Famille : Cypraeidae
Texte © Dr. Domenico Pacifici
Traduction en français par Michel Olivié
On raconte qu’à la fin du XIIIe siècle Marco Polo, au cours de son voyage en Chine, avait remarqué que les indigènes utilisaient des “coquillages de porcelaine et d’or” lors de leurs échanges commerciaux.
Ce ne fut pas l’or, manifestement, qui attira l’attention du célèbre explorateur mais ces petits coquillages très brillants et lisses sans qu’il sache qu’il était en train d’observer quelque chose qui allait changer l’histoire de l’humanité dans les siècles à venir.
Son petit mais ô combien grand sujet d’intérêt n’était autre qu’un mollusque gastéropode : son nom est Monetaria moneta Linnaeus, 1758. Avec une espèce voisine appelée Monetaria annulus, il fut la première forme de monnaie internationale de l’histoire de l’humanité.
Désignés sous le nom de “cauris” ces coquillages font tous deux partie de la famille des Cypraeidae, une des plus connues et des plus complexes du monde des gastéropodes marins avec plus de 200 espèces et des centaines de sous-espèces, ce qui souligne la forte spécialisation de ce groupe.
Le nom d’origine était Cypraea moneta mais le genre a été changé en Monetaria aux environs de la moitié du XIXe siècle dans le but de rassembler tous les coquillages cauris utilisés dans un but commercial.
Même si l’on devine que son nom latin provient directement du mot “moneta” on connaît moins la signification de ce mot lui-même : moneta vient en effet du verbe moneo qui vent dire avertir, alerter et fait référence à ce qu’aurait fait la déesse Junon si Rome avait été menacée par un danger imminent. Sa statue, appelée justement “Moneta”, se trouvait à l’intérieur de l’atelier monétaire romain.
Zoogéographie
Monetaria moneta est une espèce très répandue dans les eaux tropicales de l’océan Indo-Pacifique. Elle peuple toutes les côtes de l’Afrique de l’Est et du Sud en passant par Madagascar, la mer Rouge, l’Est de la Polynésie et les Galapagos, du Sud du Japon jusqu’aux côtes hawaïennes.
Elle semble être également présente en mer du Nord dans les eaux qui baignent le littoral des Pays-Bas mais sa forte ressemblance avec sa petite soeur Monetaria annulus donne souvent lieu à des observations qui ne sont pas toujours exactes.
Écologie-Habitat
Ce mollusque vit dans la zone du milieu marin appelée mésolittorale (ou intertidale) comprise entre les niveaux de de la marée basse et de la marée haute. Pour cette raison cette aire peut s’étendre sur quelques centimètres ou plusieurs mètres mais en général Monetaria moneta ne descend pas à plus de 10 m de profondeur.
Pour survivre dans ce milieu en perpétuel changement et caractérisé par de brusques modifications de salinité et de température Monetaria moneta se réfugie dans les mares qui se forment quand l’eau se retire à marée basse, dans les zones rocheuses où les eaux sont peu profondes ou même les restes de coraux ou de bivalves vides si la situation devient extrême. C’est un animal strictement nocturne qui aime brouter les algues qui poussent sur les rochers environnants et des morceaux de corail mort au moyen de sa langue épineuse appelée radula. Cependant, bien qu’elle soit très utilisée sous forme de monnaie, on sait encore peu de choses sur les habitudes écologiques et alimentaires de cette espèce.
Morphophysiologie
Monetaria moneta est un gastéropode de petites dimensions dont la coquille peut atteindre une longueur maximale de 4,5 cm mais il est plus fréquent d’en trouver avec une longueur d’environ 3 cm. La surface supérieure de la coquille est lisse et convexe, de couleur blanc cassé tendant vers le beige, aplatie et irrégulière et forme une sorte d’hexagone allongé avec des dos très calleux alors que l’ouverture sur la partie ventrale présente des surfaces dentées qui sont typiques de ce groupe.
Le manteau est de couleur blanc crème et comporte des rayures zébrées de couleur marron noirâtre. Il peut être étiré jusqu’à recouvrir complètement la coquille.
Cette caractéristique est propre aussi à d’autres membres de la même famille et joue un rôle tant au niveau du mimétisme qu’à celui des analyses du milieu vu que de nombreuses papilles sensorielles exerçant cette fonction se ramifient à partir du manteau.
Cependant, étant donné la variété de formes complexe que cette espèce parvient à générer il est difficile de fournir une description univoque valable pour chaque individu et il n’est pas rare que lors de son catalogage on la confonde avec une espèce différente.
La radula, la langue épineuse qui lui sert à gratter sa nourriture, est un paramètre très important que l’on utilise pour la classification des gastéropodes et la disposition de leurs dents permet de déterminer leur différente typologie.
Dans le cas de Monetaria moneta elle a été définie comme étant du type taenioglosse et se caractérise par une dent centrale accompagnée d’une dent latérale et de deux dents secondaires de chaque côté.
Éthologie-Biologie reproductive
Les individus de cette espèce présentent un net dimorphisme sexuel. Les mâles ont de plus grandes dimensions que les femelles.
Les femelles pondent leurs oeufs sur des surfaces dures et, à la différence d’autres gastéropodes, elles restent sur place afin de les protéger jusqu’à leur éclosion.
Cette implication dans les soins parentaux est assez insolite chez les gastéropodes marins et l’on pense qu’elle pourrait être l’une des causes du succès de cette famille de mollusques.
Quand les oeufs éclosent ils se transforment en larves planctoniques puis en véligers, une forme larvaire très répandue chez les mollusques, ce qui en fait les organismes les plus actifs du monde marin.
Comme sa petite soeur Monetaria annulus Monetaria moneta elle aussi malgré l’abus inconsidéré qu’en font les hommes dans un but commercial n’est pas actuellement menacée ni en voie d’extinction.
Synonymes
Erosaria moneta Linnaeus, 1758; Cypraea moneta Linnaeus, 1758; Monetaria moneta moneta Linnaeus, 1758; Cypraea monetacongo Gmelin, 1791; Cypraea numisma Röding, 1798; Cypraea gibbosa Schröter, 1804; Cypraea icterina Lamarck, 1810; Monetaria moneta icterina Lamarck, 1810; Cypraea tuberculosa Quoy & Gaimard, 1834; Monetaria moneta tuberculosa Quoy & Gaimard, 1834; Cypraea barthelemyi Bernardi, 1861; Cypraea mercatorium Rochebrune, 1884; Monetaria vestimenti Rochebrune, 1884; Cypraea circumvallata M. Schilder & F. A. Schilder, 1933; Monetaria moneta subalata M. Schilder & F. A. Schilder, 1933; Cypraea annulifera Coen, 1949; Monetaria pseudomoneta C.-H. Hu, 1992; Monetaria moneta monetserpentis Lorenz, Chiapponi & Mont, 2012.
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