Chloris chloris

Famille : Fringillidae

Texte © Dr. Gianfranco Colombo

 

Traduction en français par Catherine Collin

 

Le Verdier d’Europe, Chloris chloris (Linnaeus, 1758), est un commun petit oiseau gracieux qui appartient à l’ordre Passeriformes et à la famille Fringillidae et comme le dit si bien ses noms, scientifique et vulgaire, sa caractéristique principale est de présenter une livrée verdâtre.

Longtemps placé dans le genre Carduelis, ce n’est que récemment qu’il a été inséré au sein du genre Chloris en adoptant un binôme tautonyme qui voit se répéter le même terme pour le genre comme pour l’espèce: Chloris du grec ancien “khloros”, vert, en référence à la couleur de sa livrée.

L’étymologie de Carduelis vient du latin “carduus”, chardon, l’aliment préféré des oiseaux de ce genre.

Cependant, cette nouvelle affectation n’est pas acceptée par tous et de nombreux taxonomistes restent attachés à l’ancienne classification, dans l’attente d’une clarification définitive qui soit partagée par tout le monde ornithologique.

Considérons aussi que Linné avait à l’origine placé cet oiseau dans le genre Loxia, celui des becs-croisés, en se basant peut-être sur la robustesse et la silhouette plutôt trapue de ce fringillidé, caractéristiques très semblables justement à celles des becs-croisés.

En effet, comme nous le verrons dans la partie morphologie de cette fiche, le Verdier d’Europe montre un aspect compact et robuste qui lui permet de dominer des oiseaux de sa taille et parfois même des oiseaux bien plus gros et redoutables.

Il suffit de l’observer aux mangeoires l’hiver quand, mêlé à tant d’espèces affamées, il fait valoir sa suprématie en éloignant des perchoirs quiconque essaie de s’approcher.

Il ouvre légèrement ses ailes, grince de son gros bec de façon menaçante, abaisse son corps comme pour courir et pique l’intrus, qu’il s’agisse d’un merle, d’un rouge-gorge ou d’une mésange charbonnière, oiseaux notoirement difficiles à combattre.

Bien que les verdiers soient des oiseaux très sociaux, même entre eux la cohabitation n’est pas facile, aux mangeoires bien sûr mais encore plus pendant la parade nuptiale et la défense du territoire.

À ce sujet, Chloris chloris est peut-être le maître du vol à la chauve-souris ou vol papillonnant, une caractéristique partagée par seulement quelques autres fringillidés, qu’il pratique sur son territoire de nidification.

C’est le premier indice de sa présence et de la prise de possession d’une zone de nidification. Un vol circulaire sur toute la largeur de la zone occupée, avec un battement d’ailes lent, ailes très ouvertes, qui ressemble à celui d’une chauve-souris et qu’il accompagne immanquablement de son habituel chant nasillard.

Une opération que le mâle répète sans relâche durant plusieurs jours, même après avoir conquis une femelle et qui sert de message de dissuasion pour ses rivaux.

Etant un oiseau commun dans toute l’Europe, il a gagné un grand nombre de surnoms, presque toujours en rapport avec sa couleur si caractéristique.

En italien on trouve Seranto, Sciaranto, Cerant, Cirant, Virduna, Vidduni, Verder et dans le monde anglo-saxon, Green linnet, Green grosbeak ou tout bonnement un amical Greenies.

Ses noms communs à travers l’Europe sont: Verdone en italien, Verderón Común en espagnol, Grünfink en allemand, Verdilhão-comum en portugais, European Greenfinch en anglais. Son charmant nom commun japonais est Aokawarahiwa.

Zoogéographie

Chloris chloris est un typique fringillidé européen, avec des populations assez importantes en grande partie sédentaires,  bien répandu à travers toute l’Europe. Il est seulement absent d’Islande, de l’extrême nord de la péninsule scandinave et de la Russie européenne. Il est également présent au Moyen-Orient, dans le Caucase et sur les côtes du nord-ouest de l’Afrique. Il existe aussi, inexplicablement, une population isolée au Kirghizstan et aux alentours.

Il a été introduit dans le sud de l’Australie et en Nouvelle-Zélande où les populations sont désormais bien établies et dans certaines pays d’Amérique du Sud comme l’Uruguay et l’Argentine. Le Verdier d’Europe ne volant pas très bien il est habituellement sédentaire sauf pour certaines populations, situées dans l’aire la plus au Nord, qui se déplacent pendant la mauvaise saison dans des quartiers situés plus au Sud mais toujours à l’intérieur de l’aire traditionnelle.

C’est à cette période qu’il devient fortement social, formant de nombreux regroupements, souvent mêlé à d’autres fringillidés avec lesquels il passe l’hiver, s’alimentant dans les terres incultes ou recherchant de la nourriture.

Bien que liée depuis toujours à un territoire bien délimité, cette espèce a donné naissance à une dizaine de sous-espèces, non reconnues par tous, typiques de zones périphériques ou concernant des populations isolées. Carduelis chloris harrisoni des îles britanniques, Carduelis chloris muehlei de la péninsule balkanique, Carduelis chloris aurantiiventris de la région méditerranéenne et macaronésienne, Carduelis chloris voosi d’Afrique du Nord-Ouest, Carduelis chloris vanmarli du Maroc, Carduelis chloris chlorotica du Moyen-Orient, Carduelis chloris bilkevitchi du Caucase, Carduelis chloris bilkevitchi du Kirghizstan, le Carduelis chloris chloris de l’Europe continentale et une sous-espèce particulière Carduelis chloris madaraszi propre à la Corse et à la Sardaigne.

Ecologie-Habitat

Chloris chloris aime les zones boisées mais pas trop densément, entrecoupées de grands espaces d’herbe et de buissons mais il occupe également des zones très cultivées, des bois et des vergers ainsi que des jardins et des parcs urbains pourvu qu’il y ait des arbres et des arbustes.

Étant un oiseau exclusivement granivore, il a pu dans certains cas tirer parti de la reconversion agricole survenue dans certaines zones du continent, qui a vu les cultures céréalières remplacer les friches et les jachères, son habitat ancestral, optant ainsi pour la reconversion.

Cela montre la faculté d’adaptation de cet oiseau.

Son habitat préféré reste cependant la prairie naturelle avec toutes ses essences traditionnelles, les friches et jachères avec de bas buissons remplis de baies, les berges de fossés et de cours d’eau pérennes et les petits bois où il peut bâtir son nid.

Morphophysiologie

Il y a un dimorphisme sexuel marqué chez cette espèce, dû principalement au coloris jaune plus accentué sur la livrée du mâle, moins marqué chez la femelle et totalement absent chez les jeunes.

Bien que sa livrée ne soit pas très variée, le Verdier d’Europe montre une élégance naturelle dans son plumage.

La couleur vert olive est prédominante sur les deux livrées. Cette couleur recouvre totalement le corps de ces oiseaux avec des nuances contrastées sur diverses parties du corps.

Chez le mâle, le vert tend plus vers le jaunâtre sur tout le corps et le jaune citron est bien évident sur les rémiges primaires, les épaules et la queue tandis que chez la femelle l’ensemble est plus terne et grisâtre.

La femelle et les juvéniles sont très semblables en hiver et, par leur attitude et leur robustesse, on pourrait presque les confondre avec nos moineaux domestiques ou avec une femelle bruant.

Chloris chloris est un petit oiseau robuste, avec une grosse tête et un bec conique, très fort et prononcé, doté d’une grande force qui lui permet de briser les graines les plus dures et les plus résistantes.

Comme chez la plupart des fringillidés, la queue montre des rectrices externes légèrement plus longues qui lui donne une forme plutôt fourchue, bien visible même à distance.

Le bec est nacré et les pattes de couleur chair-gris. L’iris est brun sombre.

Il a une longueur totale de 15-16 cm pour un poids moyen de 26 g et une envergure de 28 cm: le Verdier d’Europe est l’espèce la plus grande de son genre.

Ethologie et Biologie reproductive

Dès le mois de mars, le Verdier d’Europe commence la parade nuptiale et la délimitation du territoire, une aire qu’il gardera tout l’été afin d’élever les deux et même parfois trois couvées qu’il effectue normalement chaque année.

Le partenaire choisi, la femelle commence de manière autonome la construction du nid qui est généralement placé dans un haut buisson feuillu ou adossé au tronc d’un arbre, à la fourche d’une branche, souvent caché dans une plante grimpante et toujours bien camouflé.

Le nid est une plate-forme assez large et désordonnée formée de brindilles et de petits morceaux d’écorce, avec au centre une coupe parfaite, construite avec des fibres végétales, très fines et moelleuses, des radicelles entrelacées et des brins d’herbe très fins et, immanquablement, des crins et des poils d’animaux.

L’intérieur est adouci à l’aide de bourre végétale et de duvet douillet. La coupe a une profondeur de quelques centimètres, afin de créer une niche confortable et chaude pendant l’incubation

La femelle y pond, en moyenne, 5 œufs de couleur blanc-crème, finement tachetés de rougeâtre, qu’elle couve seule pendant environ deux semaines tandis que le mâle s’occupe de défendre le territoire. Pendant cette période, le mâle apporte souvent de la nourriture à la femelle. L’incubation est ainsi ininterrompue.

Les petits sont soignés par leurs parents pendant deux semaines puis quelques jours encore après l’envol, mais rapidement les jeunes deviennent indépendants et perdent tout contact avec leurs parents, se réunissant habituellement en bandes juvéniles.

Chloris chloris est un oiseau exclusivement granivore, si bien que pendant la nidification, il ne rapporte que rarement des insectes au nid afin de nourrir ses petits, contrairement à ce que font tous les oiseaux se nourrissant habituellement de végétaux, préférant régurgiter des graines prédigérées.

Les graines qu’il préfère sont celles de tournesol, de céréales ainsi que d’autres graines oléagineuses, même très dures, qui sont facilement cassées par ce bec qui exprime une force considérable. Bien sûr, le chardon fait aussi partie de ses graines préférées, juste pour rappeler son appartenance au genre Carduelis.

Le chant du Verdier d’Europe n’est pas mélodieux comme celui de la plupart des fringillidés mais il est pourtant agréable même s’il est ponctué de trilles stridentes et discordantes et de bourdonnements sourds.

Néanmoins, durant la période victorienne, cet oiseau était grandement capturé, comme les chardonnerets et les linottes, afin de le garder en cage et pour profiter de son chant.

Le Verdier d’Europe, bien que de petite taille, est un oiseau plutôt fort, résistant aux conditions environnementales et aux problèmes que peuvent rencontrer les oiseaux de cette taille, cependant, l’ennemi le plus sournois ne vient souvent pas du ciel ou du sol mais se niche à l’intérieur des nids sous la forme de parasites.

Il n’y a pas si longtemps, les populations de verdiers d’Europe du Royaume-Uni ont été décimées par la trichomonase aviaire. Il est encore à l’heure actuelle l’un des oiseaux les plus touchés par ce parasite. Pourtant, les populations sont stables et depuis 2018, Chloris chloris apparaît comme “LC, Least Concern”, c’est-à-dire “Préoccupation Mineure”, sur la liste des espèces en danger de l’UICN.

Synonymes

Loxia chloris Linnaeus, 1758; Carduelis chloris Linnaeus, 1758.

 

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