Famille : Viperidae
Texte © Dr. Gianni Olivo
Traduction en français par Michel Olivié
Sous le nom de Vipères nocturnes (Causus) on désigne un groupe de serpents venimeux classés parmi les vipéridés qui font partie de ceux qui sont foncièrement les plus primitifs. Leurs crochets à venin sont comparativement très courts et l’appareil permettant leur érection est beaucoup moins sophistiqué que chez le genre Bitis ou Atheris. Alors que chez la plupart des vipéridés et des crotalidés l’os préfrontal interagit avec l’os frontal en entraînant le basculement des crochets qui de couchés contre le palais passent en position dressée, chez les vipères nocturnes l’érection est seulement obtenue grâce à une rotation partielle de la mâchoire supérieure ce qui aboutit par conséquent à une mobilité moins parfaite.
Une autre caractéristique qui les distingue des autres vipéridés est la pupille ronde de leur oeil et la présence de grandes écailles céphaliques (chez la plupart des vipères elles sont relativement petites). De plus leur régime alimentaire est très restreint et se compose presque exclusivement de batraciens : grenouilles et crapauds. Le foie est très développé et arrive à dépasser l’extrémité du muscle cardiaque. Les reins sont également allongés et ont des dimensions importantes. En ce qui concerne enfin la reproduction elle est du type ovipare et non ovovivipare.
La Vipère nocturne verte (Causus resimus Peters, 1862) est un petit serpent long en moyenne de 30 à 65 cm, 75 cm au maximum (les femelles sont plus grandes) dont la couleur va du vert brillant au vert jaunâtre et jusqu’au vert foncé avec parfois des taches clairsemées, très petites et foncées.
Sa tête est petite et peu distincte du corps. Son oeil, de taille moyenne et doté d’une pupille ronde, est de couleur jaune. La partie sommitale de la tête est recouverte de 9 écailles céphaliques de grandes dimensions. L’extrémité du museau est légèrement relevée en “babouche de sultan” mais beaucoup moins que chez l’espèce Causus defilippi. Le corps, cylindrique, est revêtu d’écailles dont la consistance est particulière ce qui fait que ce serpent semble non seulement quand on le voit mais aussi au toucher être recouvert de velours.
Les écailles sont disposées dans la partie médiane en 19 à 21 rangées mais des individus de l’Éthiopie ont jusqu’à 23 rangées alors que la série d’écailles ventrales va de 130 à 155. La gorge et les parties ventrales sont très claires, jaunes ou couleur crème. Un V foncé est souvent nettement visible sur la tête. Au total c’est un des plus beaux serpents tant par son aspect velouteux que par sa couleur verte sur laquelle se détache de façon presque provocante le bleu foncé de sa langue bifide quand le reptile la darde à travers l’ouverture labiale conçue à cette fin.
Quand le reptile est irrité il gonfle son corps jusqu’ à presque doubler de diamètre et émet des sifflements. Quand cela se produit la couleur bleu vif des parties cachées des écailles devient également bien visible. Il peut d’autre part soulever la partie antérieure de son corps pour chercher à intimider son adversaire, parfois en allant à sa rencontre et en aplatissant son cou comme un cobra vert miniature. Cette posture d’intimidation est commune aussi à d’autres espèces de Causus.
Il s’agit donc d’un serpent qu’il est bien difficile de confondre avec d’autres : aucun serpent d’une couleur verte et brillante ne présente en Afrique un corps aussi court et aussi trapu. En effet, la plupart des espèces de couleur verte, qu’il s’agisse d’espèces venimeuses comme les mambas verts et les boomslangs ou d’espèces inoffensives comme les différentes espèces de couleuvres, ont tendance à être minces et élancées.
La vipère nocturne verte est un animal terricole bien qu’on ait signalé des cas où elle a été vue en train de grimper laborieusement sur des buissons de faible hauteur. Elle se déplace lentement mais sa morsure est rapide et vive. En dépit de son nom elle est souvent active aussi le jour, en particulier après de fortes pluies quand les batraciens qui lui servent presque exclusivement de proie sont abondants. Il n’est pas rare de la voir étalée sur le sol pour capter la chaleur, surtout après une nuit froide. Elle est aussi à l’aise dans l’eau. Elle nage très bien et est en mesure de s’attaquer à des grenouilles et à des têtards, peut-être aussi à des poissons de petites dimensions. Elle s’abrite dans des trous, des galeries de rongeurs, des termitières ou bien sous des débris, des feuilles ou des pierres plates.
Son aire de répartition est vaste mais irrégulière. Il existe en Angola une vaste zone où elle est présente, en particulier le long de la côte. Un autre secteur est situé dans la zone des Grands Lacs et un autre encore dans le Soudan du Sud et le Sud-Est de l’Éthiopie. La partie Nord du Congo, le Cameroun et la frontière ente le Cameroun et le Tchad abritent de petites populations et j’en ai vu une sur le fleuve Oubangui. Son habitat préféré est la savane humide à basse altitude où se trouvent des hautes herbes et où l’eau est présente.
La reproduction est ovipare. La femelle pond de 4 à 12 oeufs qui mettent environ 4 mois avant d’éclore, ce qui se traduit par la mise au monde de petits longs d’environ 10 cm.
Son venin a été peu étudié et ne semble pas très toxique pour l’homme. Néanmoins les glandes à venin sont les plus longues parmi celles des serpents car elles ne sont pas confinées à la région de la glande parotide mais s’étendent après un long cheminement dans le cou du reptile aux deux côtés de la colonne vertébrale et peuvent atteindre 10 cm avec de longs canaux salivaires qui les connectent aux crochets à venin. Malgré cet arsenal impressionnant l’inoculation paraît cependant peu efficace et consiste en un écoulement, plus qu’à un véritable jet de venin, qui sort des crochets creux. En outre le venin a une toxicité réduite et cause en général des douleurs et des oedèmes mais sans entraîner de nécroses.
Des cas, rapportés autrefois, de prétendus empoisonnements mortels causés par des individus du genre Causus semblent s’être révélés par la suite être des erreurs d’identification, peut-être à la suite d’une confusion avec d’autres espèces de reptiles. Le sérum polyvalent est partiellement efficace pour plusieurs espèces mais non pour toutes mais de toute manière il n’est pas en général nécessaire dans la mesure où le traitement recommandé consiste en une surveillance étroite du patient et un traitement symptomatique (analgésiques et médicaments anti-oedème) et éventuellement antibiotique. La vaccination antitétanique ou une piqûre de rappel de ce vaccin est conseillée.
Noms communs : Green night adder, Velvety night adder (anglais), Grüne Nachtotter (allemand), Vipera della notte verde, Vipera della notte di velluto (italien).
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