environ 5 cm. Il existe un dimorphisme sexuel. La femelle est légèrement plus grande et porte des motifs plus marqués. La surface de ses ailes est d’une couleur jaune orangée uniforme et se démarque par un réseau bien net  de lignes noires qui forment le long de l’arête et sur trois bandes parallèles des cellules de forme carrée.

Une caractéristique particulière de ce papillon est la présence à l’intérieur de la bande post-discale de points noirs qui partent de cette bande pour disparaître à proximité du bord postérieur de l’aile antérieure. Ces points sont aussi facilement observables sur le dos, ce qui facilite davantage l’identification correcte de ce papillon.

Melitaea cinxia

Une femelle farouche qui signale aux mâles aux aguets sa disponibilité à l’accouplement © Giuseppe Mazza

Seule la Melitaea arduinna a aussi cette caractéristique mais la superposition géographique de ces deux papillons se produit uniquement dans quelques zones du Sud-Est de l’Europe et de l’Asie et de plus leurs dimensions différentes et le motif du dos de l’aile postérieure facilitent encore plus leur identification. Les antennes, bien développées et robustes, sont hachurées de blanc et de noir et ont une extrémité aplatie et jaunâtre.

Comme beaucoup de fritillaires il vole de mai à fin septembre. Le mâle a l’habitude de survoler les prés fleuris à la recherche des femelles qui restent volontiers cachées et immobiles parmi les herbes mais en même temps il aime souvent s’arrêter sur les fleurs pour en sucer le nectar.

C’est un papillon qu’il est facile de repérer tant à cause de ses dimensions qu’en raison des allées et venues continuelles qu’il effectue dans les prés où il est présent. Bien qu’il soit toujours en mouvement il est aisé de s’en approcher et de l’observer quand il se nourrit.

Biologie reproductive

 La Melitaea cinxia est monovoltine dans les zones plus froides alors qu’elle comporte deux générations dans les régions méditerranéennes et les zones plus chaudes de son domaine.

Elle pond ses oeufs directement sur la plante-hôte et en grande quantité, soit jusqu’à 200 œufs. Les chenilles vivent en communauté  durant une grande partie de leur vie larvaire.

Elles s’abritent et coexistent dans un nid caractéristique de soie où elles hivernent pendant la mauvaise saison ou bien aussi lors de périodes d’été très sèches. Quand les larves sont effrayées elles dressent en même temps la tête en signe de défense en direction de leur ennemi potentiel. L’année suivante elles se réveillent à la belle saison et se dispersent pour parvenir à leur étape finale de développement et se transformer en chrysalide à des endroits séparés.

La chenille, longue d’environ 3 cm, est noirâtre, hérissée de petites protubérances poilues et a une tête de couleur orange vif. La durée de maturation de la chrysalide est d’environ 3 semaines, un laps de temps qui correspond approximativement à la durée de vie de ce papillon. Plantes-hôtes : Plantago lanceolata et Veronica sp.

Synonymes

Papilio cinxia Linnaeus, 1758; Mellicta cinxia Billberg, 1820.

 

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