Famille : Salamandridae
Texte © Dr. Nicolò Pellecchia
Traduction en français par Michel Olivié
Le Triton alpestre (Ichthyosaura alpestris Laurenti, 1768) est un amphibien appartenant à l’ordre des Caudata, famille Salamandridae, qui est présent dans toute l’Europe centrale.
La famille Salamandridae est essentiellement répandue en Europe et en Asie.
Un petit nombre de genres, dont certains sont endémiques, sont également présents en Afrique du Nord et en Amérique du Nord.
Les caractères les plus répandus chez les espèces de cette famille sont la présence de substances toxiques dans la peau et la fécondation interne au moyen d’un spermatophore qui est incorporé par la femelle à l’issue d’une danse spéciale de séduction.
Le Triton alpestre est la seule espèce vivante du genre Ichthyosaura, Sonnini de Manoncourt and Lateille, 1801.
Le nom du genre Ichthyosaura vient des termes composés en grec ancien “ichtys” = poisson et ” saura” = lézard, par référence à son aspect de lézard aquatique alors que l’épithète de l’espèce alpestris = des Alpes en latin indique ici qu’elle n’est présente que dans les milieux montagnards.
Zoogéographie
Ichthyosaura alpestris a une vaste aire de répartition. En partant du Nord de l’Espagne il est présent à travers l’Europe jusqu’aux Carpates qui constituent sa limite Nord-Est et atteint au Sud le centre-Sud de l’Italie et la Grèce.
La taxonomie des sous-espèces est encore peu précise. La plus répandue qui est présente dans l’Ouest, l’Est et le centre de l’Europe, est la sous-espèce Ichthyosaura alpestris alpestris alors que dans le nord de l’Espagne on trouve l’Ichthyosaura alpestris cyreni.
Les populations italiennes sembleraient appartenir à la sous-espèce Ichthyosaura alpestris apuana excepté celles, pour la plupart isolées en Calabre, qui appartiendraient à la sous-espèce Ichthyosaura alpestris inexpectata.
Les populations du centre de la Grèce et celles du Nord du Péloponnèse font partie de la sous-espèce Ichthyosaura alpestris veluchiensis. On a observé et on débat enfin de l’existence d’éventuelles sous-espèces dans les Balkans et en Europe de l’Est.
Écologie-Habitat
Le Triton alpestre est une espèce présente entre 500 et 2000 m d’altitude mais il peut dans certains cas dépasser les 2500 m.
C’est une espèce qui passe beaucoup de temps dans l’eau et qui vit dans une grande variété d’habitats : lacs de haute montagne, plans d’eau ou cours d’eau au faible débit et même des points d’eau artificiels, des tourbières ou des fossés. Elle passe rarement l’hiver dans l’eau mais il n’est pas rare, surtout chez les populations qui vivent dans des lacs de montagne aux eaux froides, de trouver des individus néoténiques, c’est-à-dire qui conservent leurs branchies bien qu’ils aient dépassé le stade larvaire.
Durant la phase terrestre le Triton alpestre privilégie des milieux frais et humides, de préférence à proximité de cours d’eau.
Pour passer l’hiver il arrive souvent que ces animaux se rassemblent à l’intérieur de grottes en formant des groupes compacts. Des rochers, des troncs et des racines constituent d’autres abris convenables. Le régime alimentaire diffère suivant qu’ils se trouvent en phase aquatique ou en phase terrestre.
Pendant la phase aquatique ces tritons attrapent surtout de petits mollusques, des insectes aquatiques, des annélides et autres invertébrés mais on observe fréquemment aussi des prédations sur des œufs et des larves d’autres amphibiens. Par contre pendant la phase terrestre le régime des adultes d’Ichthyosaura alpestris se compose de divers arthropodes, de vers de terre et de limaces.
Morphophysiologie
Ichthyosaura alpestris est amphibien de taille modeste. En moyenne il peut mesurer de 70 mm au minimum jusqu’à un maximum de 120 mm. Les femelles sont plus grandes et ont une longueur de 100 à 120 mm alors que les mâles se contentent de 80 à 90 mm.
Comme d’autres salamandres cette espèce a de petites pattes et une longue queue mais elle s’en différencie par l’aplatissement de celle-ci dans le sens latéral.
Au cours de la phase aquatique sa peau est lisse et humide alors que pendant la phase terrestre elle est plus soyeuse et grenue. Le Triton alpestre présente des livrées différentes suivant le sexe, la période ou phase et le milieu où il vit.
Durant la période des amours les mâles arborent une crête dorsale de petites dimensions et de couleur jaunâtre parsemée de petites taches noires. Cette crête ressort de façon bien visible du fait que le dos étale une palette de couleurs allant du bleu azur clair au bleu très vif.
Le long des flancs à la superbe couleur bleu marbré on peut voir une bande de couleur blanc argenté comportant de petites taches noires et une bande de couleur turquoise. La couleur des flancs forme un magnifique contraste avec le ventre qui est orange vif.
À la différence de la livrée flamboyante des mâles les femelles présentent des couleurs plus discrètes. Elles n’ont pas de crête dorsale, celle-ci étant un caractère distinctif des mâles adultes. La bande de couleur turquoise est absente tout comme la couleur bleuâtre du manteau qui est très mat. Elle va du verdâtre au beige et du marron au noir. La couleur ventrale très vive est présente aussi bien chez les mâles que chez les femelles. Cela est dû au fait qu’il ne s’agit pas d’un caractère sexuel mais plutôt d’un mécanisme de défense. Comme beaucoup d’autres amphibiens Ichthyosaura alpestris, quand il est menacé, s’efforce d’étaler sa couleur aposématique pour signaler sa toxicité au prédateur.
Pendant la phase terrestre les couleurs peuvent paraître plus foncées. Cela est dû à l’humidité moindre de la peau qui devient plus grenue. Les populations qui vivent à des altitudes très élevées ont des teintes plus sombres et une plus grande longévité qui peut aller jusqu’à 22 ans.
Éthologie-Biologie reproductive
Le Triton alpestre est une espèce ovipare. Sa période de reproduction en Europe centrale s’étend de février à juin. Pendant la saison des amours les mâles tout comme les femelles séjournent essentiellement dans l’eau.
Le choix de la femelle est dicté par différents comportements du mâle tels que des danses de séduction, des couleurs très vives et des stimuli de diverses sortes qui peuvent être de nature mécanique et visuelle ou même chimique, comme le rejet de phéromones à partir du cloaque.
Au terme de ce rituel spécial de séduction le mâle relâche un spermatophore qui est recueilli par la femelle et qu’elle introduit dans son cloaque.
À la fin de la période de reproduction une femelle peut avoir pondu environ 250 oeufs, qu’elle enveloppe séparément en se servant de ses pattes arrière, sur les feuilles des plantes aquatiques. Le développement embryonnaire dépend beaucoup de la température de l’eau mais dure en général de 2 à 3 semaines.
Le développement larvaire s’accomplit habituellement en quelques mois mais on a observé divers cas où les larves passent dans l’eau une ou plusieurs saisons et sont considérées comme étant des “larves géantes”. Les larves de cette espèce sont totalement aquatiques et possèdent donc des branchies bien formées.
Chez cette espèce le phénomène de la néoténie ou pédomorphose est également fréquent. Les individus néoténiques présentent des caractères d’adultes, tels que des gonades bien formées, mais aussi des caractéristiques du stade juvénile comme les branchies. Dans le cas d’Ichthyosaura alpestris il s’agit d’une néoténie facultative vu que seuls certains individus ne terminent pas leur métamorphose.
La pédomorphose toutefois peut être aussi obligatoire comme c’est le cas pour le Protée anguillard (Proteus anguinis Laurenti, 1768) qui n’a pas la capacité de se métamorphoser ou presque obligatoire comme pour l’Axolotl (Ambystoma mexicanum Shaw, 1789) où ce phénomène est nettement plus fréquent que chez le Triton alpestre.
Ichthyosaura alpestris peut connaître une ou plusieurs phases terrestres qui toutes alternent avec des phases aquatiques de reproduction. L’état léthargique débute habituellement en septembre et dure jusqu’à février mais dépend beaucoup de l’altitude à laquelle vivent les populations.
Synonymes
Mesotriton alpestris (Laurenti, 1768); Triturus alpestris (Laurenti, 1768).
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