Famille : Elapidae
Texte © Dr. Gianni Olivo
Traduction en français par Michel Olivié
Le genre Notechis comprend un certain nombre d’espèces très venimeuses qui sont connues sous le nom vulgaire de serpents-tigres australiens. L’ adjectif “australien”permet d’éviter des confusions avec d’autres espèces telles que les serpents-tigres africains (Telescopus) moyennement venimeux et ne présentant en général aucun danger pour l’homme.
Storr a proposé d’inclure également dans le genre Notechis les têtes-cuivrées australiennes (Austrelaps superbus), des serpents qui, eux aussi, ont reçu un adjectif désignant le continent qui les accueille afin d’éviter des confusions avec les têtes-cuivrées nord-américains qui appartiennent aux crotalidés et non aux élapidés. Toutefois je ne parlerai ici que du serpent-tigre commun d’Australie.
Le terrible serpent-tigre commun (Notechis scutatus) Peters, 1861 de la famille Elapidae, connu en anglais sous le nom de Common tiger snake, est présent dans une partie restreinte de l’Australie et plus précisément dans le Sud-Est du Queensland, la partie Est des Nouvelles-Galles du Sud et l’État du Victoria.
C’est un serpent au corps robuste, long en général d’environ 1 m bien qu’il ait été fait état de longueurs de 2 m, qui a la particularité de pouvoir aplatir son corps sur toute sa longueur quand il est irrité ou bien, tout simplement, pour capter davantage de chaleur quand il demeure étendu sur une surface pour se réchauffer (cette caractéristique est commune à toutes les espèces ou sous-espèces de serpents-tigres). Sa tête est courte et a un museau arrondi. Si on l’examine d’en haut elle apparaît plutôt pointue mais avec une extrémité en biseau. Le cou est peu distinct.
Sa couleur, très variable, est en général grise ou gris vert ou bien vert olive et comporte des bandes transversales plus claires. La surface ventrale est plus claire, d’ordinaire jaunâtre, vert olive ou gris clair. Les écailles ressemblent à de petits écus superposés et imbriqués, d’où la seconde partie de son nom scientifique scutatus, et sont disposées à mi-longueur du corps sur 15 à 19 rangées obliques. Suivant ses dimensions les écailles ventrales peuvent être au nombre de 140 à 190 alors que les écailles sous-caudales sont simples.
C’est un reptile qui aime les terrains humides où l’eau est présente en abondance, les prairies, les bords des marais et les rives des cours d’eau et des lacs. Dans des endroits particulièrement favorables on peut rencontrer de nombreux individus qui sont presque rassemblés dans des secteurs relativement petits quant à leur étendue, ce qui donne presque l’impression qu’il s’agit d’animaux “sociaux”. Il n’est pas rare d’autre part de le rencontrer dans des parcs, des jardins et des terrains de golf même dans les grandes villes, comme par exemple les faubourgs de Melbourne.
Ses mœurs sont diurnes et terricoles. Il peut cependant modifier partiellement ses habitudes et dans certaines circonstances ou certains habitats il peut devenir semi-nocturne ou crépusculaire et grimper sur des buissons et des arbres. Une activité nocturne est plus fréquente dans les périodes caractérisées par un climat chaud alors qu’avec l’abaissement de la température il se montre rarement la nuit. Son régime se compose principalement de grenouilles, de crapauds et de têtards, ce qui explique ses préférences en matière d’habitat mais il peut chasser des souris, d’autres petits mammifères, des oiseaux, des lézards et même des poissons. La reproduction est ovovivipare et se traduit par l”accouchement” de petits bien actifs et parfaitement formés au nombre de 35 à 80. Les nouveau-nés mesurent environ 12 à 15 cm.
Comme la plupart des serpents (même ceux qui sont considérés comme les plus agressifs) il préfère éviter de se confronter avec l’homme et s’il en a la possibilité il essaie de disparaître dans le premier abri à sa portée. Toutefois s’il est surpris, s’il est aux abois ou provoqué il se montre très agressif et prêt à mordre. La détente de sa tête, la gueule ouverte, est en ce cas extrêmement rapide. Souvent, quand il est agressé, il adopte une attitude menaçante, aplatit son corps et émet des sifflements puissants et si l’importun ne se retire pas il essaie de le mordre à plusieurs reprises et de façon violente.
Le venin de cette espèce est neuro-toxique et coagulant et n’est que faiblement cytotoxique, ce qui se traduit principalement par un effet paralysant qui peut impliquer les muscles respiratoires avec pour conséquence une asphyxie aggravée par l’apparition éventuelle de thromboses et de troubles locaux de type cytoxique qui ne sont pas toutefois nettement prononcés comme dans le cas des venins de nombreux vipéridés et des cobras cracheurs. La puissance du venin est 4,25 fois supérieure à celle des cobras à lunettes indiens (Naja naja). Bien qu’il existe un sérum polyvalent qui est très utile quand on ne connaît pas avec précision l’espèce responsable de la morsure, si l’on est sûr par contre de l’espèce, le sérum monovalent spécifique est efficace avec des doses moindres (3000 unités) et présente moins de risques de réactions anaphylactiques.
Courte note sur les sérums destinés au traitement de la morsure des élapidés australiens
Cet appendice que j’ai ajouté a une portée générale et pourrait s’appliquer également à d’autres espèces du continent australien et de l’Océanie. En fait je l’ai seulement dédié au serpent-tigre parce que c’est le premier texte que j’écris sur les serpents australiens et aussi parce que le serpent-tigre est une des espèces qui peuvent causer le plus de cas d’accidents tant parce qu’il fréquente des zones pouvant être densément habitées qu’à cause de son caractère irascible.
Mon intention est seulement d’essayer de faire le point sur l’utilité des sérums, sur les différences entre les sérums monovalents et polyvalents, un sujet qui, chez ceux qui ne sont pas des “initiés”, me semble parfois engendrer une certaine confusion et pas seulement en ce qui concerne les espèces australiennes.
En d’autres termes le sérum est-il utile ? Quand faut-il l’administrer ? Qui doit l’administrer ? Est-il dangereux ?
Ce sujet mériterait bien plus que ces quelques lignes. J’espère toutefois pouvoir donner une idée de l’utilisation de ce précieux auxiliaire thérapeutique. L’ Australie est un continent à part et a une faune également à part. En ce qui concerne les serpents elle a la particularité unique de compter plus d’espèces venimeuses que d’espèces inoffensives. Les serpents venimeux australiens sont tous des élapidés (autrefois on mettait à part les serpents de mer ) mais là aussi ce continent réserve des surprises. Par exemple les trois sous-espèces de la Vipère de la mort (Acantophis), bien qu’elles ressemblent à des vipéridés, sont des élapidés à tous égards et ont probablement occupé la place (appelée niche écologique) des vipères et des crotalidés dans un pays où ceux-ci sont absents.
Tous les élapidés australiens ne sont pas dangereux au même titre et on passe ainsi des Bandy-bandy (Vermicella multifasciata, Vermicella annulata) qui sont presque inoffensifs aux très dangereux Taïpans côtiers (Oxyuranus scutellatus). Cependant les morsures de serpent étaient, avant l’arrivée des sérums, une mésaventure très souvent mortelle. Aujourd’hui l’Australie a un taux de mortalité due aux serpents qui est très faible, surtout si l’on considère que les serpents venimeux y sont très nombreux, et ceci est dû à une série de facteurs : faible densité de population, grande efficacité des équipements sanitaires mais aussi et surtout la production des sérums qui ont changé les pronostics de façon radicale, ce qui n’empêche pas qu’aujourd’hui encore une morsure survenant dans un secteur éloigné de tout moyen de secours constitue une situation critique.
S’il est vrai que l’utilisation des sérums ne doit pas se faire à la légère et nécessite des connaissances médicales l’opinion de ceux (parfois même des médecins) qui croient que cette utilisation présente toujours un risque mortel est tout aussi erronée. En cas surtout de morsure d’élapidés et de gros vipéridés (en mettant à part les morsures sèches) le sérum fait véritablement office de sauveur même si d’autres mesures peuvent s’avèrer nécessaires (assistance respiratoire, etc…)
En 1977 Sutherland a réalisé une étude sur les réactions allergiques survenues en Australie sur une période de 15 ans et n’a fait état d’aucun décès dû à un choc anaphylactique (ce qui ne veut pas dire cependant qu’il ne puisse pas s’en produire). Il est cependant impératif d’avoir à portée de main de l’adrénaline et des connaissances médicales pour combattre une réaction anaphylactique. Des réactions allergiques moins graves sont plus fréquentes (la maladie sérique par exemple). Je n’émettrai naturellement pas d’affirmations absolues mais ces données concernent l’Australie et peuvent être différentes dans d’autres continents.
Une des raisons de la faible conséquence des réactions constatée en Australie réside, selon certains, dans les modalités de production du sérum mais surtout dans la manière dont le venin des serpents est prélevé. D’après un auteur australien les élapidés australiens peuvent être gardés très facilement en captivité pendant des années et leur venin est prélevé avec beaucoup de soin à la différence d’autres espèces dans d’autres pays. La détérioration des glandes à venin ou des tissus de la cavité orale est considérée comme une des causes possibles de la contamination du venin avec des cellules ou le sang, ce qui augmenterait selon l’auteur les risques de réactions allergiques chez le receveur.
D’autre part plus le produit est purifié et moins il y aurait de risques de réactions allergiques. Le sérum polyvalent qui est très utile quand on n’est pas sûr de l’espèce responsable de la morsure nécessite en moyenne des doses beaucoup plus fortes que le sérum monovalent spécifique et donc en Australie quand l’espèce est connue avec certitude on préfère utiliser ce dernier qui nécessite un nombre d’unités moindre pour aboutir au même résultat. Le sérum polyvalent pourrait causer en effet plus fréquemment des réactions anaphylactiques.
Le sérum contre le venin des serpents-tigres a été synthétisé aux alentours de 1929, celui contre le venin des taïpans communs en 1955 et celui de la vipère de la mort en 1959 alors que le sérum polyvalent a vu le jour en 1962. Des statistiques qui ne sont pas très récentes ont fait état d’environ 200 morsures par an traitées par du sérum en Australie mais alors qu’avant 1929 le taux de mortalité était presque de 50 % en 1976 le nombre des cas mortels était tombé à 5 ou 6 pour l’année. En 1979 on a noté un seul cas de décès (du moins pour les morsures qui ont été traitées) et de 1978 à 1981 aucun décès n’a été signalé.
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