Famille : Brassicaceae
Texte © Prof. Pietro Pavone
Traduction en français par Jean-Marc Linder
Brassica napus L. est le nom botanique du Colza.
Ses origines sont incertaines mais il est très probablement originaire des zones tempérées d’Europe méditerranéenne et d’Asie.
Le nom du genre est dérivé du nom latin du chou, introduit dans la littérature par Plaute (3e-2e siècle avant J.-C.), mais l’origine de ce dernier nom lui-même reste incertaine, remontant probablement au nom grec Βράσκη (braske) ou au celte bresic (chou). L’épithète spécifique donnée par Théophraste vient du nom latin de cette espèce (navone), lui-même dérivé du grec νᾶπυ, nápu (moutarde).
Le colza est une espèce cultivée en Europe, en Asie du Nord, au Japon, en Corée, en Chine, en Russie, en Afrique méridionale ainsi qu’en Amérique du Nord, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Il est en outre courant dans de nombreuses régions en tant qu’espèce naturalisée, après avoir échappé aux cultures.
Brassica napus s’est formé il y a environ 12 000 ans par hybridation ; il résulte de la fusion de deux génomes, celui de Brassica oleracea (génome CC, nombre de chromosomes x = 9) et celui de Brassica rapa (génome AA, nombre de chromosomes x = 10) et possède donc un génome allotetraploïde (AACC) avec un nombre de chromosomes x = 19. De récentes études moléculaires portant sur la vitesse d’évolution des séquences génétiques estiment que cet hybride pourrait s’être formé entre 6-7 000 ans et 38-51 000 ans.
Par ailleurs, des données moléculaires comparant différentes molécules d’ADN comme les marqueurs RFLP (Restriction Fragment Length Polymorphism) et AFLP (Amplified fragment length polymorphism) suggèrent comme origine plusieurs hybridations indépendantes ; toutefois, on ignore encore si les progéniteurs de Brassica napus étaient domestiqués ou sauvages.
En outre, des analyses des génomes chloroplastiques et mitochondriaux suggèrent l’existence, dans la lignée maternelle de Brassica napus, d’autres espèces inconnues de Brassica, dotées d’un matériel haploïde x = 9 ; elles n’excluent pas que Brassica rapa (x = 10) puisse être le parent maternel de Brassica napus.
Enfin, on ne connaît pas de populations véritablement sauvages de Brassica napus ; son origine et les processus d’amélioration par l’homme restent encore peu clairs.
La culture du colza a commencé 4 000 ans avant Jésus-Christ en Inde et il y a environ 2 000 ans en Chine et au Japon. En Europe, elle remonte autour du 13e siècle et s’est intensifiée à partir de 1700.
Aujourd’hui, Brassica napus est distribué dans le monde entier et cultivé pour la production d’huile alimentaire et comme aliment pour le bétail.
Les graines sont donc la partie commercialisée la plus importante de cette plante. Elles contiennent en moyenne 45% d’huile, 25% de protéines, 5-7% de fibres, 4-8% de glucosinolates.
En Europe et en Asie, la culture hivernale prévaut, en raison de la nécessité d’exposer la plante au froid (vernalisation) pour initier le processus de la mise à fleur. Le semis a alors lieu en automne, la jeune plante forme sa rosette basale en hiver et produit la hampe florale au printemps suivant ; la floraison a lieu généralement à la fin du printemps. La fructification se produit 6 à 8 semaines plus tard et peut durer jusqu’au milieu de l’été.
A côté des écotypes d’hiver avec leur exigence de vernalisation, il existe aussi des écotypes du printemps.
Brassica napus est une espèce annuelle ou bisannuelle ; elle présente des tiges érigées, simples ou ramifiées, glabres ou légèrement pileuses, et peut atteindre 1,3 m de hauteur. Chez les formes bisannuelles, les feuilles basales sont disposées en rosette ; leur pétiole souvent ailé est long de 15 cm ; le limbe lyré-pennatifide de 5-25 cm est partiellement lobé, et sa surface glabre ou peu pileuse. Les feuilles caulinaires sont cireuses, sessiles, à la base auriculée, amplexicaule, à marge entière et à face inférieure glabre. Les inflorescences sont des racèmes se formant sur les tiges principales et axillaires. La floraison commence à partir de la base de l’inflorescence.
Les fleurs sont régulières, jaune pâle, à quatre sépales de 6-10 × 1,5-2,5 mm et quatre pétales largement obovales, disposés en croix, de 10-16 × 6-9 mm avec un onglet de 5-9 mm et un apex arrondi. Les étamines sont tétradinames (quatre sont longues et deux sont plus courtes), les anthères mesurent 1,5-2,5 mm et les filaments, 7-10 mm. L’ovaire est supère. Les fleurs sont pollinisées par des apoïdes des genres Bombus et Apis. Dans les pays d’Europe continentale, la production de miel d’Apis mellifera est importante. En Italie, dans les zones où elle est cultivée, on obtient aussi bien des miels monofloraux que des miels de printemps multifloraux.
Après la fécondation, les pétales tombent et les fruits se forment, qui sont des siliques cylindriques mesurant 60-100 x 2,5-4 mm, sessiles, linéaires avec de légères constrictions, atténuées en un bec conique mesurant 10-16 mm. Les graines, disposées dans le fruit en une seule rangée, sont sphériques et au nombre de 12-18 par locule, généralement de couleur brun foncé et mesurant 1,2-1,8 mm. Leur tégument est réticulé-alvéolé et n’est pas mucilagineux à l’état humide. La sénescence des feuilles commence avec la maturation des siliques et leur chute commence à partir des plus basses.
Les cotylédons sont repliés longitudinalement autour de la radicelle dans la graine (condupliqués).
La plante pousse en terrain argileux riche en matières organiques, au pH de 6 à 7, drainé mais constamment humide et en plein soleil, bien qu’elle tolère un léger ombrage et résiste à des températures hivernales allant jusqu’à -12 °C.
Seules deux sous-espèces sont reconnues:
Brassica napus subsp. napus L. (colza) est une plante annuelle aux racines fines, largement cultivée pour la production de graines oléagineuses. Elle échappe facilement à la culture et se naturalise hors des cultures.
Brassica napus subsp. rapifera Metzg. ex Sinskaya, le rutabaga ou chou suédois, est une plante bisannuelle aux racines charnues qui s’échappe rarement des cultures.
Les améliorations génétiques se traduisent, en culture, par l’augmentation du rendement des graines en huile, celle la résistance aux maladies, et l’élimination ou la réduction de substances indésirables dans les graines comme l’acide érucique et le glucosinolate aliphatique. En effet, l’ingestion d’huiles contenant de l’acide érucique peut conduire au fil des ans à l’apparition de la maladie appelée lipidose du myocarde, qui entraîne des lésions cardiaques.
La première variété à faible teneur en acide érucique et en glucosinolates, appelée Cambra à partir de “Canadian Brassica”, a été obtenue au Canada en 1974 grâce à l’utilisation de rayons UV.
Par la suite, d’autres variétés de colza avec des graines à plus faible teneur en acide érucique ont été obtenues et, en 1980, on a ainsi produit le “Canola” (Canadian Oil Low Acid) qui comporte moins de 2 % d’acide érucique.
En raison de ses caractéristiques, cette variété de colza a été répandue dans le monde entier. Elle est presque exempte d’acide érucique et produit une huile destinée à la consommation humaine.
Pour l’industrie non alimentaire, on utilise les variétés plus anciennes à forte teneur en acide érucique, car on en tire l’érucamide (C22H43NO), utilisé dans les emballages alimentaires. Le principal danger de cette utilisation réside dans le risque éventuel de migration de l’érucamide depuis le matériau polymère du contenant vers les denrées alimentaires avec lesquelles il peut entrer en contact, car il s’agit d’une substance potentiellement toxique.
Sur la base de la teneur en acide érucique et en glucosinolates, on peut distinguer quatre types variétaux :
– A “double high”: haute teneur en acide érucique et en glucosinolates ;
– B “0”: basse teneur en acide érucique ;
– C “00” ou “double zéro”: teneur en acide érucique pratiquement nulle ;
– D “000”: basse teneur en acide érucique et en glucosinolates et basse teneur en fibres.
Pour les farines destinées au bétail, la réglementation européenne exige l’absence d’acide érucique dans l’huile extraite et un maximum de 30 micromoles [µmol] de glucosinolates par gramme de farine séchée à l’air.
En 1995, la société Monsanto a créé la première variété de colza génétiquement modifié capable de résister aux herbicides à base de glufosinate-ammonium (phosphinotricine).
Depuis lors, des caractères de tolérance aux herbicides (HT, Herbicide Tolerance) ont été développés pour quatre matières actives utilisées dans les herbicides : glyphosate, glufosinate-ammonium, bromoxynil et imidazoline.
La tolérance a été obtenue en introduisant des gènes d’autres organismes dans le génome de Brassica napus, en utilisant les technologies de l’ADN recombinant ; seule la tolérance à l’imidazoline a été obtenue par mutagenèse, c’est-à-dire par des processus physico-chimiques qui ont entraîné cette résistance en modifiant le code génétique.
Le colza figure désormais au rang les principales cultures oléagineuses du monde. Le sous-produit du processus de broyage pour extraire l’huile des graines est largement utilisé comme aliment pour le bétail, la volaille, les porcs et les poissons.
Le colza oléagineux produit beaucoup de nectar dont les abeilles tirent un miel clair mais piquant qui se cristallise rapidement dans les alvéoles et doit donc être extrait dès sa production. En revanche, sa tendance à la cristallisation le rend apte à être ajouté en très petites quantités à d’autres miels pour obtenir un bon miel onctueux.
Le colza présente également des propriétés phytothérapeutiques. La racine et les graines ont des propriétés antibactériennes dues à la présence de thioglycosides.
Les huiles de colza sont recommandées aux personnes souffrant de syndrome asthénique ou de troubles du système nerveux. Elles sont également un excellent diurétique et augmentent la production de sucs gastriques, stimulant ainsi l’appétit. Les fleurs améliorent le système immunitaire et produisent un effet positif sur le système génito-urinaire. Les feuilles ajoutent une saveur épicée aux plats cuisinés et sont riches en vitamine C et en acides organiques. En Australie et en Nouvelle-Zélande, la plante est utilisée dans les ragoûts, les soupes et comme exhausteur de goût.
Le suc des feuilles contribue à la guérison et à la désinfection des plaies. Il a récemment été prouvé que le colza améliore le sommeil, combat les maladies chroniques, augmente le niveau d’oxygène dans le tissu cérébral et tonifie l’ensemble du corps.
L’huile de colza est également un bon carburant de substitution au pétrole.
La production mondiale de colza est d’environ 68 millions de tonnes par an. Voici les principaux pays producteurs et, entre parenthèses, les millions de tonnes produites : Canada (15,5), Chine (14,8), Inde (6,2), Allemagne (5,5), France (3,8), Australie (3,3), Pologne (2,5), Royaume-Uni (2,2), suivis par l’Ukraine, la République tchèque, les États-Unis, la Russie, la Roumanie, le Danemark, la Biélorussie, la Hongrie et la Lituanie pour un total de 7,6 millions de tonnes.
Aujourd’hui, sur le marché mondial, la plus grande part de l’huile de Canola est d’origine OGM ; elle est largement présente dans les produits alimentaires conditionnés.
Sans entrer dans le débat entre ceux qui en invoquent les avantages et ceux qui, au contraire, en soulignent les aspects négatifs, signalons néanmoins que le gène présent dans les variétés génétiquement modifiées est probablement le principal responsable de la diminution du nombre d’abeilles.
La culture intensive de Brassica napus est soumise à de nombreuses maladies causées par divers agents : champignons, insectes, bactéries.
Au Canada, des cultivars présentant une résistance génétique au champignon pathogène Leptosphaeria maculans (Sowerby) P.Karst. ont été sélectionnés à la fin des années 1990.
Le cultivar résistant à Plasmodiophora brassicae Woronin, dit “CR” (clubroot-resistant), a été proposé aux agriculteurs en 2009, rapidement suivi par de nombreux autres. Cependant, l’agent pathogène, qui infecte les racines, a développé à son tour une résistance à ces variétés. Il a donc fallu modifier les pratiques culturales et améliorer le drainage tout en introduisant l’utilisation de la chaux pour augmenter le pH du sol, ce qui limite le développement de la maladie.
Le colza est également sensible à un chancre de la tige causé par Phoma lingam (Tode ex Fr.) Desm., mycose appelée “nécrose du collet” ou “pied noir”. Les champignons Alternaria brassicae (Berk.) Sacc. et A. brassicicola (Schwein.) Wiltshire provoquent des flétrissements foliaires.
D’autres causes de dommages aux cultures de colza sont les champignons pathogènes Sclerotinia sclerotiorum (Lib.) De By. et Peronospora brassicae Gaumann.
Chez les insectes, nous citerons le lépidoptère “Piéride de la rave” (Papilio rapae L. 1758), le coléoptère “Altise du colza” (Psylliodes chrysocephala L., 1758), les Curculionides “Charançon de la tige du colza” (Ceutorhynchus napi Gyllenhal, 1837) et “Charançon de la tige du chou” (C. quadridens Germar, 1824), le scarabée “Méligèthe du colza” (Brassicogethes aeneus Fabricius, 1775), la mouche “Cécidomie des siliques des crucifères” (Dasineura brassicae Winnertz, 1853 et la “Mouche mineuse des feuilles de colza” (Scaptomyza flava Fallén, 1823).
La “Cécidomie du chou” (Contarinia nasturtii Kieffer, 1888) est une petite mouche dont les larves envahissent les pieds de colza et provoquent la déformation des tiges et des feuilles.
Cette petite mouche est originaire d’Europe et de Turquie et a été introduite en Amérique du Nord, où elle s’avère très dangereuse. Pour finir, il faut citer ici Xanthomonas campestris pv. campestris (Pammel) Dowson, bactérie Gram-négative qui, à travers les surfaces foliaires, se propage dans toute la plante via les vaisseaux ligneux et provoque la “Nervation noire des crucifères”, l’un des ravageurs majeurs du colza et des autres crucifères dans le monde.
Synonymes : Brassica rugosa (Roxb.) L. H. Bailey, Brassica napus subsp. oleifera (Moench) Metzg. ex Sinskaya, Brassica napus subsp. pabularia (DC.) Janch., Brassica napus var. oleifera (Moench) Delile, Brassica napus var. sahariensis A. Chev., Brassica oleifera Moench, Brassica praecox Kit. ex Hornem., Napus oleifera (Moench) K.F. Schimp. & Spenn., Rapa napus (L.) Mill., Raphanus napus (L.) Crantz, Sinapis napus (L.) Brot.; Brassica campestris var. rutabaga DC., Brassica napobrassica (L.) Mill., Brassica napus subsp. napobrassica (L.) Jafri, Brassica napus var. napobrassica (L.) Rchb., Brassica napus var. rapifera Metzg., Brassica oleracea var. napobrassica L., Brassica rutabaga (DC.) Druce.
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