Famille : Salamandridae
Texte © Dr. Edoardo Di Russo
Traduction en français par Michel Olivié
La Salamandre tachetée (Salamandra salamandra Linnaeus, 1758) appartient à la classe Amphibia, les vertébrés qui passent au moins une partie de leur cycle vital dans le monde aquatique, à l’ordre Caudata, les amphibiens dotés d’une queue, et à la famille Salamandridae.
Cette espèce a été répertoriée dans l’Appendice III de la Convention de Berne de 1979 pour la conservation de la vie sauvage et des biotopes européens. L’UICN (International Union for Conservation of Nature) l’a inscrite dans sa Red List (Liste rouge) avec le statut “Risque minimal” (LC-Least Concern), une évaluation partagée par le Comité italien pour ce qui concerne la protection de cette espèce en Italie.
Le terme Salamandra vient du latin et du grec “salamandra” et du grec “σαλαμάνδρα” (salamandra). Ce mot a été employé pour désigner la plupart des amphibiens urodèles.
Zoogéographie
L’aire de répartition de la Salamandre tachetée comprend une grande partie de l’Europe et s’étend jusqu’à l’Anatolie et l’Afrique du Nord.
Les limites géographiques européennes correspondent à l’Ouest au Portugal, au Nord au Sud de la Pologne, à l’Est au Sud de l’Ukraine et au Sud à la Grèce.
12 à 17 sous-espèces de Salamandra salamandra, présentes pour la plupart dans la péninsule ibérique, sont actuellement reconnues quoique leur bien-fondé taxonomique fasse encore l’objet de discussions. Distinguer les différentes sous-espèces en se basant uniquement sur leur morphologie peut parfois s’avérer inefficace dans la mesure où il se produit communément des cas d’hybridation et de convergence phénotypique. Pour identifier correctement un individu il faut connaître son lieu de provenance et procéder le cas échéant à des analyses génétiques.
Voici ces sous-espèces dans leur ordre de répartition depuis leur limite Ouest au Portugal.
Salamandra salamandra gallica vit dans la bande Nord de la frontière entre l’Espagne et le Portugal. Elle se caractérise par la présence de taches noires ou jaunes qui peuvent rappeler la forme d’un fer à cheval ou d’une virgule.
Salamandra salamandra crespoi est endémique du Sud du Portugal. On la trouve en particulier dans la Serra de Monchique et la Serra de Grandola. Elle a été aussi aperçue à l’Est vers la frontière avec l’Espagne.
C’est une des plus grandes sous-espèces de salamandres. Elle a un corps massif, une longue queue et des pattes bien développées dotées de longs doigts. Sa couleur de fond est noire et comporte de petites taches jaunes disséminées sur tout le corps.
Salamandra salamandra morenica est présente depuis la frontière Sud entre le Portugal et l’Espagne jusqu’à la Sierra Morena à laquelle elle doit son nom. Elle a un corps large et une couleur noire avec des taches jaunes et rouges éparpillées en particulier dans la zone des glandes parotides.
Salamandra salamandra bernardezi est couramment appelée Salamandre d’Oviedo. Cette sous-espèce doit son nom vernaculaire à la localité située au centre de son aire de répartition. Endémique de la région Nord de l’Espagne elle a un corps de petites dimensions et une couleur où l’on note la présence d’une bande noire longitudinale qui s’étend de la tête à la queue. Certaines variantes font apparaître la présence de deux autres lignes noires sur les flancs.
Salamandra salamandra bejarae est présente dans les zones centrales et orientales de la Meseta en Espagne. Elle a une couleur principalement noire avec de petites taches jaunes irrégulières et éparses et un museau légèrement pointu.
Salamandra salamandra almanzoris est présente dans le centre de l’Espagne. On la rencontre dans les endroits les plus élevés de la Sierra de Gredos et de la Sierra de Guadarrama. Très semblable à la Salamandra salamandra bejarae elle s’en distingue essentiellement sur le plan génétique. Elle a un corps petit et des dimensions réduites par rapport à ses congénères. Elle a une couleur noire avec des taches jaunes réparties sur tout le corps.
Salamandra salamandra longirostris est une sous-espèce endémique du Sud de l’Espagne, en particulier de l’Andalousie. Appelée communément salamandre au museau allongé elle a un corps noir avec des taches jaunes quadrangulaires, un museau pointu et un ventre gris.
Salamandra salamandra fastuosa est répartie dans les monts Cantabriques et les Pyrénées occidentales et centrales, le Nord-Est de l’Espagne et la bordure méridionale de la France jusqu’ à la limite avec l’Espagne, Elle présente les caractéristiques de l’espèce qui sont les mieux mises en valeur : la couleur jaune vif est répartie le long du corps sur deux bandes longitudinales bien nettes par rapport au noir brillant. Les femelles de cette sous-espèce peuvent parfois donner naissance à des jeunes salamandres déjà métamorphosées.
Salamandra salamandra terrestris a une aire de répartition qui va de l’Est de l’Espagne jusqu’à l’Allemagne. Cette salamandre pré-alpine présente le long du dos des rayures noires qui peuvent être plus ou moins séparées.
Salamandra salamandra salamandra a une aire de répartition qui va de l’Italie à l’Europe centrale et à la péninsule des Balkans. En Italie elle est présente dans les zones pré-alpine et alpine des Alpes ligures jusqu’aux Alpes Carniques. Sa couleur se caractérise par une nette prédominance du noir par rapport au jaune. Elle a de nombreuses taches jaunes (parfois orange ou rouges) de dimensions et de formes variées qui peuvent parfois former des rayures longitudinales.
Salamandra salamandra gigliolii est une sous-espèce endémique des Apennins italiens depuis le Piémont jusqu’à la Calabre avec une population très localisée dans les Pouilles. Sa partie dorsale comporte des taches jaunes qui fusionnent souvent en formant des lignes vermiculaires. La zone ventrale présente aussi des parties jaunes et parfois orange.
Salamandra salamandra werneri est présente dans les régions du centre et du Sud de la Grèce. Elle a de nombreuses petites taches irrégulières avec de temps à autre un centre rouge vif qui peuvent parfois se disposer pour former des lignes longitudinales.
Écologie-Habitat
Comme la plupart des amphibiens la Salamandre tachetée fréquente divers types de milieux mais on la rencontre le plus souvent dans des bois frais de feuillus dont la litière est humide et où existent des cours d’eau. On peut aussi l’observer dans le maquis méditerranéen, les alpages et l’espace alpin.
Pendant la période hivernale d’hibernation elle peut être active durant de courtes périodes si les conditions climatiques le permettent mais est plus active au printemps et en automne. Comme c’est une espèce eurytherme elle parvient à vivre dans un large éventail de températures. On peut la rencontrer depuis le niveau de la mer jusqu’à une altitude maximum de 2350 m dans les Pyrénées quoique son altitude optimale se situe entre 200 et 1000 m.
Les larves peuvent vivre dans de nombreux types de milieux aquatiques qui satisfont aux besoins suivants : des zones ombragées, l’absence (ou presque) de végétation aquatique, une eau limpide et bien oxygénée et une température comprise entre 10 et 20°C.
Morphophysiologie
La particularité de cette espèce la plus flagrante est assurément l’aposématisme de sa livrée qui est caractérisée par des couleurs jaunes et d’un noir brillant.
Le côté ventral a une couleur noire plus mate ou bien noire avec des inclusions jaunes. Le schéma du motif dorsal n’est pas constant chez cette espèce et change tant suivant les différentes populations que suivant les différents individus. Les cas d’anomalie de la couleur, dont le plus fréquent est le semi-albinisme, ne sont pas rares.
La Salamandre tachetée présente un aspect général robuste et trapu.
À la différence des autres salamandres européennes elle a une queue bien développée dont la section est subcirculaire et l’extrémité légèrement arrondie. La queue a habituellement une longueur égale à celle réunie de la tête et du corps.
Ses pattes sont courtes mais robustes. Les doigts sont tous dépourvus de palmes.
Sa tête est grande, aussi longue que large, et possède un museau proéminent. Ses yeux sont grands et ont un iris marron foncé ou marron noirâtre. Elle a deux glandes parotides bien développées dont les pores sont nettement visibles et qui s’étendent de derrière les yeux jusqu’au cou.
Les parotides sont constituées d’amas de glandes granuleuses dont on aperçoit les pores de sortie des sécrétions. Il existe aussi deux rangées de pores glandulaires disposées longitudinalement sur la partie médiane du dos et de la queue.
Sa taille est comprise entre 12 et 20 cm bien que l’on ait observé de temps à autre des individus plus grands.
Le dimorphisme sexuel n’est pas très marqué. Le mâle est en général plus élancé mais le caractère le plus visible est la région du cloaque. Chez le mâle celle-ci est plus renflée que chez la femelle où elle est plus plate.
La Salamandre tachetée a un régime alimentaire de type opportuniste. Les larves se nourrissent d’invertébrés aquatiques tels que des Nématodes, des petits Crustacés, des Chilopodes, des larves d’insectes, des Gastéropodes et des Bivalves, parfois des larves d’Anoures.
Il se produit de temps à autre des épisodes de cannibalisme visant des individus plus petits dans des situations de surpeuplement et de raréfaction des proies.
Les individus métamorphosés et les adultes se nourrissent uniquement en milieu terrestre. Leurs proies sont principalement des arthropodes tels que des Insectes et leurs larves, des Chilopodes, des Diplopodes, des Isopodes, des Araignées mais aussi des Gastéropodes et des Oligochètes. Chez les adultes l’odorat joue un rôle essentiel dans la recherche des proies.
Les individus au stade larvaire sont surtout la proie de truites et de poissons carnivores dont ils partagent le milieu au cours de leurs phases de croissance. Il sont d’autre part mangés par les larves d’insectes aquatiques comme les Trichoptères, certains oiseaux et de temps à autre la Couleuvre à collier (Natrix natrix).
La Salamandre tachetée offre un très bon exemple d’aposématisme. La couleur aposématique se caractérise par un très net contraste de couleurs vives, dans le cas présent le noir et le jaune ou l’orange. Cette morphologie fait partie des mécanismes de défense contre les prédateurs dans la mesure où elle a pour rôle de servir d’alarme et d’avertir de sa toxicité. C’est précisément grâce à sa coloration que la Salamandre tachetée a peu d’ennemis naturels.
Une autre protection contre d’éventuels prédateurs est fournie par les propriétés irritantes et la venimosité des sécrétions cutanées relâchées par les glandes réparties le long de son corps. Certains prédateurs de grande taille peuvent par contre manger tranquillement des individus entiers sans subir de dommages du fait de leur toxicité. C’est le cas de la couleuvre à collier, de certaines espèces d’oiseaux carnivores et du sanglier.
Éthologie-Biologie reproductive
Salamandra salamandra est une espèce ovovivipare ce qui signifie que son mode de reproduction comporte l’incubation des oeufs à l’intérieur de la femelle puis la naissance de larves autonomes bien que les femelles de certaines sous-espèces peuvent dans certaines conditions environnementales accoucher directement de jeunes déjà métamorphosés.
La période des accouplements est principalement le printemps et l’été mais ils peuvent aussi avoir lieu en automne.
Le rituel de la reproduction se déroule en 5 phases : le mâle en rut se déplace vivement, se dresse sur ses pattes arrière et procède à une forte respiration bucco-pharyngée qui joue aussi un rôle olfactif et qui lui permet de mieux identifier l’odeur de la femelle.
Il monte ensuite sur la femelle et pendant qu’il la serre étroitement au cou il frotte sa tête avec sa gueule.
Il se glisse sous la femelle en soulevant avec sa tête les pattes avant de celle-ci pour se faufiler dessous pendant qu’il continue à stimuler sa tête avec sa gueule.
Si la femelle n’offre pas de résistance le mâle stimule par des ondulations de sa queue la région du cloaque et pour finir dépose sur le sol un spermatophore (une capsule contenant les spermatozoïdes) en se déplaçant de côté pour permettre à la femelle de l’introduire dans son cloaque. Durant leur état d’excitation et de façon générale pendant la période des accouplements les individus peuvent émettre des sons qui rappellent les chicotements des muridés.
Les spermatozoïdes restent actifs jusqu’à un an et demi après l’accouplement.
La gestation dure environ un an et à la fin la femelle donne directement naissance dans des eaux courantes et très oxygénées à 8 à 70 larves.
À leur naissance les larves sont grandes de 2 à 3 cm et au bout de 2 à 4 mois (en fonction des disponibilités trophiques et des conditions environnementales) elles peuvent atteindre 7 cm avant leur métamorphose.
La larve a quatre pattes fonctionnelles et des branchies externes qui lui permettent de respirer. Sa crête dorsale médiane peut s’étendre de la queue jusqu’à la moitié du tronc. Elle se réduit progressivement pendant la phase larvaire et finit par disparaître du dos.
D’abord marron grise ou marron jaunâtre la couleur des larves adopte la tacheture caractéristique jaune sur le dos et la queue à mesure qu’approche le moment de la métamorphose. Ce processus comporte d’abord l’apparition des pattes avant puis des pattes arrière. Dans le même temps la membrane caudale se résorbe. La dernière phase de la métamorphose consiste dans l’atrophie des touffes branchiales.
La durée de la période de la métamorphose varie suivant les conditions environnementales et trophiques mais en général elle est de 3 à 6 mois.
La maturité sexuelle est atteinte pour les deux sexes à l’âge d’environ 4 ans et aux alentours de 5 à 6 ans pour les populations montagnardes.
Dans la nature Salamandra salamandra peut vivre paisiblement jusqu’à 20 ans alors qu’en captivité on a observé une longévité moyenne de plus de 43 ans.
Synonymes
Décrite pour la première fois par Linné sous le nom de Lacerta salamandra en 1758 cette espèce a été affectée au binôme Salamandra salamandra seulement en 1896 par Lönnberg.
Proteus tritonius Laurenti, 1768; Salamandra candida Laurenti, 1768; Salamandra maculosa Laurenti, 1768; Salamandra maculata Merrem, 1820.
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