Famille : Cercopithecidae
Texte © Martina Brescini membre API
Traduction en français par Catherine Collin
Trachypithecus auratus (E. Geoffroy Saint-Hilaire, 1812) est un primate de l’Ancien Monde appartenant à la famille Cercopithecidae, sous-famille Colobinae. Il est aussi connu comme Semnopithèque noir et sous des noms locaux comme “Lutung” et “Budeng”.
Le nom de genre Trachypithecus vient du grec ancien “τραχύς” (trakhus), rêche, rugueux et de “πίθηκος” (pithecos), singe ; le nom d’espèce auratus vient du latin “aurum”, or, en référence à sa fourrure orange vif avec des nuances tirant vers le jaune.
Selon ce qui est noté sur la Liste Rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), Trachypithecus auratus est une espèce considérée comme vulnérable à cause de l’activité humaine. Il est répertorié à l’appendice II CITES (Convention de Washington sur le Commerce International des Espèces de la Faune et de la Flore Sauvages menacées d’extinction) et protégé par les lois indonésiennes depuis 1999.
La chasse, la dégradation de son habitat et le commerce des espèces sauvages sur les marchés traditionnels et modernes exposent ce primate à des pressions incessantes, provoquant un véritable déclin des populations. On estime cette baisse à 30 % lors des 36 dernières années.
Zoogéographie
Trachypithecus auratus est un primate endémique de l’Indonésie. Il est présent sur les îles de Java, Bali et Lombok.
Des études génétiques ont identifié deux sous-espèces : Trachypithecus auratus mauritius et Trachypithecus auratus auratus, distribuées respectivement dans l’aire Ouest et Est de Java.
Morpho-physiologie
Les deux sous-espèces de Trachypithecus auratus ont un aspect très semblable. Les adultes peuvent atteindre un poids de 7 kg pour une longueur moyenne du corps de 55 cm. La longue queue, caractéristique de la sous-famille d’appartenance, peut mesurer jusqu’à 87 cm.
La peau de la face des individus adultes est bleuâtre ou noire, bordée de poils drus et frisés à l’avant. Les oreilles montrent des petites touffes blanches ou jaunâtres. Les mâchoires sont larges.
Le corps peut principalement présenter deux couleurs : la plus commune montre un manteau noir brillant, avec une légère nuance marronne (surtout sur le ventre, sur les favoris et sur les pattes). Le poil est légèrement pointu sur les membres, sur la tête et sur les flancs, et parfois sur le dos. Les paumes des mains et des pieds ainsi que la face sont d’un noir plus clair.
Il existe une autre couleur, plus rare, orange vif avec des nuances tendant au jaune sur le ventre, les membres et les oreilles. Ces individus présentent souvent une frange noire sur le dos et la peau des paumes de leurs mains et de leurs pieds ainsi que la face sont partiellement ou complètement dépigmenté.
Les femelles se différencient des mâles par des taches pubiennes plus claires, de couleur jaunâtre. Les petits montrent un pelage entièrement orange, avec une peau plus claire sur la face et les extrémités ; en grandissant celles-ci s’obscurcissent.
Les facteurs environnementaux déterminent des différences morphologiques à l’intérieur d’une même espèce à cause de la distribution géographique : la forme du corps et du crâne qui deviennent légèrement plus grands si on se déplace vers l’Est dans l’aire de répartition en sont des exemples. De plus, certaines populations de Trachypithecus auratus auratus présentent un polymorphisme particulier, se traduisant par des individus mélaniques qui gardent le manteau juvénile à l’âge adulte.
Écologie-Habitat
Trachypithecus auratus partage son aire de répartition presque toute entière avec Trachypithecus cristatus, présent aussi sur d’autres îles indonésiennes, Sumatra et Bornéo.
Trachypithecus auratus préfère les milieux montagneux composés de forêts primaires (c’est-à-dire une forêt caractérisée par une couverture totale et, habituellement, de nombreuses strates de sous-bois) et de forêts secondaires (c’est-à-dire une forêt caractérisée par une couverture moins développée et par un sous-bois dense). Trachypithecus cristatus, au contraire, occupe majoritairement des forêts de plaine, des aires forestières proches de rivières, des marais de tourbières, des mangroves et des zones côtières. Toutefois, on peut aussi le rencontrer dans les forêts primaires et secondaires à une hauteur de 600 m au dessus du niveau de la mer.
La taille de son territoire varie en fonction de l’emplacement et s’étend de 2,5-8 hectares à 20-30 hectares, avec une légère superposition entre les territoires de différents groupes.
Trachypithecus auratus est un animal diurne et arboricole.
Son régime alimentaire, principalement végétarien, comprend des feuilles, des fruits, des fleurs ainsi que des bourgeons et il y intègre des larves d’insectes.
Une caractéristique typique des colobinés est leur estomac à plusieurs chambres, contenant des micro-organismes spéciaux qui facilitent le rupture de la cellulose de façon à ce que la matière végétale soit digérée plus efficacement. Les mâchoires sont larges et le broyage de la nourriture est effectué à l’aide de dents spécialisées assistées par les grandes glandes salivaires.
Biologie reproductive-Ethologie
Trachypithecus auratus vit en groupes composés de nombreuses femelles et d’un mâle adulte (organisation unimâle-multi femelles), un certain nombre de mâles immatures, de jeunes et de petits.
Les femelles sont majoritaires dans un groupe parce que la maturité sexuelle atteinte, elles demeurent dans le groupe où elles sont nées.
En revanche, les mâles quittent leur groupe de naissance peu de temps avant la maturité sexuelle et peuvent parfois former des groupes composés uniquement de mâles.
Le nombre d’individus dans chaque groupe, pouvant varier de 5 à une vingtaine ou même un peu plus, est fréquemment constitué de 7 à 9 individus.
L’importance du groupe varie selon les aires en fonction des conditions climatiques.
La présence d’un seul mâle adulte au sein d’un groupe influe sur le comportement reproductif. Il n’y a pas de compétition entre les mâles à l’intérieur du groupe ce qui garantit le meilleur succès possible pour la reproduction.
Le Langur de java ne montre pas de saison particulière pour se reproduire et s’accouple donc durant toute l’année. Les femelles se reproduisent à partir de 3 ou 4 ans et ne donnent naissance qu’à un seul petit à la fois.
La phase d’accouplement peut comprendre trois étapes essentielles : la parade nuptiale, un éventuel rejet et la copulation.
La parade nuptiale est effectuée par les deux partenaires : la femelle secoue la tête, montre sa région ano-génitale au mâle et place son corps en position verticale en soulevant la patte avant.
Le fait de secouer la tête, de la part de la femelle, est un signal pour attirer l’attention du mâle et un marqueur du début de l’activité reproductive.
Le mâle ne montre qu’un comportement d’inspection des parties génitales de la femelle. Durant la parade nuptiale peut advenir un refus, de la part de la femelle et/ou du mâle. Ce passage se caractérise par un comportement agonistique et par un mouvement particulier, à savoir un saut. Pour finir, la copulation se produit avec la monte, très commune au sein de la famille Cercopithecidae.
Les femelles s’occupent de leur propre progéniture et en même temps participent aux soins parentaux de tous les jeunes du groupe (allomothering, allomathérapie en français); à l’inverse, elles sont très agressives envers les femelles d’autres groupes.
La couleur jaune-orangé des petits les rends assez visibles et leur garantit une meilleure surveillance et une plus grande protection de la part des femelles adultes.
Communication
Trachypithecus auratus utilise des stimuli visuels, tactiles et vocaux pour communiquer avec les autres individus. Les vocalisations d’alarme, qui ressemblent à “ghek-ghok-ghek-ghok”, servent à prévenir le groupe des dangers.
La toilette du pelage ou épouillage (“grooming”) est utilisé pour renforcer les rapports sociaux. Les agressions se manifestent par des interactions physiques et au moyen de signaux visuels et sonores afin d’établir le rang social.
Synonymes
Trachypithecus kohlbruggei (Sody, 1931), Trachypithecus maurus (Horsfield, 1823), Trachypithecus pyrrhus (Horsfield, 1928), Trachypithecus sondaicus (Robinson & Kloss, 1919) Trachypithecus stresemanni (Pocock, 1934).