Famille : Saturniidae
Texte © Prof. Santi Longo
Traduction en français par Michel Olivié
Le grand Paon de nuit, Saturnia pyri (Denis § Schiffermüller, 1775) est une des plus de 2.000 espèces appartenant à la famille des Saturniidae. Certaines d’entre elles, qui ont une envergure alaire d’environ 25 cm, comptent parmi les plus grands lépidoptères existants.
Ces espèces vivent en général dans des régions tropicales. Le corps des adultes est recouvert d’écailles qui ressemblent à des poils. L’appareil buccal est réduit et non fonctionnel.
Les ailes portent souvent de grandes taches ocellaires. Les ailes postérieures sont dotées d’une queue chez les genres Actias et Argema. Les antennes des mâles sont bipectinées alors que celles des femelles sont bidentées.
Les larves atteignent des dimensions notables. De forme cylindrique elles ont des livrées aux couleurs voyantes et possèdent une rangée de gros tubercules dotés de poils ou de soies robustes. Quand elles sont dérangées certaines espèces émettent avec leurs mandibules des sons saccadés qui ressemblent à des “clic” et qui constituent de véritables signaux d’avertissement de type aposématique.
Les éopupes fabriquent des cocons de soie afin de s’y métamorphoser en chrysalides et en adultes. Dans certains pays asiatiques on extrayait des cocons de Antheraea pernyi et de Samia cynthia une soie grossière, de faible valeur commerciale, avec laquelle on fait le fil de “tussah” et les tissus de “shantung”.
En Europe après l’épidémie de pébrine qui dans la seconde moitié du XIXe siècle a frappé le Bombyx du mûrier (Bombyx mori) et provoqué la crise de cette industrie on a introduit certaines espèces séricigènes de Saturniidae mais les résultats ont été décevants ce qui a entraîné l’abandon de leurs élevages.
Parmi celles-ci on peut citer la Samia cynthia originaire d’Asie dont les ailes sont verdâtres et qui vit sur des espèces appartenant aux genres Ailanthus, Ricinus, Ligustrum, Prunus, Sambucus, etc…
Naturalisée en Amérique et en Europe elle a été découverte en Émilie en 1954.
Une autre espèce introduite et qui vit sur les chênes, Antheraea yamamai, a aussi été observée récemment dans le Frioul-Vénétie julienne.
Le nom du genre Saturnia créé en 1802 par Schrank fait référence au dieu romain Saturne qui était représenté sous les traits d’un vieillard barbu, couvert d’un manteau et tenant une faux à la main et qui correspondait au dieu grec Chronos.
Le nom latin de l’espèce pyri = du poirier rappelle, quant à lui, la plante préférée de cette espèce.
Zoogéographie
Saturnia pyri possède une géonémie très vaste.
Elle est répandue en Europe, en Afrique du Nord, en Amérique du Nord et dans l’Ouest de l’Asie via l’Anatolie et le Caucase.
Écologie-Habitat
Elle vit dans des milieux au climat tempéré chaud, dans de petits bois et des steppes arborées où se trouve une abondante végétation arbustive.
Elle est fréquente dans les vergers et les milieux anthropisés mais le nombre des larves est rarement élevé au point de causer des défoliations importantes.
Morphologie
Le grand Paon de nuit est le lépidoptère d’Europe dont la taille est la plus grande. Les femelles, un peu plus grandes que les mâles, ont une envergure alaire qui peut atteindre 17 cm.
Comme chez d’autres Saturniidae l’appareil buccal n’est pas fonctionnel.
La couleur du corps rappelle la couleur chocolat teintée de gris des ailes.
Les ailes antérieures portent une petite tache foncée apicale. Au centre de chaque aile se trouve une tache ronde entourée de cercles concentriques noirs, bruns et gris qui se détachent sur la couleur de fond brun grisâtre des ailes qui ont une large bordure constituée d’une bande ocrée claire et de lignes en zigzag.
Les caractéristiques taches ocellaires qui ressemblent à des yeux d’oiseaux rapaces nocturnes ont pour fonction d’intimider des prédateurs éventuels (automimétisme).
En effet, quand dans l’obscurité nocturne le grand Paon de nuit déploie brusquement ses ailes antérieures en découvrant ses ailes postérieures ces taches sont prises pour les yeux grands ouverts d’un rapace et mettent en fuite des oiseaux insectivores et des rongeurs qu’elles terrorisent.
Un beau mâle adulte aux ailes déployées sur un Aurum a été peint par Van Gogh en 1889.
La femelle pond de petites grappes d’œufs de couleur grisâtre qui portent de petites taches brunes et ont un diamètre d’environ 3 mm.
La croissance des larves qui sont de type éruciforme et dont le corps, comme indiqué plus haut, est cylindrique dure environ 4 à 5 mois et comporte 4 à 6 mues.
Les larves nouveau-nées sont longues d’environ 6 mm et ont un corps noirâtre.
Chez celles du deuxième âge il existe de nombreuses papilles rouges qui se détachent sur le corps de couleur noire.
Aux stades suivants les livrées sont jaunes/verdâtres avec des tubercules de couleur bleu ciel.
Les larves adultes mesurent environ 10 cm. Elle sont de couleur vert jaunâtre et ont une bande jaune latérale et six tubercules bleu ciel avec de nombreuses soies sur chaque segment du thorax et de l’abdomen. Les stigmates respiratoires y sont bien visibles.
Les éopupes de couleur jaune orangé se déplacent vers des lieux abrités où elles sécrètent une soie rêche afin de construire un solide cocon de couleur grise, jaune/marron, fusiforme, arrondi à un pôle, pointu et effilé à l’autre. Elles se transforment à l’intérieur en chrysalides de forme massive, de couleur brun châtain et longues de 3,5 à 5 cm.
Ce stade, protégé par le cocon, peut durer jusqu’à deux ans. L’envol survient entre mai et juin.
Éthologie-Biologie reproductive
Les adultes du Saturnidé ne peuvent pas se nourrir et ne vivent de ce fait que quelques jours.
Habituellement les mâles s’envolent peu avant les femelles.
Celles-ci volent assez mal mais se déplacent pour rejoindre des emplacements élevés où elles peuvent mieux diffuser pendant la nuit un “bouquet” de substances qui attirent les mâles et connues sous le nom de phéromones sexuelles.
La partie la plus attirante leur parvient dans un rayon de quelques kilomètres, 12 km même pour certains, et les pousse à se diriger vers la source d’émission.
Avant de tenter l’accouplement les mâles aussi sécrètent des substances aphrodisiaques et c’est seulement si la femelle répond positivement qu’ils procèdent à la copulation.
Peu après, une fois leur tâche accomplie, ils meurent. Épuisés et affamés ils sont souvent une proie facile pour des oiseaux, des rongeurs et des reptiles.
Après l’accouplement qui peut durer jusqu’à une trentaine d’heures les femelles qui survivent plus longtemps que les mâles collent sur les rameaux des plantes-hôtes de petites grappes de quelques centaines d’œufs qui éclosent quelques jours après.
En 1875 le célèbre entomologiste Fabre remarqua qu’une femelle de Saturnia pyri qui venait à peine de s’envoler et qui était enfermée dans une cage de son laboratoire avait attiré pendant la nuit au moins 40 mâles. Le scientifique en déduisit qu’elle avait produit une substance volatile très attractive qu’il appela “quintessence”.
En se basant sur cette découverte le prix Nobel Butenandt préleva en 1959 sur plus de 300.000 femelles vierges de Ver à soie quelques milligrammes de “bombykol” et ouvrit ainsi la voie à l’identification et à la synthèse de phéromones sexuelles.
Ces substances que l’industrie chimique conditionne sous forme de distributeur sont aujourd’hui placées dans des pièges spéciaux qui sont largement utilisés dans les programmes de la lutte intégrée dans de nombreux écosystèmes agricoles et forestiers afin de contrôler et/ou de capturer en masse les mâles des espèces nuisibles.
Suivant la durée de la phase larvaire et de la diapause des chrysalides le grand Paon de nuit peut avoir une génération par an ou tous les deux ans. Cette situation liée au climat lui permet de surmonter d’éventuelles périodes difficiles et d’assurer la survie de son espèce.
Dans la nature ses principaux ennemis sont les vertébrés prédateurs déjà cités plus haut ainsi que certains Diptères Tachinidés : Tachina festivata, Tachina marginalis, Sturnia atropivora et Bau mauheria saturniae.
Du fait aussi de l’effet conjoint de divers facteurs environnementaux le grand Paon ne pose donc pas de problème phytosanitaire dans les vergers et ne nécessite pas d’interventions particulières de contrôle démographique.
Synonymes
Bombyx pyri da Denis & Schiffermüller 1775.