Phoeniconaias minor

Famille : Phoenicopteridae

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Texte © Dr. Gianfranco Colombo

 


Traduction en français par Virginie Thiriaud

 

Phoeniconaias minor, Phoenicopteridae, Fenicottero minore

Présent en Afrique australe et dans le nord-ouest de l’Inde, le Flamant nain (Phoeniconaias minor) est le plus petit et le plus nombreux de sa famille © Giuseppe Mazza

Le Flamant nain (Phoeniconaias minor Geoffroy Saint-Hilaire, 1798) appartient à l’ordre des Phoenicopteriformes et à la famille des Phoenicopteridae. Il est le plus petit de tous les flamants ainsi que celui qui compte le plus d’individus mondialement.

Le fait d’être le plus petit ne gâche en rien la particularité de son extraordinaire couleur rose vif, beaucoup plus accentuée que celle de son semblable, plus grand et très apprécié, le Flamant Rose (Phoenicopterus roseus), dont l’aire de répartition est nettement plus étendue.

Ce sera sûrement dû au fait que seule cette dernière espèce apparaît dans le ciel européen. Nous la considérons donc comme une extension des beautés africaines sur le territoire européen. Et, en tant que telle, l’âme humaine tend à exagérer le spectacle de cette présence. Mais, en réalité, le flamant nain bénéficierait d’une considération bien plus grande s’il avait, lui aussi, atterri sur notre continent.

La couleur rose est désormais traditionnellement liée au flamant, mais on peut facilement s’apercevoir de la différence de tonalité et d’intensité de cette couleur entre les deux espèces en observant l’une de ces immenses volées passer au-dessus des lacs de la vallée du Rift. Les flamants nains forment une onde rose beaucoup plus vive et se distinguent donc aisément des autres, qui semblent même blanchâtres en comparaison.

Les flamants roses vivent dans des eaux fortement alcalines, environnement idéal pour la croissance de la spiruline (Arthrospira platensis). Cette algue est l’un de ses principaux aliments.

Malheureusement, comme cela arrive à intervalles réguliers, cet oiseau est victime d’une décimation drastique, qui voit la mort de milliers de spécimens en raison de la modification des eaux dans lesquelles il vit.

En effet, les quelques lacs africains présentant les caractéristiques requises, principalement situés dans la vallée du Grand Rift, sont souvent soumis à des inondations. L’arrivée de grandes quantités d’eau de pluie modifient radicalement leur composition saline, interrompant immédiatement le cycle de production des micro-algues.

Ainsi, en quelques jours, la nourriture principale disparaît soudainement, avec les conséquences prévisibles. Le lac Bogoria, dans le Haut-Kenya, a vu ces dernières années la mort de dizaines de milliers de ces oiseaux.

Phoeniconaias minor, Phoenicopteridae, Fenicottero minore

Colonie de Phoeniconaias minor au lac Nakuru au Kenya. Pour vivre, il a besoin d’eaux très alcalines où abonde l’algue Arthrospira platensis, base de son alimentation © Giuseppe Mazza

L’étymologie du nom du genre Phoeniconaias vient du grec “Phoinix” = rouge, carmin et “naias” = naïade, nymphe d’eau. Le nom de l’espèce minor signifie mineur, en latin, en référence à ses dimensions réduites.

Phoeniconaias minor, Phoenicopteridae, Fenicottero minore

La livrée blanc-rosé atteint, en pleine période nuptiale, une couleur rose vif, avec des marques rougeâtres spectaculaires sur les couvertures primaires et des éclats carmin sur la poitrine et le corps © Giuseppe Mazza

Comme cela arrive souvent dans la classification scientifique, parfois sans motif ou de manière peu compréhensible pour le plus grand nombre, le genre auquel cet oiseau a toujours appartenu (Phoenicopterus) a été modifié. Il s’est vu assigner un nouveau genre (Phoeniconaias), plus exotique, dont il est d’ailleurs la seule espèce.

Quelques noms communs donnés en Europe : en anglais Lesser Flamingo, en allemand Zwergflamingo, en espagnol Flamenco Enano, en italien Fenicottero minore et en portugais Flamingo-pequeno.

Zoogéographie

Le Flamant nain vit dans le sud de l’Afrique et le nord-ouest de l’Inde.

En Afrique, il est présent le long de la vallée du Rift, du Soudan à l’Afrique du Sud, ainsi que sur les côtes occidentales du golfe de Guinée, du Sénégal au Nigeria puis en Angola et en Namibie, et dans toute l’Afrique australe. On le trouve également de façon plus sporadique sur le lac Tchad. En Inde, il est présent au Gujarat notamment dans les marais du Rann of Kutch.

Le Flamant nain est semi-sédentaire. Il migre périodiquement à l’intérieur du continent, entre les différents lacs alcalins dans lesquels il vit, en fonction des besoins de nourriture ou de lieu pour la nidification.

Phoeniconaias minor, Phoenicopteridae, Fenicottero minore

L’extrémité des rémiges est noire et forme une barre alaire visible uniquement en vol ou au décollage. Les pattes atteignent 60 cm et, debout, l’oiseau dépasse le mètre © Gianfranco Colombo

Ecologie-Habitat

Le régime alimentaire du flamant est très spécialisé et se compose principalement des algues Arthrospira, Oscillatoria, Lyngbya et Navicula spp., ainsi que de minuscules crevettes et crustacés, dont la teneur en pigments colorés leur donne la couleur rose vif typique.

Phoeniconaias minor, Phoenicopteridae, Fenicottero minore

Le bec est une pompe naturelle qui filtre des milliers de litres d’eau par jour, aspirés puis expulsés grâce au mouvement très rapide et continu de la langue robuste et ronde, qui agit comme un piston © G. Colombo

Le flamant est équipé d’un bec exceptionnel, une pompe naturelle qui filtre des milliers de litres d’eau par jour, retenant les minuscules éléments qui composent leur alimentation grâce à des lamelles très serrées.

L’eau est aspirée et en même temps expulsée à l’extérieur du bec par des mouvements très rapides et continus de la robuste langue ronde qui fonctionne exactement comme le piston d’une pompe hydraulique.

En observant l’opération de près, en plus du gargouillement continu produit par l’eau qui s’échappe à travers les lamelles compactes, on remarque également une mousse légère produite par la pression du liquide en sortant du bec.

Le bec des flamants a une forme étrange avec un angle à 90° à mi-longueur qui correspond à la partie qui reste immergée à la surface de l’eau, en tenant la tête pratiquement à l’envers.

La présence de cet oiseau est liée aux eaux alcalines.

On le retrouve principalement autour des lacs Magadi, Bogoria et Nakuru au Kenya, Natron en Tanzanie, Etosha Pan en Namibie, Kamfers Dam en Afrique du Sud, Aftout es Saheli en Mauritanie, Rann of Kutch, Zinzuwadia et Purabcheria en Inde.

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Des lamelles spéciales retiennent la nourriture, expulsant de la mousse hors du bec, dans un gargouillement continu © Gianfranco Colombo

Le flamant pratique également une migration quotidienne de quelques heures, qui le conduit parfois à des dizaines de kilomètres, à la recherche de lacs d’eau douce, afin de se rincer les pattes et les plumes.

Vivant dans des eaux fortement alcalines, des incrustations de sel se forment sur les pattes et les plumes, qui dans certains cas, surtout chez les petits incapables de voler, forment de véritables concrétions qui alourdissent le corps de manière à le rendre incapable de voler. Se baigner dans l’eau douce a précisément pour but de laver les plumes et les pattes de ces dépôts.

Lorsque les petits sont capables de gambader dans l’eau, ils effectuent une migration terrestre. On observe alors un mouvement de masse de la “crèche”, comptant parfois des centaines de milliers de jeunes, partant à pied vers la partie du lac qui a des eaux moins alcalines.

Morpho-physiologie

Nous avons dit que ce flamant est le plus petit de tous les membres de son groupe. Il a cependant des dimensions considérables, atteignant une longueur totale de 80 cm, sans compter les longues pattes, un poids pouvant égaler 2,5 kg et une envergure de 100 cm. Droit sur ses pattes, il dépasse un mètre de haut. Il se distingue facilement du Flamant rose par sa plus petite taille et sa couleur plus intense, mais il ne peut être reconnu immédiatement que par une comparaison directe, car leurs caractéristiques et leurs mouvements sont parfaitement similaires.

Phoeniconaias minor, Phoenicopteridae, Fenicottero minore

L’alimentation du Phoeniconaias minor est principalement constituée d’algues, mais aussi de minuscules crevettes et crustacés, dont le contenu en pigments donne à ces oiseaux la typique coloration rose vif © Giuseppe Mazza

Sur les lacs africains, sous un soleil brûlant, la réverbération de la lumière et de la chaleur est telle que la seule observation possible est celle d’une masse informe et rougeâtre se déplaçant comme une flamme vacillant dans le vent.

Il est difficile de comprendre de quelle espèce il s’agit.

La livrée est d’un blanc fortement rosé, qui atteint, en pleine période nuptiale, une couleur rose vif très accentuée, avec des marques rougeâtres sur les couvertures primaires et des éclats de couleur carmin sur la poitrine et le corps. L’extrémité des rémiges est noire et forme une barre alaire visible uniquement en vol.

Le bec est rouge foncé, d’aspect noirâtre, fortement recourbé vers le bas à mi-longueur, pour les raisons déjà mentionnées. Ses yeux rouges et leurs pupilles jaunes sont incroyablement brillants.

Les pattes, qui peuvent atteindre 60 cm de long, sont rouge feu avec des doigts palmés munis de gros ongles noirs.

Le cou est extrêmement fin et suffisamment long pour permettre à cet oiseau de mettre le bec dans l’eau en se tenant droit sur ses pattes. En vol, on se demande comment un oiseau de cette forme peut se maintenir dans les airs.

Son très long cou forme une courbe pendante vers l’avant, comme si son poids était trop important pour maintenir une position érigée. Son bec massif, bien visible, saillant comme un “timon de proue”, lui donne un aspect un peu hautain. Ses pattes, très longues et filiformes, s’étendent vers l’arrière, sur une longueur égale à celle du cou. Au milieu, se trouve un petit corps globulaire et arrondi, comme pour équilibrer les deux extensions.

Phoeniconaias minor, Phoenicopteridae, Fenicottero minore

Comme tous les échassiers, il dort sur une patte, la tête sous l’aile © G. Mazza

Les ailes, très étroites et falciformes, permettent un battement rapide et continu pour garantir l’équilibre précaire en vol et la portance réduite de cette étrange structure corporelle. Un spectacle difficile à oublier. Et pourtant, le flamant vole très bien. Un talent qu’il sait exploiter lors de ses errances continentales à la recherche de lieux où séjourner. Ces migrations sont généralement nocturnes.

Éthologie-Biologie reproductive

La vie sociale du flamant est bien connue. Il n’y a pas de documentaire naturaliste sur l’Afrique qui ne montre ces énormes volées d’oiseaux survolant les lacs de la vallée du Grand Rift.

Ondes roses qui s’élargissent ou se rétrécissent lors des passages aériens devant l’objectif des caméras. Vues depuis le sol, elles ne laissent pas deviner le nombre d’individus qui les composent.

Il est presque impossible d’observer des spécimens isolés de cet oiseau, sauf dans le cas d’individus en mauvaise santé.

Parfois, les groupes comptent des centaines de milliers d’individus, avec des concentrations telles qu’elles font disparaître de la vue la surface des lacs sur lesquels ils se sont posés.

Le lac Bogoria compte parfois plus d’un million de spécimens sans que les lacs voisins ne soient dépeuplés.

Le flamant nain niche dans de très grandes colonies mais se concentre dans peu d’endroits bien connus et constamment monitorés. Bien que ce flamant compte le plus d’individus au niveau mondial, de telles densités de population entrainent des risques. Il souffre en effet des maux typiques des oiseaux endémiques ou, comme dans le cas présent, ayant de très petites aires de répartition.

Comme nous l’avons vu au cours des dernières décennies, le risque est très élevé car il suffirait qu’un ou deux des sites fréquentés souffrent de pollution industrielle ou d’accidents atmosphériques entrainant une modification biologique de l’eau, pour détruire des populations entières, formées de centaines de milliers d’individus.

C’est pour cette raison, en plus du fait d’être le plus nombreux, que le flamant nain est le plus contrôlé et placé parmi les espèces soumises à un “risque particulier”.

L’espèce est monogame et le choix du partenaire se fait de manière sociale avec des représentations de groupe. Une danse à l’unisson de centaines de spécimens, dans des eaux peu profondes, avançant d’avant en arrière avec une synchronisation parfaite, comme un ballet bien étudié. Le cou est tendu au maximum vers le haut, et les battements d’ailes qui accompagnent la parade soulignent encore plus la couleur rouge de leur livrée.

Le nid est un tas de boue et de plumes qui s’élève à plusieurs cm du sol. Sa structure en cône tronqué, se termine par un sommet en forme de coupe, dans laquelle est déposé l’unique œuf. Les deux partenaires s’alternent durant la couvaison qui dure 28 jours.

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Chaque jour, des volées de flamants migrent pendant quelques heures depuis les eaux salées où ils trouvent leur nourriture jusque dans des lacs ou des sources d’eau douce © Giuseppe Mazza

Les jeunes sont nourris par leurs parents avec une bouillie très nourrissante, régurgitée directement dans le bec, formée des micro-organismes prédigérés dont ils se nourrissent. Après une semaine, les jeunes sont capables de marcher et de rejoindre la “crèche” où ils vivront pendant les 12 semaines suivantes, jusqu’à ce qu’ils puissent prendre leur envol.

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Tel ce flamant en train de nager, ils doivent régulièrement se laver les pattes et les plumes, afin de ne pas s’alourdir d’incrustations salines qui, en s’accumulant, pourraient les rendre incapables de voler © Gianfranco Colombo

La maturité sexuelle est atteinte dès la deuxième année. Ils peuvent vivre plus de 50 ans.

C’est un oiseau qui s’adapte très bien à la vie dans les parcs naturels et les zoos même si, après un court laps de temps, son plumage perd presque complètement la belle couleur rose typique. Dans la nature, il a de nombreux ennemis naturels, des hyènes, chacals et babouins par voie terrestre, en passant par les aigles, hiboux et marabouts (Leptoptilos crumenifer) par voie aérienne. Dans le passé, l’homme a également chassé cet oiseau en raison de la bonté de sa langue et de ses œufs. Des pratiques aujourd’hui heureusement presque oubliées.

Synonymes

Phoenicopterus minor Geoffroy Saint-Hilaire, 1798.