Spheniscus demersus

Famille : Spheniscidae

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Texte © Dr. Gianfranco Colombo

 

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Traduction en français par Michel Olivié

 

Spheniscus demersus, Spheniscidae, Manchot africain, Manchot du Cap, Manchot aux pieds noirs

Le Manchot du Cap ici dans son terrier est appelé en allemand et en afrikaans Manchot à lunettes à cause de son masque facial caractéristique © Giuseppe Mazza

Peu nombreuses sont les espèces de manchots qui vivent dans des milieux éloignés des glaces de l’Antarctide et des îles subantarctiques et très peu nombreuses sont celles qui ont choisi des latitudes situées dans des zones tempérées ou même équatoriales.

C’est le cas de certaines espèces néo-zélandaises qui vivent par 45° de latitude Sud, des manchots de la péninsule de Valdés en Argentine par environ 43°, de ceux des îles Galapagos situées exactement sous l’équateur. Mais l’Afrique aussi a ses manchots  par 42° de latitude, pratiquement sous le tropique du Capricorne.

Ces espèces, du fait du milieu plus accueillant où elles vivent, ont pu être étudiées plus régulièrement et de façon plus détaillée que toutes les autres espèces similaires, ce qui a permis de connaître leur vie de façon si détaillée que l’on peut affirmer, sans le moindre doute, que ce sont les manchots parmi les plus étudiés au monde.

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Panorama de la réserve naturelle de Saldanha à 150 km environ au Nord du Cap qui accueille des centaines de couples de Spheniscus demersus. Plus au Sud au large de l’île de Dassen nichent environ 60.000 manchots du Cap réunis en une gigantesque colonie qui regroupe presque les 2/3 des effectifs de cette espèce © Giuseppe Mazza

Le manchot présent en Afrique est l’un d’eux et il ne fait pas de doute, vu son implantation dans une région habitée depuis des siècles par une population évoluée et fortement attachée à la protection de la nature, qu’il a joui d’une protection ancienne qui l’a aidé à traverser sans encombres les périodes agitées qu’a connues cette espèce.

Il est bon de rappeler que la Namibie et l’Afrique du Sud où vivent ces oiseaux ont été les premiers pays au monde à créer des parcs nationaux voués à la protection de la faune, déjà respectivement en 1906 et 1926.

Le Manchot africain ou Manchot du Cap ou encore le Manchot aux pieds noirs (Spheniscus demersus Linnaeus, 1758) appartient à l’ordre des Sphenisciformes et à la famille des Spheniscidae. Il est le seul manchot présent sur le sol africain.

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Le voici, haut d’environ 70 cm, dans l’habit typique noir et blanc des manchots avec ses pattes courtes, foncées et palmées, son bec robuste et légèrement crochu, sa langue épineuse conçue pour retenir les poissons capturés et ses ailes réduites à des moignons musculeux dont il se sert comme des nageoires pour voler sous l’eau avec des apnées incroyables qui peuvent même atteindre les deux ou trois minutes jusqu’à 30 m de profondeur © Giuseppe Mazza

Comme tous les manchots vivant en dehors des régions habituellement glacées cette espèce a également la particularité d’être de petites dimensions et a, tout en ayant la livrée typique des manchots, une caractéristique tout-à-fait surprenante qui la distingue de toutes les autres et qui lui a valu d’être sympathiquement connue.

Ce manchot brait au sens propre du terme. Il émet un son tellement semblable au braiment d’un âne qu’il est localement et avec raison  connu sous le nom de manchot jacasseur.

Dans d’autres pays on a conservé dans son nom la référence géographique à la célèbre ville sud-africaine du Cap ou bien, comme le font les Allemands et les Afrikaners,  on se réfère à son  motif facial ressemblant à des lunettes.

En anglais c’est le Jackass penguin, en afrikaans, la langue originelle de ces pays, le Brilpikkewyn, en allemand le Brillenpinguin, en espagnol le Pingüino de El Cabo, en portugais le Pinguim do cabo et en italien le Pinguino del Capo.

L’étymologie du nom scientifique, comme c’est souvent le cas, est issue en partie du grec ancien.

Spheniscus vient de “sphenos” = coin, à cause de la forme fuselée des ailes qui ressemblent aux nageoires d’un gros poisson tandis que “demersus” vient d’un mot latin qui signifie plongé, immergé.

Zoogéographie

Cette espèce est cantonnée aux côtes Sud-Ouest de l’Afrique avec pour limite au Nord quelques îles au large de la Namibie et au Sud les rivages de l’Afrique du Sud , la limite Est se situant près de la ville de Port Élisabeth.

Comme tous ses proches parents les manchots du Cap vivent dans des colonies très peuplées ce qui leur garantit une certaine sécurité contre d’éventuels prédateurs mais présente par contre un sérieux danger quand des conditions environnementales ou des modifications soudaines du milieu ou encore des accidents dus à d’éventuelles pollutions peuvent créer des risques importants pour la survie d’une population entière.

Aujourd’hui il existe seulement une trentaine de colonies dans toute l’Afrique et pour cette raison précise l’espèce est considérée comme étant en grand danger vu sa concentration dans des territoires si réduits.

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L’océan est son milieu. Quand il pêche en groupe ses pattes palmées situées très en arrière sont un bon moteur propulsif avec une vitesse respectable de 30 km/h © Giuseppe Mazza

Il faut ajouter à cela la forte pression subie par certaines colonies du fait du tourisme de masse qui , même s’il est discrètement encadré, ne favorise pas la tranquillité de ces oiseaux, en particulier pendant la période de reproduction.

Écologie-Habitat

Les lieux habités par ces manchots sont en général des zones rocheuses, arides et dépourvues de végétation arborée. Beaucoup de colonies sont installées, quand elles conviennent à leurs besoins, sur des îles inaccessibles aux prédateurs terrestres et très proches de leurs lieux de pêche mais elles sont également présentes sur la terre ferme quand aucun espace insulaire n’est disponible.

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À terre le Spheniscus demersus se déplace maladroitement et ne vient que pour se reproduire et changer ses plumes chaque année à l’abri des prédateurs © G. Mazza

Leur habitat naturel comporte aussi l’existence d’un sol suffisamment meuble pour qu’ils puissent creuser des terriers dans lesquels ils aménageront leur nid et qui sont des abris qu’ils défendront fermement contre les occupations d’éventuels adversaires.

Vu qu’il s’agit d’un oiseau aptère qui ne peut vivre loin de la mer c’est un point d’attache immuable dont dépendent sa survie et celle de sa progéniture.

Il passe une grande partie de son temps dans l’eau. Pendant la période de nidification les partenaires passent aussi à tour de rôle une partie de la journée en mer en laissant leur conjoint dans le terrier s’occuper de la couvaison ou des petits tout juste nés.

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Adulte en pleine mue. Cette phase très délicate qui dure 21 jours est précédée d’une période d’engraissement dans les eaux poissonneuses environnantes où il ingurgite jusqu’à un demi-kilo d’anchois par jour pendant 3 semaines. Ensuite, après la fin de la mue, on a observé qu’il lui faut en général 40 jours pour récupérer son inévitable perte de poids avant de pouvoir dire adieu pendant des mois à la terre ferme et de repartir en pleine forme vers la haute mer © Giuseppe Mazza

Morphophysiologie

La livrée des manchots du Cap est très semblable à celle de beaucoup d’autres espèces :  l’habit typique blanc et noir, les pattes courtes, foncées et palmées, le bec robuste et légèrement crochu, la langue épineuse faite pour retenir le poisson qui a été attrapé , une queue non prononcée et pointue  et naturellement aucune plume qui l’inciterait à s’envoler.

Ses ailes sont aujourd’hui réduites à des moignons robustes qui lui servent, quand il est dans l’eau , à nager plus vite et, quand il est à terre , à se balancer d’avant en arrière comme un petit soldat de façon à imprimer un rythme régulier à sa démarche maladroite. Pour cela ses pattes sont placées nettement en arrière afin d’être utilisées comme un véritable moteur de propulsion.

À l’arrêt, naturellement, il reste dans une position parfaitement droite appuyé sur la plante des pieds et en équilibre sur les plumes rigides de sa queue à la façon d’un trépied. Quand, par contre,  il se repose il se place directement sur le ventre en position allongée comme il le fait lorsqu’il couve.

Dans l’eau le manchot n’est plus un oiseau mais devient en fait un gros poisson aux ailes musculeuses qui pour cela se transforment en de véritables nageoires qui permettent de donner à cet animal une rapidité surprenante.

Il agite en effet ses ailes sous l’eau comme il le ferait s’il volait avec naturellement à cause de la forte pression une rapidité moins grande mais qui atteint dans tous les cas la vitesse respectable d’environ 30 km/h.

Ses dimensions sont tout-à-fait respectables : il a une longueur d’environ 70 cm et un poids pouvant atteindre 3 kg. Sa livrée est de couleur  noire sur le dos et blanche sur le ventre avec deux bandes verticales qui s’étirent sur les flancs jusqu’aux pattes et qui se rejoignent sur la gorge en formant une ample collerette. Le motif de couleur noire reproduit sur la poitrine est unique et propre à chaque individu comme le feraient des empreintes digitales.

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Ici par contre c’est un couple dans son nid creusé sous un gros rocher. L’union dure toute la vie, même après la période nuptiale et même s’il se produit des éloignements partiels dus à la pêche mais toujours à l’intérieur de la colonie d’appartenance. Les femelles pondent 2 gros œufs blancs qui sont couvés par les deux partenaires pendant environ 40 jours. Ils sont très goûteux. Entre 1917 et 1927, avant qu’une loi ne mette fin au saccage, les populations locales les récoltaient au rythme de 500.000 par an © Giuseppe Mazza

Sa tête est blanche et traversée par une  ligne centrale qui va du bec à la nuque et donne un menton totalement noir.

Ses yeux noirs sont entourés d’un bordure oculaire très blanche ressemblant à des lunettes et surmontés par un léger sourcil de couleur rosée.

Il n’existe pas de nette différence entre les sexes sinon les mensurations légèrement plus fortes des mâles et son bec légèrement plus long. Les jeunes aussi, après quelques semaines,  ont l’apparence des adultes.

Éthologie-Biologie reproductive

Le manchot du Cap est monogame et son union dure toute la vie. Le couple reste uni même après la période nuptiale. Des absences partielles se produisent mais toujours à l’intérieur de la colonie d’appartenance. À l’approche de la période de reproduction le couple se reforme immédiatement et mène une vie normale.

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Les petits restent au nid pendant environ un mois où ils nourris par leurs parents puis ils se font courage et sortent en formant avec ceux de leur âge des colonies compactes et bruyantes qui attendent leur nourriture. Leur alimentation est basée surtout sur les poissons, mais aussi sur les mollusques et les crustacés © Giuseppe Mazza

Les terriers sont occupés à l’année mais pas toujours par le même couple. Les jeunes, de leur côté, se comportent de manière autonome en creusant leurs propres terriers.

Cette espèce pond des œufs de couleur blanche et de bonne taille qui sont couvés par les deux parents pendant environ 40 jours. Les petits restent confinés à l’abri dans le nid pendant environ un mois tant qu’ils ne sont pas suffisamment robustes pour sortir à l’extérieur et résister aux conditions climatiques locales où souvent les températures peuvent monter jusqu’à devenir brûlantes.

Pendant cette période les petits forment des colonies compactes et bruyantes  et demeurent constamment dans l’attente des passages de leurs parents qui vont et viennent entre mer et terre afin de leur apporter de la nourriture.

C’est seulement après 10 à 15 semaines qu’ils sont prêts à affronter la mer et à se rendre totalement autonomes.

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Le Spheniscus demersus n’a pas beaucoup d’ennemis dans l’eau. Très agile, il arrive souvent à échapper à ses prédateurs naturels : les requins, les orques et les lions de mer, mais aujourd’hui cette espèce est sérieusement menacée par la pêche industrielle des anchois. D’après des estimations de densité de population effectuées sur la base de photos d’époque il apparaît avec certitude qu’au début du XXe siècle il y avait dans l’île de Dassen au moins 1.500.000 individus contre 60.000 aujourd’hui © G. Mazza

Leur alimentation est basée uniquement sur les poissons, les mollusques et les crustacés qui sont très abondants dans ces eaux tempétueuses.

Le Spheniscus demersus n’a pas beaucoup d’ennemis dans l’eau. Des squales, des orques et des lions de mer sont très fréquents dans l’océan Atlantique et l’océan Indien à leur point de rencontre en face des côtes sud-africaines. L’abondance des poissons crée immanquablement une chaîne alimentaire naturelle qui comporte l’existence hiérarchique de toute une série de prédateurs, y compris bien entendu les grands mammifères marins qui se placent au sommet de cette chaîne.

Il n’est toutefois jamais facile pour eux de chasser ces oiseaux agiles et leur impact est pratiquement nul si on le rapporte au nombre total des populations. Cette espèce est fortement protégée bien qu’elle ne soit pas en danger dans l’immédiat.

 

Voir aussi les comptes-rendus journalistiques

 

→ Spheniscus demersus : les manchots qui vivent au chaud

→ Les Anchois : une usine particulière en Afrique du Sud