Famille : Salamandridae
Texte © Dr. Nicolò Pellecchia
Traduction en français par Michel Olivié
Présent dans toute l’Europe centrale et du Nord le Triton à crête ou crếté, Triturus cristatus (Laurenti, 1768), est un amphibien appartenant à l’ordre des Caudata et à la famille des Salamandridae.
Le nom du genre Triturus vient du latin “Triton”, le fils du dieu de la mer Poséidon et de la Néréide Amphitrite.
L’épithète de l’espèce cristatus, doté d’une crête en latin, fait référence à sa caractéristique la plus visible, la crête majestueuse des mâles.
Triturus cristatus est une espèce dont l’aire de distribution est très vaste.
Les populations situées le plus à L’Ouest sont celles de la France et de l’Angleterre. Il est présent dans toute l’Europe centrale et septentrionale et atteint au Nord la Scandinavie et au Sud la Suisse, L’Autriche et les Balkans.
À l’Est on peut l’observer jusqu’à l’Oural et l’Ouest de la Sibérie.
On dénombre actuellement en Europe six espèces assignées au genre Triturus, comme par exemple en Italie Triturus carnifex, mais il y a encore deux décennies on les considérait toutes comme des Triturus cristatus.
Écologie-Habitat
Le Triton à crête vit principalement dans les plaines et les collines entre 200 et 600 m. Les populations qui atteignent les 1000 m d’altitude sont plus rares.
Les records se situent aux environs de 1700 m.
Triturus cristatus et les autres espèces de ce genre sont généralement plus aquatiques que les autres tritons européens comme par exemple Ichthyosaura alpestris.
La phase aquatique du Triton à crête dure en général 4 à 5 mois. Il peut arriver que des individus encore sexuellement immatures passent dans l’eau la totalité de la période de reproduction.
Il colonise une vaste gamme de sites aquatiques tels que des mares, des fossés, des réservoirs d’eau artificiels et des prés inondés mais, en général, comparativement aux autres espèces de tritons il choisit des pièces d’eau plus grandes et plus profondes. Triturus cristatus est le seul triton pour qui la présence de plantes aquatiques immergées est une condition indispensable pour la ponte des œufs.
La phase terrestre de beaucoup d’urodèles est difficile à étudier et dans le cas aussi de cette espèce il existe peu de données mais celles-ci semblent toutefois indiquer une préférence pour les forêts de feuillus et les bois mixtes peu éloignés des sites de reproduction.
Morphophysiologie
Triturus cristatus peut atteindre des dimensions importantes avec une longueur maximale de 20 cm. Les mesures courantes cependant sont en général plus modestes : 12 à 13 cm pour les femelles qui pèsent 8 à 10 g et 11 à 12cm pour les mâles avec un poids de 6 à 9 g.
La couleur du dos va du marron accompagné de taches foncées au noir. Les flancs sont caractérisés par un grand nombre de points blancs. La gueule est noire et jaune et porte la même série de points que les flancs.
Pendant la phase terrestre le dos du Triton à crête est entièrement noir et sa peau a une texture veloutée.
Le ventre est orangé-rougeâtre ou jaune pâle et porte des points noirs qui créent un dessin propre à chaque individu à la façon de nos empreintes digitales.
Comme c’est le cas pour toutes les autres espèces du genre Triturus il existe un net dimorphisme sexuel.
En plus de leurs dimensions différentes les mâles, en effet, possèdent une crête voyante qu’ils arborent lors de la saison des amours. Elle atteint 15 mm de haut et s’interrompt à la base de la queue. Celle-ci est ornée d’une bande argentée-blanchâtre dont la teinte est plus vive vers la pointe.
Chez les femelles ces caractéristiques sont moins visibles. En plus de l’absence de la crête qui est remplacée par un trait de couleur marron, parfois aussi jaune, on peut les reconnaître aux plus grandes dimensions de leur queue et aux couleurs différentes du cloaque qui a habituellement la même couleur que le ventre alors qu’il est noir chez le mâle.
Éthologie-Biologie reproductive
Le Triturus cristatus se nourrit essentiellement d’invertébrés dont divers arthropodes, des lombrics et des mollusques. On a fréquemment observé des cas de prédation d’œufs, de larves et d’autres amphibiens tels que des tritons plus petits ou des têtards d’anoures.
Les principaux prédateurs de cette espèce sont les hérons, les serpents aquatiques et les poissons.
Vu leur lenteur face à un prédateur ces amphibiens se sauvent rarement mais le Triton à crête a mis au point différentes stratégies anti-prédateurs comme des vocalisations, les morsures et des postures faisant apparaître leur couleur ventrale vive qui signale leur toxicité.
Un comportement que l’on retrouve par exemple, en plus marqué, chez des anoures comme le Sonneur à ventre jaune (Bombina variegata) ou d’autres urodèles comme la Salamandrine à lunettes (Salamandrina perspicillata).
Triturus cristatus se reproduit dans l’eau et pond ses œufs entre mars et juin.
On connaît pour cette espèce des rituels d’accouplement au cours desquels le mâle s’applique en général à mettre en valeur ses caractéristiques comme sa crête élevée et sa queue argentée pour attirer la femelle.
Une fois réunis le mâle se place devant la femelle et exécute des mouvements précis pour faire étalage de sa vantardise. C’est ainsi qu’il la fouette avec sa queue ou qu’il se dresse sur ses pattes avant pour paraître plus grand. Si la femelle se retire le mâle la suit en répétant le rituel.
Quand elle finit par être consentante elle touche la queue du mâle avec son museau et celui-ci dépose sur le fond un spermatophore, la capsule contenant les spermatozoïdes.
Sa compagne se place au-dessus et l’absorbe par son cloaque.
La femelle pond environ 3 semaines après l’accouplement, durant une période qui varie de 1 à 3 mois un total de 200 à 400 œufs par saison.
Comme tous les tritons européens cette espèce aussi les attache un par un aux feuilles de plantes aquatiques mais vu les grandes dimensions des œufs qui mesurent environ 6 mm le Triton à crête choisit des plantes possédant de grandes feuilles qui les cachent mieux à la vue des prédateurs.
Des œufs naissent des larves d’environ 10 ou 11 mm qui sont dotées de branchies afin de pouvoir respirer pendant leur existence aquatique. Elles se métamorphosent 2 à 4 mois plus tard en réabsorbant les branchies quand elles atteignent 45 à 70 mm. Les cas de pédomorphose, c’est-à-dire la conservation de caractères juvéniles jusqu’au stade adulte sont assez rares comparativement aux autres tritons européens.
La durée de vie moyenne dans la nature d’un Triturus cristatus est comprise entre 5 et 6 ans. Ses effectifs sont dans l’ensemble en déclin mais il figure encore dans la rubrique “Least Concern”, c’est-à-dire peu menacé, dans la Liste Rouge de UICN des espèces en danger.
Synonymes
Lacertus aquatilis Garasault, 1764; Triton cristatus Laurenti, 1768; Turanomolge mensbieri Nikolosky, 1918; Triton blasii De L’Isle, 1862; Triton trouessarti Peracca, 1886.
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