Charonia variegata

Famille : Charoniidae


Texte © Dr. Domenico Pacifici

 

michel.gif
Traduction en français par Michel Olivié

 

Presente nell’AtlaPrésent dans l'Atlantique Charonia variegata se trouve aussi en Méditerranée le long des côtes de la Grèce et de la Turquie.

Présent dans l’Atlantique Charonia variegata se trouve aussi en Méditerranée le long des côtes de la Grèce et de la Turquie © levend

Charonia variegata (Lamarck, 1816) est un mollusque gastéropode marin appartenant à la famille des Charoniidae.

Cette espèce est également connue sous les noms évocateurs de Triton de l’Atlantique et de Conque de Triton qui lui ont été donnés en l’honneur du fils du roi de la mer Poséidon que l’on représente souvent tenant un coquillage dans la main dont il se sert comme d’une trompette pour apaiser les tempêtes.

À l’origine en effet son nom était Triton variegatum mais il fut changé en Charonia en 1969 par Johannes Gistel parce que le nom “Triton” était devenu polysémique, c’est-à-dire possédant de nombreuses significations.

Le nom du genre Charonia vient du nom romain Charon, en grec ancien “Kharon”, célèbre personnage de la mythologie qui accompagnait les âmes des défunts au moment de la traversée du Styx, le fleuve des Enfers.

Le nom de l’espèce variegata est issu du latin “variegatus”, tacheté, bigarré par référence à la livrée de cet animal.

Charonia variegata est un mollusque de grande taille qui peut atteindre 40 cm et se déplace en général sur les fonds entre 5 et 20 m de profondeur mais on en a trouvé jusqu'à 100 m.

C’est un mollusque de grande taille qui peut atteindre 40 cm et se déplace en général sur les fonds entre 5 et 20 m de profondeur mais on en a trouvé jusqu’à 100 m © Falk Viczian Solarboot-Projekte gGmbH

Zoogéographie

Le genre Charonia comprend au moins quatre espèces réparties dans les eaux tempérées et tropicales : Charonia lampas (Linnaeus, 1758) répandue dans les eaux tempérées des océans Atlantique, Indien et Pacifique et dans l’Ouest de la Méditerranée, Charonia marylenae Petuch & Berschauer, 2020 dont l’aire de répartition se limite au Sud du Brésil, Charonia tritonis (Linnaeus, 1758) qui est l’espèce la plus grande et a la plus vaste aire de distribution géographique qui s’étend à travers la région tropicale Indo-Pacifique et Charonia variegata qui s’est séparée de la précédente sur les plans génétique et géographique à la suite du soulèvement de l’isthme de Panama à la fin du Pliocène (3,3-3,0 Ma) et qui est répartie dans l’océan Atlantique depuis la Caroline du Nord jusqu’aux côtes du Brésil.Elle est moins fréquente dans la partie de l’Atlantique qui baigne le Nord-Ouest de l’Afrique, les îles Canaries, Madère, les îles du Cap Vert et Sainte-Hélène.

Ses spires de Charonia variegata sont bien nettes et irrégulières. Les lèvres de l'opercule ont des franges transversales de couleur blanche en forme d'ongle appelées dents.

Ses spires sont bien nettes et irrégulières. Les lèvres de l’opercule ont des franges transversales de couleur blanche en forme d’ongle appelées dents © Laurent Fey

En Méditerranée ce mollusque a colonisé les rivages de la Grèce et s’est répandu tout le long de la côte de la Turquie et de Chypre bien que selon certains auteurs les populations cypriotes pourraient appartenir à l’espèce Charonia seguenzae (Aradas & Benoit, 1871).

Écologie-Habitat

Charonia variegata a une préférence pour les eaux peu profondes dont l’amplitude bathymétrique est comprise entre 5 et 20 m bien que dans des cas très rares on ait découvert des individus à

plus de 100 m de profondeur, ce qui prouve l’incroyable capacité d’adaptation de cette espèce.       On peut le rencontrer dans les prairies de phanérogames, les barrières de corail et en particulier sur des algues, des pierres, des coraux, des rochers et du sable.

Les tentacules jaunes barrés de noir à la fonction olfactive-sensorielle sont caractéristiques de Charonia variegata. Ils aident les yeux pendant la chasse et flairent l'approche d'éventuels prédateurs.

Les tentacules jaunes barrés de noir à la fonction olfactive-sensorielle sont caractéristiques. Ils aident les yeux pendant la chasse et flairent l’approche des prédateurs © Brian Cole

C’est un prédateur nocturne vorace qui se nourrit principalement d’échinodermes, c’est-à-dire d’oursins et d’étoiles de mer et aussi de temps en temps d’holothuries comme les concombres de mer.

Il capture sa proie en la bloquant avec son pied robuste puis après avoir  perforé son derme avec sa radula, la langue typique des gastéropodes, il lui injecte une salive paralysante et aspire sa substance interne.

L’ingestion et la digestion de la proie peuvent prendre plusieurs jours mais dans certains cas, si leurs dimensions sont modestes, il peut aussi ingérer de petits mollusques entiers.

Morphophysiologie

Charonia variegata a bloqué ici avec son pied un Oréaster reticulatus. En performant son derme il a injecté dans cette étoile de mer une salive paralysante et il en aspire l'intérieur.

Celui-ci ici a bloqué avec son pied un Oréaster reticulatus. En performant son derme il a injecté dans cette étoile de mer une salive paralysante et il en aspire l’intérieur © Brianna Tracy-Sawdey

La coquille de ce mollusque a des dimensions importantes. Elle peut atteindre au maximum une longueur de 40 cm. Elle a une forme fuselée avec une extrémité pointue et une coloration bigarrée constituée de teintes qui vont du blanc crème au marron foncé ou, à l’occasion, à l’orange et à une couleur dorée.

Les spires sont bien nettes et irrégulières. Les lèvres de l’opercule sont garnies de franges transversales en forme d’ongle et de couleur blanche appelées dents.

Cet animal a un corps de couleur jaune et des taches de couleur marron clair qui sont disséminées sur l’ensemble de son corps.

Une caractéristique très visible est constituée par les tentacules de couleur jaune rayés de noir situés sur la tête. Ils ont une fonction olfactive-sensorielle et servent à la chasse ou à la détection de prédateurs dans les environs.

En Méditerranée, ici en Espagne, la proie de service est un Paracentrotus lividus, un oursin très abondant le long des côtes.

En Méditerranée, ici en Espagne, la proie de service est un Paracentrotus lividus, un oursin très abondant le long des côtes © Susanne Spindler

Éthologie-Biologie reproductive

A la différence de beaucoup de mollusques gastéropodes cette espèce n’est pas hermaphrodite mais a des sexes séparés. Sa reproduction s’effectue par fécondation interne. Après la fécondation la femelle pond environ une centaine d’œufs en forme de goutte qu’elle fixe sur une paroi rocheuse ou dans une cavité bien à l’abri. Plusieurs études ont récemment démontré que la femelle reste en contact avec sa couvée pendant toute la durée du développement des œufs.

Au bout d’environ trois ou quatre semaines les œufs éclosent et relâchent les larves en pleine mer. Les larves se développent pendant plus de trois mois et sont du type “veliger”. C’est une forme larvaire des gastéropodes qui est caractérisée par une petite coquille entourant les organes viscéraux et un “velum” cilié servant pour la nage et la récolte de particules alimentaires présentes à proximité.

Deux individus côte à côte. Si l'opercule s'est levé ce n'est certes pas pour la chasse. À la différence de beaucoup de gastéropodes Charonia variegata n'est pas un mollusque hermaphrodite mais a des sexes séparés et la reproduction s'effectue par fécondation interne. La femelle pond une centaine d'œufs en forme de goutte fixés au fond .

Deux individus côte à côte. Si l’opercule s’est levé ce n’est certes pas pour la chasse. À la différence de beaucoup de gastéropodes Charonia variegata n’est pas un mollusque hermaphrodite mais a des sexes séparés et la reproduction s’effectue par fécondation interne. La femelle pond une centaine d’œufs en forme de goutte fixés au fond © Ben Hutchins

Dans certaines parties du monde telles que la Guadeloupe Charonia variegata est utilisée dans un but alimentaire et l’on a de ce fait  fixé pour sa capture une taille minimale de 25 cm.

Les populations des espèce de Charonia, jadis abondantes, sont en déclin et ont même totalement disparu dans de nombreuses zones géographiques en raison  surtout d’une récolte excessive.  Actuellement, bien qu’elle ne figure pas dans la Liste Rouge de l’UICN, Charonia variegata est une espèce protégée dans l’Annexe II de la Convention de Berne de 1979 et de la Convention de Barcelone 1999.

Synonymes

Charonia tritonis variegata Lamarck, 1816; Triton variegata Lamarck, 1816; Triton atlantica Bowdich, 1822; Tritonium sulcatum Risso, 1826; Charonia tritonis nobilis Conrad, 1849Triton nobilis Conrad, 1849; Tritonium commutatum Kobelt, 1876; Tritonium sulcatum Risso, 1826.

 

→ Pour apprécier la biodiversité des MOLLUSQUES cliquez ici.