Famille : Congridae
Texte © Giuseppe Mazza
Traduction en français par Michel Olivié
Les Anguilles de jardin ou Congres jardiniers doivent leur nom insolite au fait qu’elles émergent du sable en grand nombre les unes à côté des autres en se balançant en position verticale dans des colonies qui peuvent compter jusqu’à des milliers d’individus, ce qui donne l’impression d’un jardin qui serait situé sur des fonds sableux et dont les tiges seraient agitées par le vent.
L’ Anguille de jardin marron (Heteroconger longissimus Günther, 1870) appartient ainsi que les congres à la famille des Congridae, à la sous-famille des Heterocongrinae qui fait partie de la classe des Actinopterygii, les poissons aux nageoires rayonnées, et de l’ordre des Anguilliformes qui comprend aussi les murènes.
Le nom du genre Heteroconger créé par Bleeker en 1865 vient du grec “heteros”, différent, par référence aux Congridae qui, à l’époque, regroupaient les genres Conger, Ophiosoma (aujourd’hui Ariosoma), Uroconger et Neoconger qui est actuellement inclus dans la famille des Moringuidae.
Le nom de l’espèce longissimus, très long en latin, tire, quant à lui, son origine du fait que sa queue est deux fois plus longue que son corps.
Zoogéographie
Heteroconger longissimus vit dans des eaux tropicales et subtropicales sur les deux rives de l’Atlantique mais essentiellement dans les Caraïbes, des Bermudes et des Bahamas au golfe du Mexique, à la Floride, aux Antilles, au Yucatan, au Belize et au Honduras jusqu’au Brésil.
Dans l’Est de l’Atlantique on ne le rencontre qu’à Madère, aux îles Canaries et le long des côtes du Sénégal où ses effectifs sont nettement moindres et où il est fait mention par certains de deux espèces différentes.
Écologie-Habitat
Les colonies se forment entre 20 et 60 m de profondeur mais également dans des eaux plus proches de la surface, jusque vers 10 m, là où le fond recèle des proies particulièrement abondantes et est propice à leur implantation.
Dans le golfe du Mexique, par exemple, elles occupent une aire dont on estime qu’elle couvre plus de 12.000 km2.
Elles recherchent en général des zones sableuses situées près des formations madréporiques où la vie et la nourriture sont abondantes.
Dans le monde des anguilles de jardin chaque poisson a son petit territoire de chasse où au centre se trouve son abri, un long tube creusé dans le sable et consolidé par un mucus qui se transforme en ciment en durcissant au contact de l’eau.
La nuit Heteroconger longissimus disparaît complètement dans son abri. Pendant le jour il se retire immédiatement au premier signe de danger.
Il sort au maximum un tiers de la longueur de son corps en se mettant en position verticale, prêt à capturer le zooplancton de passage, pour l’essentiel des copépodes et des oeufs entraînés par les courants mais ne dédaigne pas les minuscules débris erratiques ni les petits gastéropodes prosobranches qui s’approchent sans méfiance de son abri.
Morphophysiologie
Heteroconger longissimus a 158 à 168 vertèbres. Sa longueur maximale attestée est de 51 cm et son diamètre de 1,5 cm. Il n’y a pas de dimorphisme sexuel.
Comme chez tous les Anguilliformes les nageoires pelviennes sont absentes.
La pointe de sa queue est rigide. Sa nageoire caudale, petite mais visible, est fusionnée avec les nageoires dorsale et anale qui forment une seule longue crête cutanée.
Ses nageoires pectorales, typiques des anguilles et absentes chez les murènes, sont minuscules et ont une taille inférieure à celle de son grand oeil dont l’iris est de couleur marron dans sa moitié supérieure et blanc au dessous.
On observe aisément devant l’oeil le trou de la narine postérieure. Les deux narines antérieures qui sont tubulaires se situent sur le museau.
La bouche est courte et oblique. La mâchoire inférieure est saillante. Les dents qui sont disposées en rangées sont présentes aussi sur le palais.
La partie antérieure de la tête et le corps sont de couleur marron foncé et comportent une série de petits points de couleur claire alors que le ventre et la gorge sont blancs.
La nageoire dorsale et son prolongement possèdent tous deux à leurs extrémités un liseré de couleur claire.
Éthologie-Biologie reproductive
Hetereoconger longissimus est une espèce gonochorique, c’est-à-dire dont les sexes sont séparés, qui se reproduit surtout pendant la saison chaude.
Les oeufs sont planctoniques et comme chez tous les Anguilliformes les larves, dites leptocéphales, prennent en grandissant la forme d’une feuille de saule transparente et ont une tête très petite et des dents aiguilliformes saillantes.
Elles passent le stade larvaire qui dure de 6 à 8 mois dans des eaux très profondes. On en a trouvé jusqu’à plus de 900 m.
Elles ne se nourrissent pas de zooplancton comme le font normalement les larves des poissons mais attrapent les minuscules particules alimentaires qui passent à proximité.
Elles peuvent se déplacer à reculons grâce à de rapides mouvement ondulatoires ou s’enrouler en prenant l’aspect d’un cylindre gélatineux erratique qui ressemble à une petite méduse qui n’éveille pas l’intérêt des prédateurs.
Elles remontent seulement après la métamorphose et quand elles trouvent le fond qui leur convient elles creusent l’abri qu’elles utiliseront au cours de leur existence sédentaire.
La résilience de l’Anguille de jardin marron est moyenne, le temps minimal nécessaire au doublement de ses effectifs étant de 1,4 à 4,4 ans.
Son indice de vulnérabilité à la pêche, modéré mais pas négligeable, s’établit actuellement à 40 sur une échelle de 100.
Les activités humaines mises à part, le pire ennemi dans la nature de Heteroconger longissimus est l’Aigle de mer (Myliobatis aquila), une raie qui fréquente les fonds sableux et qui se livre souvent à des massacres d’anguilles de jardin.
Grâce aux ampoules de Lorenzini, un organe sensoriel spécial qui existe chez les raies et les requins, elle peut en effet détecter les champs magnétiques émis par ses proies et découvre ainsi facilement les anguilles de jardin même la nuit quand elles se sont toutes retirées dans leurs abris.
Divers poissons benthiques, d’autre part, tels que Synodus intermedius ou Synodus saurus et ceux que l’on appelle les poissons-lézards fondent à toute vitesse pendant le jour sur les anguilles étourdies qui sortent trop de leurs trous.
Heteroconger longissimus figure néanmoins depuis 2011 en tant que “LC Least Concern“, c’est-à-dire non menacé, dans la Liste Rouge de l’UICN des espèces estimées en danger.
Synonymes
Taenioconger longissimus (Günther, 1870); Nystactes halis Böhlke, 1957; Heteroconger halis (Böhlke, 1957); Nystactichthys halis (Böhlke, 1957); Taenioconger halis (Böhlke, 1957).
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