Famille : Viperidae
Texte © Dr. Gianni Olivo
Traduction en français par Michel Olivié
Les Cérastes constituent un genre de vipéridés de dimensions moyennes à petites propres au Nord de l’Afrique, au Moyen-Orient, à la péninsule arabique, à Israël, à l’Iran et à l’Irak.
Bien que le nom de céraste (qui vient du grec ancien et fait référence à la présence de “petites cornes”) signifie exactement cornu toutes les espèces appartenant à ce genre ne sont pas dotées de ces excroissances caractéristiques situées au-dessus des yeux vu que ces écailles modifiées n’existent que chez Cerastes cerastes et Cerastes gasperetti.
Il semble donc que cette caractéristique soit typique d’espèces qui vivent dans des zones sableuses alors que des espèces ayant colonisé des secteurs rocheux ou rocailleux en seraient dépourvues.
La Vipère cornue du désert (Cerastes cerastes Linnaeus, 1758) est une espèce présente dans le Nord de l’Afrique depuis le Maroc et la Mauritanie jusqu’en Égypte, dans la partie Nord du Soudan, la péninsule arabique, une partie d’Israël et en Jordanie alors que le Cerastes gasperetti va de la péninsule arabique à l’Iran et à l’Irak.
Son habitat-type correspond à l’habitat sableux, subdésertique ou carrément désertique mais on peut trouver aussi des individus dans des zones rocheuses comportant des buissons épars et jusqu’à une altitude de 1500m.
La Vipère cornue du désert jouit dans toute l’Afrique saharienne d’une sinistre réputation qui n’est qu’en partie méritée et elle est très redoutée par certaines populations du désert plus parfois que d’autres vipéridés qui sont en réalité plus dangereux du fait tant de leurs dimensions que de la puissance et des doses du venin qu’ils inoculent (Vipère de la Palestine, Macrovipera mauritanica).
Les cérastes sont en effet des serpents de dimensions relativement modestes, en général aux environs de 50 cm, bien que l’on ait mentionné des individus de près de 90 cm. Mais, surtout, leur venin, quoique dangereux, ne cause pas un nombre élevé de décès même si une morsure de ce serpent doit toujours être considérée comme potentiellement mortelle.
Le Cerastes cerastes a un corps relativement compact et trapu et une queue bien séparée. Il est recouvert d’écailles fortement carénées, plus grandes et avec une légère dépression sur la ligne vertébrale, plus petites mais également carénées sur les flancs. Les écailles ventrales sont carénées latéralement ce qui aide l’animal à se déplacer sur des terrains meubles comme les dunes de sable où il adopte en général le type de locomotion appelé “side-winding” (enroulement latéral).
Comme cela se produit chez les échides (voir la fiche) il peut, quand il est irrité, frotter entre elles ses écailles fortement carénées et faire glisser ses anneaux les uns sur les autres en effectuant une série sans fin d’ondulations, ce qui produit un son menaçant, sifflant ou crépitant. Ce son peut être entendu quand l’animal n’est pas en état d’alerte et qu’il effectue des mouvements pour s’enfouir dans le sable. Sa tête est aplatie, triangulaire, large et possède une fente buccale courte et large. Son cou est proportionnellement étroit ce qui rend très visible le passage entre la tête et le corps.
Les yeux, placés très en avant et tournés légèrement vers le haut, ont une pupille de forme elliptique disposée verticalement et sont de dimensions moyennes. Ils sont surmontés par les caractéristiques “petites cornes”, de simples écailles céphaliques modifiées, allongées et pointues dont la signification et la fonction font l’objet de beaucoup de discussions. On a néanmoins fait état d’individus chez qui les petites cornes caractéristiques sont remplacées par de simples “avant-toit” sourciliers recourbés.
Une des hypothèses qui ont été émises consiste à dire que ces petites cornes servent à échancrer le profil de la partie supérieure de la tête ce qui contribue au camouflage. Une autre hypothèse à laquelle je ne peux me rallier totalement serait qu’elles pourraient être une sorte de protection contre le sable et le soleil.
Les narines, relativement visibles, s’ouvrent vers le haut, une position qui sous-entend une prédisposition pour les terrains sableux où ce reptile aime s’enfouir en s’enfonçant de façon graduelle et régulière grâce à de petits mouvements de ses anneaux qui déplacent le sable sur les côtés.
Quand l’animal s’est enfoui dans le sable en laissant émerger une partie de sa tête ou seulement ses yeux, ses petites cornes et ses narines il est parfaitement camouflé et presque impossible à repérer. Cette caractéristique est à l’origine de la grande peur que les populations nomades du Sahara ont de cette vipère car pour ceux qui marchent pieds nus dans le sable, surtout pendant les heures de nuit ou après le crépuscule, mettre par inadvertance le pied sur un céraste n’est pas une expérience agréable ou bénéfique.
L’ensablement effectué grâce à ce mouvement vibratoire caractéristique qui ne laisse aucune trace aux alentours est aussi utile à l’animal pour chasser à l’affût. Il semble même que l’accouplement s’effectue sous la surface du sable, une singularité que l’on observe souvent chez les individus gardés en captivité.
Sa couleur aussi est tout-à-fait appropriée pour camoufler le reptile dans son habitat car il va du gris clair au beige et s’accompagne souvent d’une moucheture de taches fines plus foncées mais il existe des individus dont la couleur est plus rougeâtre et il y a souvent sur la ligne dorsale de petites taches plus foncées bien visibles et de forme rectangulaire.
C’est un animal essentiellement nocturne. Il passe les heures chaudes sous le sable, souvent à l’ombre d’un rocher ou d’un buisson, mais il utilise aussi volontiers des tunnels et des terriers abandonnés ou des fissures de roche étant donné que, comme tous les reptiles, il craint la chaleur excessive au moins autant que le froid car il n’est pas doté d’un système efficace de thermorégulation.
Ses mouvements, quand il se déplace, sont en général assez lents. Cependant la vitesse de sa tête quand il mord est fulgurante. Ce reptile compte pour assurer sa sécurité sur l’immobilité et le camouflage plus que sur l’agilité. Son caractère, bien que ce ne soit pas un animal qui attaque sans avoir été provoqué, est plutôt nerveux et irascible et il n’hésite pas à mordre s’il est dérangé même si sa morsure n’injecte pas toujours du venin.
La reproduction est ovipare. La femelle pond de 8 à 24 œufs qui éclosent au bout de 60 à 80 jours. Les petits mesurent de 110 à 14 cm de long au moment de l’éclosion.
Le venin de Cerastes cerastes est relativement complexe et contient des principes actifs qui ont divers effets. À côté de manifestations d’agrégation plaquettaire et de l’activation de la prothrombine et des facteurs X de la coagulation (effet pro-coagulant) il existe des substances dont l’effet est opposé et qui sont anticoagulantes et hémorragisantes avec en plus une phosphodiestérase.
On a identifié au moins 12 toxines dans le venin de la vipère cornue. La symptomatologie comprend : une tuméfaction et un œdème qui peut être important à cause de l’augmentation de la perméabilité capillaire et de l’effet cytotoxique qui peut causer des nécroses et des gangrènes, une anémie hémolytique et même une insuffisance rénale aiguë qui peut entraîner la mort de la personne qui a été mordue.
Cependant les cas recensés de décès humains ne sont pas nombreux et même les anciens Égyptiens considéraient que la morsure du céraste était guérissable et généralement non mortelle.
Cela amène à penser qu’ à supposer que la légende de Cléopâtre soit vraie cette reine n’aurait probablement pas eu l’idée de choisir une vipère pour se suicider et qu’elle aurait certainement opté pour le cobra (Naja haje) pour la raison essentielle qu’il est doté d’un venin bien plus puissant et ensuite parce que son venin neurotoxique lui aurait procuré une mort sûrement moins douloureuse et moins laide que celui d’un vipéridé.
Les médecins égyptiens, en effet, déjà 2200 ans avant J.C., avaient écrit par exemple sur un papyrus aujourd’hui conservé dans un musée que la morsure d’un céraste pouvait être soignée avec la pharmacopée de l’époque mais il est probable que cette “guérison” était due plus au fait que sa morsure est assez rarement mortelle pour un homme adulte qu’à toutes les thérapies d’alors.
Une donnée intéressante au sujet du venin de ce reptile concerne les études effectuées au sujet de son éventuelle utilité dans le traitement des cancers.
Beaucoup de venins de serpents ont été analysés dans ce but, de ceux de différents cobras à celui de Trimeresurus flavoviridis qui a démontré qu’il est capable d’inhiber la croissance des cellules cancéreuses des sarcomes du rat, du mélanome et de l’hépatocarcinome, du moins “in vitro”.
Plus tard, en 2003, une étude menée sur le venin du céraste de l’Égypte a prouvé que certains de ses composants étaient nettement en mesure de “tuer” in vitro les cellules cancéreuses.
Il reste encore beaucoup à faire dans l’étude des venins de serpents qui comme de nombreux autres venins peuvent, moyennant des doses appropriées ou en sélectionnant des composants bien précis, être transformés en médicaments capables de vaincre des pathologies mortelles mais la difficulté de cette utilisation réside non pas tant dans la rareté des approvisionnements ou la complexité des venins que dans la rareté de leur homogénéité dans la mesure où des spécimens différents de la même espèce ou des populations simplement séparées géographiquement peuvent présenter des différences de composition et de mécanismes d’action qui peuvent être importantes.
Noms communs : Desert horned adder (anglais), Vipera cornuta del deserto (italien), Wüsten-Hornviper (allemnd), Lefaa, Zus, Takelt (noms locaux).
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